A Notre-Dame-des-Landes, les gentils zadistes ont libéré la route départementale 281 qui était bloquée par eux depuis longtemps. Madame le Préfet a effectué en voiture les 3 km généreusement rendus au département par les vainqueurs. En politique, plus on emploie une expression, plus il faut craindre que la réalité qu’elle désigne soit en péril. Démocratie, Etat de droit : ces mots ont-ils encore un sens en France ? La nécessité d’un nouvel aéroport pour la ville de Nantes ne s’imposait sans doute pas. Là n’est pas la question. Celle-ci est triple : c’est d’abord l’interrogation justifiée sur la compétence et le sérieux, la légitimité morale, en somme, d’élus qui font traîner un projet d’investissements réputé stratégique pour y renoncer par opportunisme au bout d’un demi-siècle. C’est ensuite le déni de démocratie qui consiste à contredire un vote, certes consultatif, mais dont le résultat était clair pour éviter un rapport de forces physique plus que politique avec des occupants sans droit ni titre venus de partout alors que les électeurs qui s’étaient prononcés étaient ceux du département impliqué. C’est enfin dans l’ambiance festive d’un carnaval, d’ailleurs de saison, la victoire sympathique du non-droit, de l’anarchie, approuvée d’ailleurs par une majorité de Français toujours enclins à l’esprit munichois, qui veulent la paix à tout prix, le plus longtemps possible, en espérant que le déluge se déclenchera après eux.
Sans doute ce dernier point est le plus redoutable. L’Etat de droit, ce n’est pas la paix sociale, le recul devant la contestation, l’absence de victime chez les manifestants. L’Etat de droit c’est la situation d’un Etat qui respecte et fait respecter la hiérarchie des normes, et à travers celle-ci, les droits fondamentaux des personnes, mais aussi le respect de l’ordre public et l’application de la loi et des décisions légales des pouvoirs publics. Pour qu’il y ait un Etat de droit, il faut donc qu’il y ait d’abord un droit. Comme le notait Rousseau dans son Contrat Social, « force ne fait pas droit… On n’est obligé d’obéir qu’aux puissance légitimes ». Or ce qui a prévalu à Notre-Dame-des Landes, c’est curieusement un rapport de forces dans lequel le plus faible a été paradoxalement l’Etat, paralysé par les risques politiques qu’entraînerait pour lui l’usage de sa force. Les décisions politiques et judiciaires rendaient légitimes l’expulsion des zadistes et la réalisation de l’aéroport. La force du faible l’a en quelque sorte emporté parce que l’Etat a renoncé à être lui-même. Comment un Etat de droit pourrait-il exister sans droit dans un Etat défaillant ? Les risques engendrés par une telle démission sont considérables : les zadistes vont-ils quitter ce territoire le 31 Mars ? D’autres ZAD , comme le centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure en Moselle vont-ils prendre le relais ? La France va-t-elle continuer à subir le pouvoir de minorités qui « font la loi » au nom de leur idéologie ? Il est plus facile en France d’empêcher un aéroport ou une autoroute que de s’opposer à l’avortement. Pourtant, la France a le plus grand besoin d’investissements dans ses infrastructures et un besoin plus grand encore d’enfants pour assurer son avenir. Quand va-t-on comprendre que les idéologies mortifères, pour apparemment libératrices ou sympathiques qu’elles paraissent, sont avant tout suicidaires pour notre pays ?
La démocratie à la française, c’est la victoire continue de tendances idéologiques qui ont depuis longtemps prouvé leur nocivité. Celles-ci ont beau être minoritaires. Elles vont sans cesse revenir à la charge avec le concours de médias complaisants jusqu’à ce que la résistance s’effrite. Lorsque la barrière est tombée, il ne faut pas s’attendre à ce que des élus courageux songent à la relever. Non seulement les opposants d’hier ne vont pas chercher à reconquérir le terrain perdu, mais ils vont même se féliciter d’un progrès auquel ils se rallient. C’est la grande différence entre la gauche et la droite en France. Sur le plan sociétal, le PACS, puis le mariage unisexe, la PMA pour tous, demain, et la GPA après demain sont les jalons de ce parcours désespérant. Sur le plan économique, le temps de travail doit être réduit. Les Allemands le font désormais, dit-on. Nous étions donc précurseurs. Pourquoi ne pas aller plus loin ? On ne précise jamais que cela n’est pas lié en Allemagne au prétendu partage du travail dans un pays qui connaît le plein-emploi, mais à l’augmentation de la productivité. Celle-ci est réelle dans certaines industries, mais pas toutes, beaucoup moins dans les services, et pas du tout dans des professions de service public pour lesquelles la présence et la disponibilité sont essentielles. Les 35 heures à l’hôpital ou dans la police continuent d’être la plus grande stupidité dont nos élus ont été capables. L’incapacité dans laquelle se trouve notre pays de mettre en oeuvre une politique migratoire cohérente est un autre exemple. Entre le délit de solidarité des Français qui s’opposent à la loi et les élus qui refusent de supprimer l’absurde droit du sol qui multiplie les Français de papier, il y a la même indifférence au Bien commun d’une nation, ce qui devrait être la priorité absolue.
L’Etat de droit et la démocratie libérale ne sont que les deux faces d’une même réalité politique. Pour la faire subsister, il faut des élus exemplaires, dotés de deux qualités qui sont le courage et le sens du bien commun. Le retour de Cahuzac devant le tribunal par peur de connaître la prison est un triste signal. Cet homme était brillant. Mais il n’avait aucune de ces deux qualités. C’est pourtant à des hommes qui les possèdent que les nations doivent leur salut !
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