Il y a quelques années, le Président de l’époque avait ajouté à la dénomination d’un Ministère, la mention de « l’identité nationale ». Cette dénomination avait aussitôt soulevé l’indignation de l’opposition, toujours à l’affût d’une tentative de discrimination ou d’exclusion, avide de défendre les droits des étrangers et de décourager toute velléité d’une fierté française qui ne serait pas une proclamation en faveur de l’universalité des droits de l’homme. Pour la gauche, la France n’est que la République laïque et égalitaire, prête à accueillir l’humanité entière, avec quelques privilèges en guise de bienvenue. Evidemment, une fois au pouvoir, la réalité l’oblige à en rabattre, mais ce n’est pas sans mal, comme le prouve le grotesque débat sur le point de savoir si des »Français de papier et par hasard », qui trahissent leur pays de naissance et lui préfèrent leur pays d’origine doivent ou non demeurer ce qu’ils n’ont pas envie d’être et ne sont pas.
Le Carrefour de l’Horloge, présidé par Henri de Lesquen, nouvelle appellation d’un club conservateur-libéral français, m’a demandé de répondre à la question de savoir comment défendre l’identité française. « Vaste programme ! » aurait dit le Général de Gaulle, mais devoir impératif à l’heure où la France en déclin, et de plus en plus mal gouvernée, se cherche, menacée par une mondialisation dominée par l’économie et la culture des Anglo-saxons d’un côté, et minée par une montée inquiétante du communautarisme, notamment lié à l’immigration musulmane, de l’autre. Avec la Révolution, notre pays a définitivement perdu la compétition avec les premiers. Il a cru trouver une compensation dans son rayonnement moral de pays des droits de l’homme tandis qu’il entreprenait la conquête d’un nouvel empire colonial peuplé en partie de musulmans. Ces deux mesures de remplacement d’une grandeur perdue se sont télescopées : une fois les colonies rendues indépendantes, nombre de leurs ressortissants sont venus vivre dans notre hexagone, qui se veut un Etat de droit exemplaire et accueillant. La perte progressive de souveraineté au sein d’un conglomérat européen technocratique obsédé par les prétendues exigences du droit et du marché a accentué l’effacement de l’identité nationale. Or, beaucoup de Français pensent que leur pays n’est pas qu’un espace à six côtés par lesquels on peut pénétrer pour réclamer le mêmes droits que ceux qui y vivent, avec leur histoire, leur langue, leur culture, voire leur religion. Ce besoin d’identité légitime se ressent dans toutes les nations du monde, particulièrement dans une vieille nation à la culture très riche. Ce débat n’a donc rien d’indécent.
Une identité nationale ne dépend pas d’un document, ni de l’adhésion à des valeurs abstraites, ni même de la participation à la défense d’un idéal, elle est l’acceptation d’un héritage et le désir de le faire fructifier dans l’avenir. Renan avait formulé ce principe. La nation n’est pas un territoire, ni une foule munie de documents semblables, c’est une personne collective qui a un destin. Si chaque individu possède évidemment une large dimension distincte de ce « moi collectif », il ne peut se sentir étranger à celui-ci et doit même ressentir comme des épreuves personnelles les événements graves qui touchent son pays. L’année 2015 a malheureusement fourni aux Français plusieurs occasions d’en faire l’expérience. Etre Français, ce n’est pas être « Charlie », c’est être solidaire des Français tombés sous les coups des terroristes et c’est être déterminé à faire la guerre à ces derniers. Au Royaume-Uni si attaché aux libertés individuelles, de Gaulle constatait en 1940 que « chaque Anglais se comportait comme si le salut du pays tenait à sa propre conduite ». L’identité nationale et le sentiment d’appartenance nationale ne devraient pas être distincts. Le droit ne devrait pas se distinguer du réel.
Cet objectif demande un certain nombre de mesures d’ordre politique. La première consiste à limiter la possession de la nationalité à l’héritage des parents, ce que l’on appelle le droit du sang, et à la volonté, l’acquisition par naturalisation, en supprimant toute automaticité et en exigeant de la part du demandeur une connaissance culturelle et donc linguistique de même qu’une situation judiciaire compatibles avec son assimilation. La double-nationalité ne devrait être accordée que de manière exceptionnelle lorsqu’elle présente un avantage pour la France. La seconde mesure doit viser la formation des jeunes Français. L’éducation civique plaquée sur une mentalité étrangère à notre culture ne laissera pas une empreinte profonde. Le droit et la morale sont inscrits dans une civilisation, une langue, une histoire et aussi dans une religion dont la connaissance est indispensable. La nation est comme un fleuve. Ceux qui en sont membres ne le traversent pas, mais en suivent le cours. En troisième lieu, toutes les sociétés ont besoin de « rites d’initiation », de périodes pendant lesquelles l’intégration au groupe est plus intensément ressenti. Dans une société libérale qui veut résister à un individualisme destructeur, le service national obligatoire et universel est une nécessité qui mérite des sacrifices financiers. Enfin, une identité doit reposer sur un support capable de protéger son existence. Une politique visant à renforcer la France sur les plans économique, démographique et militaire est donc incontournable. Nous en sommes loin.
Ce n’est pas par hasard qu’une banlieue incertaine de Bruxelles a généré un nombre important de terroristes islamistes. Les Marocains qui y vivent se sentent-ils belges, flamands, wallons, européens ? La confusion des identités dans un pays à l’existence flageolante est un risque auquel il faut échapper. La France le peut !
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