« L’erreur est humaine. Persévérer dans l’erreur est diabolique ». Ce précepte de l’Inquisition conduisait les hérétiques et relaps au bûcher. C’est sans doute la sentence qui devrait symboliquement frapper le Premier Ministre, énarque, Edouard Philippe, et son complice, le Ministre de l’Economie, énarque lui-aussi, Bruno Le Maire. C’est en effet un autre énarque, Dominique de Villepin, Premier Ministre de Jacques Chirac entre 2005 et 2007, qui avait procédé à la désastreuse privatisation des autoroutes en 2006. La même faute est commise aujourd’hui par Edouard Philippe avec la privatisation d’ADP, la société qui gère les aéroports de Paris. D’ailleurs une procédure administrative menace la décision prise par un autre énarque, en tant que Ministre de l’Economie, un certain Emmanuel Macron, lorsqu’il avait cédé les parts de l’Etat à hauteur de 49,99% de l’aéroport de Toulouse-Blagnac à un consortium chinois, Casil, accusé par la Cour des comptes et un rapport parlementaire de siphonner les caisses de la société pour verser 30 Millions d’Euros à ses actionnaires, dont 16,7 tirés des réserves ! Le rapporteur public devant la Cour administrative d’appel de Paris demande l’annulation de cette vente, et voilà que la même bande remet ça !
La privatisation, ou plutôt la concession des Autoroutes par le gouvernement Villepin, considérée à l’époque par le sémillant Premier Ministre, comme une bonne affaire, apparaît maintenant comme une bévue, un choix à court terme fait au mauvais moment. L’affaire a été excellente pour les sociétés qui gèrent désormais les autoroutes. Leurs profits ont augmenté en 10 ans de 20%, les hausses des péages de 20% aussi. 1,5 Milliard d’Euros de dividendes ont été versés aux actionnaires. C’est autant de perdu pour notre Etat impécunieux et de gagné par les groupes du BTP qui ont été les repreneurs et sont évidemment chargés des travaux d’entretien. La Cour des comptes a estimé que la cession à hauteur de 14,8 Milliards d’Euros avait été sous-évaluée de 10 Milliards ! L’Autorité de la concurrence a dénoncé la « rente » que constitue la gestion des autoroutes au profit des actionnaires et au détriment des utilisateurs.
L’expérience semble ne rien avoir appris à cette caste prétentieuse qui conduit notre pays d’échec en échec depuis des décennies en confirmant le jugement d’Einstein : « La folie, c’est de se comporter de la même manière, et de s’attendre à un résultat différent ». ADP a augmenté ses bénéfices de 6,9% en 2018 et généré 175 Millions de dividendes grâce à un bénéfice juteux de 610 Millions pour 4,5 Milliards de chiffre d’affaire. Pour le coup, il ne s’agit pas de « bijoux de famille », mais bel et bien, d’un excellent placement familial, qui vient chaque année compenser quelque peu les dépenses excédentaires de l’Etat. Le gouvernement, comme ses prédécesseurs, use en fait d’un expédient : sur une année obtenir une rentrée importante, pour réduire la dette, de façon très marginale, et, pour les crédules, afin de financer un fonds pour l’innovation. En fait, il perd la proie pour l’ombre et sa solution consiste à léguer le problème amplifié à ses successeurs. La seule réponse aux déficits et à l’accroissement de la dette réside dans la diminution des dépenses de fonctionnement, non dans la cession des actifs, et des revenus qui en proviennent.
Cette décision est un mélange de recette technocratique, de la part de l’Etat et de ses énarques, et d’idéologie de la part d’un certain nombre de soutiens parmi les députés « En Marche ». La privatisation n’est ni un monstre, ni une idole. Elle n’est pas bonne en soi, mais seulement de manière empirique. L’un des motifs logiques, et d’ailleurs constitutionnel, qui la motivent, est l’existence d’un marché et d’une concurrence. Lorsqu’une activité jouit d’un monopole de fait, comme un aéroport, elle n’a pas vocation à être privatisée. Or, c’est le cas d’ADP, qui n’a pas de vrai concurrent. Si la privatisation des banques et des entreprises de production était légitime et intelligente, notamment celle conduite par Edouard Balladur, après la stupide vague de nationalisations des années Mitterrand, la suite a montré que la prudence était de mise. Si l’Etat est, en général, moins bon gestionnaire que l’entreprise privée, il est nécessaire qu’il préserve une marge stratégique pour éviter que des entreprises ne s’évanouissent à l’étranger, ou que des ressources quasi automatiques ne lui échappent, et à travers lui, aux contribuables alors que les clients, en partie les mêmes, c’est-à-dire des citoyens, vont être pénalisés.
La conclusion est terrible : nos grands serviteurs de l’Etat, formés dans le moule de l’ENA et qui n’ont pas eu la chance de servir des hommes politiques de la qualité d’un Pompidou, loin d’être les spécialistes du gouvernement, sont des amateurs qui font le plus souvent preuve de légèreté. Cela se sait et ne contribue pas à renforcer l’image de notre pays. L’opération néerlandaise de montée en puissance dans le capital d’Air France-KLM alors que KLM génère 80% des bénéfices de l’ensemble est un geste de défiance qui se comprend parfaitement. Après les déconvenues sur le sauvetage d’un certain nombre d’entreprises industrielles, la découverte par l’exécutif des difficultés de la filière « diesel », à la suite de mesures « écologiques » à contre-temps et à contre-sens, n’est pas faite pour rassurer sur sa compétence !
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