La Macronie bondissante n’a, décidément, pas grand-chose à envier à la Hollandie mollichonne. On se souvient par exemple qu’en janvier 2016 — deux ans déjà, le temps passe plus vite que les giboulées de niaiseries sur le pays, malheureusement — le président François avait décidé de modifier un peu la journée de défense et de citoyenneté dans un élan qu’on pouvait soupçonner propulsé par quelques vins trop capiteux.
À l’époque, il semblait admis par toute la République maternelle et dorlotante qu’un jeune devrait au moins passer une semaine de service actif pour la Nation afin de devenir un vrai citoyen. Mieux encore : en étendant les bonnes idées de cette semaine tout au long de la scolarité de l’enfant français, on assurait ainsi une parfaite intégration du moutard dans la société. Pour cela, François proposait même un contingent de 300 heures d’enseignement moral et civique, saupoudrés de l’école élémentaire à la Terminale, dans le but de transmettre la propag… heu les valeurs de la République, ces valeurs qui, à gauche, décident de tout et que lui et sa clique incarnent si bien (rappelez-vous, Cambadélis en a même fait un album à colorier).
Évidemment, au-delà du livret citoyen dont la création devait marquer le grand bond en avant de la citoyenneté française et qui s’est terminé dans l’habituel jus de boudin auquel toutes les décisions hollandesques furent vouées pendant son quinquennat, il n’était finalement pas ressorti grand-chose des petites manœuvres amusantes du rond-de-cuir de Tulle.
L’histoire aurait pu s’arrêter là et cela aurait été très bien. Mais en République française, à chaque coin de tapis mal étalé doit correspondre un pied pris et une gamelle retentissante. À chaque latte de parquet ministériel mal ajustée doit aussi correspondre un gadin rigolo de ministre, de porte-parlote ou de l’un de ces innombrables factotums qui grouillent dans les antichambres républicaines.
C’est donc avec une belle gourmandise qu’on se tape l’actuel feuilleton du « service national universel » remis en musique par le président Emmanuel.
Tout part d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui voulait instituer un service national à la fois universel, obligatoire et œcuménique : alors que la plupart des grandes tâches (disparition du chômage, diminution de la dette, sécurisation des retraite, etc…) sont maintenant amplement réalisées et couronnées de succès, il faut maintenant en venir aux promesses plus modestes de cette campagne présidentielle qui a, on se le rappelle, insufflé tant de joie et de peps dans la vie politique française. Il était donc naturel qu’on en vienne à parler de service national, sujet laissé en plan par le prédécesseur.
Ce qui devait arriver arrive donc comme prévu : le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a affirmé, mardi 13 février, sur Radio Classique et Paris Première que ce service serait obligatoire, … venant ainsi infirmer avec aplomb les déclarations de la ministre de la défense, Florence Parly, au micro de France Inter vendredi dernier et qui expliquait quant à elle que le service ne serait probablement pas obligatoire.
De son côté, Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, ne pouvant sans doute pas résister à ajouter sa touche personnelle au chaos déjà présent, avait expliqué lors d’une autre émission politique que ce service devait être obligatoire, et ce alors qu’on attend la publication le 21 février prochain d’un rapport parlementaire sur le sujet qui estimerait ni possible ni souhaitable que ce fameux service universel soit obligatoire.
Au passage, on ne s’étonnera même pas que ce rapport envisage la mise en place d’un « parcours citoyen » pour les jeunes de 11 à 25 ans avec, je vous le donne en mille, un joli saupoudrage de citoyenneté et de mixité sociale tout au long de la scolarité. Toute ressemblance avec le « parcours citoyen » de François Hollande est évidemment pas-fortuite-du-tout : les niaiseries politiques, c’est un peu comme les clowneries, ça se recycle très bien même chez les concurrents.
Bref, vous l’aurez compris : c’est « la totalité d’une classe d’âge, c’est universel, donc les garçons et les filles, et c’est obligatoire » comme le dit le porte-parlote, sauf que ce caractère obligatoire n’est pas certain ni même souhaitable, sauf que si, sauf que non, sauf qu’il y a encore quelques détails à peaufiner. Après tout, on parle de laver le cerveau conscientiser toute une classe d’âge, ce qui n’est pas simple si elle n’y a pas été correctement préparée, tout au long de sa scolarité.
Maintenant, pour le citoyen qui, par le truchement de ses impôts, paye ces députés, ces ministres et ce porte-parlote et donc, paye aussi pour entendre ce discours confus, il est plus que temps de s’inquiéter : qui croire de ces baltringues représentants ?
Heureusement, que notre contribuable se rassure : ses impôts seront bien employés puisque, pour justement éviter que ce genre de couacs gouvernementaux ne se reproduisent trop souvent, une nouvelle loi arrive qui va permettre de crier « fake news » dès qu’un ministre ou un député sortira du rang et racontera des carabistouilles. En effet, la « loi de fiabilité et de confiance de l’information » (oui, oui, c’est bien son vrai titre) va être présentée dans les jours qui viennent par le groupe de la majorité parlementaire.
Elle vise à réglementer les plateformes numériques et les médias sous influence d’un État étranger et, tout comme pour la promesse du service national, obligatoire, universel et triphasé, le gouvernement a su enclencher le turbo (qui, bizarrement, peine à démarrer pour redonner des couleurs à la justice, à la sécurité ou à l’éducation dans le pays) : à peine évoquée, voilà un texte qui entreprendra de bien nettoyer les intertubes (et au-delà) de toutes les rumeurs et autres nouvelles bidons qui pourraient tacher les réputations et obscurcir les discours de complotisme cracra et de doutes pernicieux sur l’omnipotence du pouvoir étatique.
Grâce à cette belle loi, il appartiendra bientôt à un juge de qualifier si une nouvelle est fausse ou pas, ce qui promet déjà d’intéressants dévoiements développements dans ce pays où la liberté d’expression est totale tant qu’il s’agit de la météo et de recettes culinaires.
Non, décidément, la Macronie bondissante n’a pas grand-chose à envier à la Hollandie mollichonne : l’emballage est différent, plus clinquant, plus coloré, mais l’emballé reste le même et ressemble beaucoup à de la propagande, du lavage de cerveau pernicieux et du musellement de l’opinion publique.
Charmant, ne trouvez-vous pas ?
> H16 anime le blog Hashtable.
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