Tribune libre d’Henri Dubreuil*
27% ! C’est le score d’opinions favorables que François Hollande enregistrait le 4 avril (sondage TNS Sofres). Pour rappel, Sarkozy, onze mois après son arrivée à l’Élysée, cumulait encore 37% d’opinions favorables et Chirac, laminé par les grèves de 1995, se maintenait à 45% (grâce à Juppé qui avait tout encaissé). Un comble pour Hollande : il est le Président le plus impopulaire de la Ve République sans avoir engagé la moindre réforme courageuse pour le pays. Autrement dit, en ne faisant rien, il a mécontenté presque tout le monde.
Pourtant, il espérait beaucoup de son intervention télévisée du 28 mars dernier. En rejouant “Bonne nuit les petits”, Nounours avec sa boîte à outil n’aura pas réussi à endormir Pimprenelle et Nicolas. Certains sont donc tentés de voir désormais l’impérieuse nécessité d’un changement de cap. Aussi décrié, François Hollande serait forcé de modifier son attitude et de changer sa politique économique.
Modifier son attitude signifie avant tout acheter une nouvelle paire de lunettes. Car visiblement le médecin de l’Élysée n’a pas détecté lors du dernier contrôle que François était myope et incapable de lire les grosses lettres fixées au mur à 5 mètres de lui. Comment donc peut-il lire les slogans des centaines de milliers de manifestants opposés au mariage gay à travers toute la France
Sa nouvelle paire obtenue, le Président pourrait faire les gros yeux et, sensible à la colère du peuple, au détour d’une bonne blague, abroger ce projet. « Je sais que certains gays rêvaient de s’enfiler…la bague au doigt. Mais trop de Français défilent… pour condamner ce projet. Je ne veux pas me mettre à filer un mauvais coton… Je renonce à ce texte ! »
Que nenni ! François Hollande est incompétent mais pas fou. Il ne veut pas se priver de sa première mamelle qui lui évite de sombrer totalement dans les sondages. L’abrogation du mariage gay serait une grosse déception pour tous les bobos urbains, majoritairement classés à gauche (38% des cadres et professions intellectuelles encore favorables à Hollande selon le sondage TNS Sofres, soit 11 points de plus que la moyenne nationale). A un an des municipales, un tel geste serait prendre le risque de démobiliser cet électorat qui permet aux socialistes d’administrer la grande majorité des principales villes du pays.
Puis, en bon politicien qu’il est – sans rien faire de sa carrière, il a évincé tous ses concurrents de la primaire du PS avant de battre Sarkozy – Hollande sait que son succès est tributaire d’un rapport de force. Et avec ce projet, il gagne sur tous les tableaux.
Ce texte ressoude sa majorité à l’Assemblée et lui permet de faire taire temporairement les critiques de l’extrême gauche. Il divise la droite. Hollande vient ainsi de remporter la bataille du Sénat suite à des défections salutaires. Car le texte n’a été adopté qu’avec six voix de majorité, or six sénateurs de gauche n’ont pas voté en faveur du texte et sept sénateurs de droite ne s’y sont pas opposés. Enfin, le mariage des couples homosexuels conserve le soutien d’une majorité de l’opinion avec 53% des Français favorables (64% pour la catégorie « cadres et professions libérales », sondage CSA en date du 4 avril). Quant aux manifestations, Hollande sait d’une part qu’elles sont peu menaçantes en comparaison des grèves et blocages des cheminots, chauffeurs de taxi ou autres corporations, d’autre part qu’il n’a rien à attendre de ces mécontents, classés majoritairement à droite et qui le resteront !
En sus de cette question du mariage pour tous, ces mauvais sondages laissent penser que Papy Mimolette va devoir faire de la résistance et changer de politique économique en s’opposant notamment aux idéologues de son aile gauche inféodés au culte du Léviathan !
Depuis 1960, la dépense publique est passée de 38% à 56% du PIB français. En vingt ans, la pression fiscale a crû de 6 points du PIB pour s’établir aujourd’hui autour de 52%. Enfin, l’État vit à crédit depuis plus de 30 ans. Dans ce contexte, il n’existe qu’une seule solution viable pour retrouver le chemin de la croissance et du plein emploi : réduire de 10 points la dépense publique, effacer le déficit public (4 points) et utiliser le différentiel sous forme de baisses d’impôt (6 points).
À nouveau, pour lui éviter un discours trop complexe, Hollande pourra privilégier le registre comique. « Ma boîte à outil est bien commode. Avec mon marteau, j’assomme Merluchon, avec mes clous, je crucifie mes idéologues de gauche, avec mon ruban adhésif, je scotche mes Verts. Je vais tronçonner dans les dépenses et rebâtir un État moderne. »
Vœu pieux ! François Hollande est inefficace mais pas suicidaire. Il ne veut pas se priver de sa seconde mamelle qui lui évite l’humiliation d’un zéro pointé dans les sondages. Une politique de réduction de la dépense publique serait un casus belli pour les fonctionnaires, caste des intouchables en France ! Une telle option reviendrait à prendre le risque de s’aliéner définitivement les quelques 6,9 millions d’agents rémunérés par l’État (dont 5,2 millions de fonctionnaires), majoritairement acquis à la gauche (36% des salariés du public encore favorables à Hollande selon le sondage TNS Sofres, soit 9 points de plus que la moyenne nationale). Ce serait tuer la poule aux œufs d’or électorale.
Mais ici, la position de Hollande est fragile. Que les marchés financiers se réveillent affolés par l’incapacité de la France à maîtriser ses déficits et les fonctionnaires devront apprendre à faire leurs cartons comme de vulgaires traders ! Heureusement pour eux, les fondamentaux actuels des marchés font de la dette publique française une dette de qualité, donc recherchée. La crise n’est vraisemblablement pas pour tout de suite.
À défaut d’avoir sauvé les deux bosses de son chameau malien d’une fin en tajine, Hollande préserve encore ses deux mamelles françaises. Reste à savoir si elles ne vont pas finir par tourner au vinaigre, auquel cas les carottes seraient cuites !
*Henri Dubreuil est diplômé en économie et en finance.
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