Président de la Fondation pour l’islam de France, l’ancien ministre de l’Éducation nationale a plusieurs fois rencontré le président Macron afin de lui exposer sa vision de la laïcité. Il est certain que ses positions sur ce sujet orienteront une partie des décisions du chef de l’État. Il vient d’accorder à Valeurs Actuelles (n° 4232 du 4 janvier 2018) un passionnant, et terrifiant, interview.
Des positions dogmatiques
Ce qui frappe dans cet entretien c’est le nombre de positions dogmatiques, sans aucun lien avec la réalité, défendues par le ” Che “. « L’islam peut s’accommoder de la laïcité » affirme, péremptoire l’ancien ministre. Il s’agit d’une pétition de principe ne reposant sur aucun fait. Où et quand cette intéressante expérience a-t-elle été menée avec succès ? La réalité est que toutes les tentatives de laïcisation de l’islam ont été des échecs : en Turquie, en Irak, en Iran, en Égypte, etc.
« La loi républicaine régit le temporel. Le spirituel appartient à chacun ». Le drame, pour M. Chevènement, c’est que toutes les religions, sans aucune exception, ont des conséquences temporelles car elles portent en elles-mêmes une conception de l’homme qui influence leur vision de l’organisation de la société. Toute société politique a pour fondement une anthropologie d’essence religieuse. Ainsi l’égalité en dignité, ou non, de l’homme et de la femme repose sur une conception de l’être humain – homme ou femme – d’origine religieuse qui impacte la vie sociale.
« L’émergence d’un islam de France cultivé constitue la vraie réponse ». Quel mépris ! Quelle suffisance ! Quel aveuglement ! Ainsi donc, pour M. Chevènement plus on serait un musulman « cultivé » plus on serait perméable à la laïcité, et inversement. C’est oublier un peu vite que parmi les terroristes islamistes, nombreux sont ceux qui ont un niveau d’études tout à fait honorable, en particulier d’ingénieurs.
« Le personnel politique de droite comme de gauche n’est pas massivement influencé par la religion, même catholique ». Pour être franc on s’en doutait un peu ! En revanche, une grande partie de notre personnel politique est encore plus ou moins consciemment de culture chrétienne voire catholique, ce qu’a confirmé l’intéressant ouvrage de Samuel Pruvot à l’occasion des élections présidentielles, Les candidats à confesse. La laïcité semble cependant bien dépourvue quand il lui faut répondre à la question pourtant essentielle : Comment distinguer l’expression religieuse – interdite dans l’espace public – et l’expression culturelle – digne de toutes les louanges ? Une crèche est-elle une manifestation religieuse ou culturelle ? Ce sont aujourd’hui les juges du Conseil d’État ou de la Cour européenne des droits de l’homme qui en décident, ce qui est toucher du doigt l’ampleur du drame q ue nous vivons. La solution serait peut-être une crèche sans l’Enfant-Jésus ou avec l’Enfant-Jésus surmonté de l’inscription : “Cet enfant n’est pas Dieu” ?
Des vœux pieux
M. Chevènement appelle tous les citoyens « à la lumière de la raison naturelle, à s’entendre sur une définition de l’intérêt général ». On en rit encore à s’en briser les côtes, dans les madrasas du Pakistan ou d’Afghanistan comme à l’université Al-Azhar ou dans les écoles coraniques du Maghreb. Qu’est-ce que la raison face à la parole de Dieu ? Pour un pieux musulman, il n’y a pas à raisonner mais à chercher les bonnes réponses dans le « saint coran ». Dieu, transcendant, est au-delà de la raison. Il n’est pas lié par la raison. Nous nous permettons de recommander à M. Chevènement la lecture du discours de Ratisbonne du pape Benoît XVI, le 12 septembre 2006, à propos des rapports entre la raison et la foi, en particulier dans l’islam.
Logiquement, le président de la Fondation pour l’islam de France note à propos de nos « concitoyens de confession ou de tradition musulmane » que leur « avenir est en France et avec la France et nulle part ailleurs ». Même François Hollande, dans son livre d’entretiens, Un président ne devrait pas dire ça, s’était aperçu qu’une « partition » était en cours. Cette réalité ne semble pas effleurer l’esprit de l’ancien maire de Belfort.
Enfin, quelqu’un pourrait-il signaler à M. Chevènement que le temps des hussards noirs de la République est irrémédiablement révolu. Ils étaient le fruit d’une morale chrétienne laïcisée, celle de l’impératif catégorique kantien. Un jour de mai 68, on s’est aperçu que cette morale sécularisée était, en réalité, sans fondements. Elle s’est alors écroulée comme un château de sable.
De sombres lendemains
Il est à craindre que nous ne soyons dans un déni de réalité s’appuyant sur une immense vanité : la laïcité à la française résoudra toutes les difficultés, pour la raison simple que ce concept est celui auquel adhèrent des hommes de la qualité de Jean-Pierre Chevènement éclairés par la lumière infaillible de leur raison. Cette raison n’excluant d’ailleurs pas une part de lâcheté mais aussi de complicité, disons affective, avec l’islam de la part d’un nombre grandissant de nos responsables politiques.
Tout cela nous promet des lendemains qui ne chanteront guère.
Jean-Pierre Maugendre
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