Ce que Dieudonné révèle de l’état du catholicisme

Depuis plusieurs semaines, l’humoriste supposé antisémite Dieudonné M’bala M’bala occupe le devant de la scène médiatique et déchaine les passions, en particulier en raison du bras de fer qui l’oppose au ministre de l’intérieur Manuel Valls. Le simple fait que les catholiques en soient réduits à devoir prendre position entre ces deux alternatives est malheureusement symptomatique de l’état dans lequel se trouve dans notre pays la religion qui l’a construit.

Du national – catholicisme  à l’occidentalo – protestantisme

Comme pointé par la blogueuse Gabrielle Cluzel, le catholicisme en France est marqué depuis plusieurs décennies par une évolution vers le modèle WASP (White Anglo Saxon Protestant). Parallèlement s’est produite une montée en puissance de la thématique du choc des civilisations, théorisée par le politologue américain Samuel Huntington, qui définit la France comme membre d’un bloc occidental sous dominance américaine en conflit avec le monde musulman. Ce n’est pas sans raison qu’un procès en anti-gaullisme a été fait à Nicolas Sarkozy. Le gaullisme repose spirituellement sur la fierté d’être français, qui découle de la conception catholique de la souveraineté de l’État. À cet égard, l’élection de Nicolas Sarkozy “l’Américain” en 2007 marque nettement le passage d’une fierté nationale catholique à une fierté occidentale protestante, après la dégénérescence d’un idéal gaulliste discrédité par l’ère Chirac. De même, l’issue de l’affrontement entre le catholique François Fillon et le juif Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP est très révélatrice. Entre le gaullo-chiraquien guindé cachant mal son avachissement idéologique derrière un paternalisme lourdaud, et l’occidentaliste fier d’être ce qu’il est et appelant au combat, le choix des militants a été clair.

Cette mutation inavouée a été crûment mise en lumière par les réactions suscitées à l’UMP par l’affaire Dieudonné. Qu’il s’agisse d’un Jean-François Copé apportant immédiatement son soutien à l’interdiction des spectacles de Dieudonné, d’un Franck Riester se demandant tout haut “pourquoi Dieudonné n’est pas en taule”, ou encore d’un Arno Klarsfeld, ami personnel de Nicolas Sarkozy ayant fait son service militaire en Israël, appelant à « créer des troubles à l’ordre public » devant les lieux où se produit l’humoriste, la quasi-totalité des réactions des responsables du parti héritier du gaullisme ont été dans le même sens. On est loin d’un Charles de Gaulle maurrassien renvoyant dos à dos les « musulmans avec turbans et djellabas dont on voit bien que ce ne sont pas des Français » et le « peuple d’élite, arrogant, sûr de lui et dominateur ».

La mauvaise conscience des catholiques

Popularisé par un Dieudonné enjoignant les chrétiens de « rejoindre l’islam afin de combattre le sionisme », le geste de la quenelle a été adopté par de nombreux militants de tendance catholique depuis plusieurs mois. Ceci peut se comprendre si l’on a à l’esprit que le principe central du catholicisme est la Vérité, incarnée par le Christ. Modèle du catholique, celui-ci a assumé jusqu’au sacrifice les conséquences de l’expression de cette Vérité, acceptant de subir injures publiques et horions jusqu’à la mort. Il est compréhensible que les catholiques embourgeoisés d’aujourd’hui se sentent mal à l’aise en voyant les supporters immigrés de Dieudonné assumer de lui apporter publiquement leur soutien. Qui plus est en chantant un Chant des partisans écrit par le catholique conservateur Maurice Druon que beaucoup ont depuis longtemps perdu l’habitude de chanter.

Cette appropriation de la quenelle par de nombreux jeunes catholiques rejoint l’attitude décrite par Eric Zemmour dans son livre Le Premier sexe, décrivant le « mâle blanc » fasciné par la virilité de l’immigré s’autorisant ce que lui a appris à s’interdire par son éducation. Lorsqu’un Manuel Valls au communautarisme assumé fait interdire le spectacle supposé antisémite de Dieudonné après avoir promu une pièce de théâtre ouvertement cathophobe, il est naturel de vouloir soutenir celui qui apparait comme le meilleur ennemi du nôtre. Ce qui est tragique n’est pas que de nombreux catholiques aient pris parti en faveur de Dieudonné, mais qu’ils n’aient pas eu d’autre alternative.

Le risque d’un catholicisme supplétif

De même qu’ils avaient voté pour les occidentalistes Sarkozy et Copé faute de mieux, de nombreux catholiques soutiennent aujourd’hui a contrario l’antisioniste Dieudonné faute de mieux. Le risque qui guette le catholicisme politique en France est d’être écartelé entre pro-sionistes se positionnant contre l’islam au nom de l’optimisation économique, et antisionistes se positionnant en faveur de l’islam au nom de la liberté d’expression. Dans les deux cas, en ne jouant qu’un rôle de supplétifs de conceptions socio-politiques étrangères à celle de la France. « Hitler a déshonoré l’antisémitisme », disait Georges Bernanos. Aujourd’hui, par leur attitude brutale, Manuel Valls et ses sectateurs sont en train de déshonorer le philosémitisme. Mais s’identifier par défaut aujourd’hui à un Dieudonné quenellier serait pour les catholiques militants faire la même erreur que s’être identifiés par défaut hier à un Copé winner, avec une forte probabilité de nouveau changement de bord dès que le vent tournera.

« L’antisémitisme est le seul moyen de réaliser l’union des aristocrates et des ouvriers » disait par ailleurs Maurice Barrès il y a un siècle. Comme noté par un Jonathan Sturel, le discours d’un Dieudonné, passé objectivement de l’antiracisme francophobe à l’antisionisme, produit aujourd’hui peu ou prou le même résultat auprès d’individus qui sont dans leur grande majorité d’anciens électeurs de François Hollande. Cette affaire, même si elle n’a pas permis de fournir aux catholiques un modèle politico-idéologique, aura au moins eu le mérite de poser certaines problématiques qu’ils ont soigneusement esquivés depuis plusieurs décennies.

Conclusion : le devoir d’Être catholique

“Aujourd’hui nous sommes amenés à être des héros et des saints, à être authentiques dans nos choix politiques”, prophétisait Maitre Frédéric Pichon. Comme l’ont appris à leurs dépend les catholiques pris entre deux feux dans l’affaire Dieudonné, le retour à une fierté catholique est une condition sine qua non pour ne pas avoir à choisir entre sionisme et antisionisme. Ceci impliquant d’assumer l’opprobre social et la déchéance matérielle que cela peut entrainer, tout en résistant au désir de le provoquer par conformisme antisocial.

Le mouvement de contestation de la loi Taubira du printemps 2013, qualifié de “populisme chrétien” par le politologue Patrick Buisson, aura permis aux catholiques de retrouver une fierté, donc une identité politique, sur la question des thèmes sociétaux. Ce mouvement doit être poursuivi simultanément sur les plans humain et doctrinal, afin de définir un modèle spirituel cohérent de fierté catholique valable sur un plan public comme sur un plan privé.

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108 Comments

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  • Emmanuel , 16 janvier 2014 @ 11 h 50 min

    @ la Mésange.

    “La liberté n’est pas de pouvoir dire, faire, etc. tout ce qu’on veut.” Bien sûr, mais je n’ai jamais dit ça non plus. La liberté est le droit de faire ce que l’on doit faire, selon la magnifique définition de Lord Acton.

    “La liberté consiste à être libre de choisir les moyens qui sont les meilleurs pour atteindre un bien.” Nous sommes bien d’accord sur définition-là aussi. Mais alors, pourquoi ne comprenez-vous donc pas que cette définition, à l’heure ou l’être humain exercera cette liberté, contient intrinsèquement le risque que le choix des moyens ne soit pas nécessairement le bon? La clé, elle est là: admettez que ce risque existe, ça fait partie de notre vie individuelle et donc de la vie en société.

    Afin d’atténuer ce risque dans toute la mesure du possible, nous sommes individuellement appelé à adhérer à une doctrine de perfectionnement: le Catholicisme est sans doute la meilleure doctrine pour orienter notre conscience de la meilleure manière.

    Car il n’y a pas de liberté d’expression sans liberté de conscience. Si cette dernière est mal orientée, la liberté d’expression risque de provoquer des dommages. Le fait est que je préfère, de loin et sans la moindre hésitation, courir ce risque et ne pas devoir vivre dans une société totalitaire théocratique dans laquelle on m’expliquera comment penser et quel chemin choisir.

  • Denis Merlin , 16 janvier 2014 @ 11 h 51 min

    Personne ne peut s’annexer Jésus, surtout pas les judéophobes.

    “Le salut vient des juifs” (évangile de saint Jean) et saint Mathieu “Mt 23,1. Alors Jésus parla aux foules et à Ses disciples,
    Mt 23,2. en disant: Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse.
    Mt 23,3. Observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent; mais n’agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent, et ne font pas.
    “.

    http://magnificat.ca/textes/nt01_mt.rtf

    Jésus, qui était patriote, pleura à chaudes larmes et avec sanglots sur sa patrie (Lc 19,41-42). Dire qu’il aimait ses compatriotes, n’est donc pas une hyperbole…

  • cristiano , 16 janvier 2014 @ 11 h 56 min

    Monhugo- C’est vrai que le combat “seul contre tous” (un peu comme Degaulle sans les communistes quoi!) et se faire détruire au final ça plus de charme vu de loin et même de très loin . J’ai vu aussi la video où il n’est manifestement pas très à l’aise (mais il ne prononce pas la chaada qui ferait de lui un musulman) en plus il balance une saucisse monumentale (ce qui me fait rire!) à son interlocuteur : “la venue de Mahomet est annoncée dans la bible ” . A mon avis (si je puis me permettre) soit il a voulu se concilier les bonnes grâces de son hôte, soit il ne connaît pas grand chose à la bible . En fait il doit y avoir des deux .
    Il est vrai qu pour beaucoup (moi le premier) ces concepts de sionisme, judaisme étaient très flous. Ma définition du sionisme (à moins que vous en ayez une meilleure à me proposer) est “ôte toi de la que je m’y mette ,et fermez la”
    Idem pour le fric ne pas se le faire piquer dès le premier procès me semble être le b -a ba de la résistance non ?

  • Emmanuel , 16 janvier 2014 @ 11 h 58 min

    @ la Mésange.

    “La liberté n’est pas de pouvoir dire, faire, etc. tout ce qu’on veut.” Bien sûr, mais je n’ai jamais dit ça non plus. La liberté est le droit de faire ce que l’on doit faire, selon la magnifique définition de Lord Acton.

    “La liberté consiste à être libre de choisir les moyens qui sont les meilleurs pour atteindre un bien.” Nous sommes bien d’accord sur définition-là aussi. Mais alors, pourquoi ne comprenez-vous donc pas que cette définition, à l’heure ou l’être humain exercera cette liberté, contient intrinsèquement le risque que le choix des moyens ne soit pas nécessairement le bon? La clé, elle est là: admettez que ce risque existe, ça fait partie de notre vie individuelle et donc de la vie en société.

    Afin d’atténuer ce risque dans toute la mesure du possible, nous sommes individuellement appelé à adhérer à une doctrine de perfectionnement: le Catholicisme est sans doute la meilleure doctrine pour orienter notre conscience de la meilleure manière.

    Car il n’y a pas de liberté d’expression sans liberté de conscience. Si cette dernière est mal orientée, la liberté d’expression risque de provoquer des dommages. Le fait est que je préfère, de loin et sans la moindre hésitation, courir ce risque et ne pas devoir vivre dans une société totalitaire théocratique dans laquelle on m’expliquera comment penser et quel chemin choisir.

  • Denis Merlin , 16 janvier 2014 @ 11 h 59 min

    Voici la définition de la liberté par le cardinal Bertone (définition que j’ai gardée sur mon blog):

    “Comme on le sait, il existe trois dimensions constitutives de la liberté : l’autonomie, l’immunité, la capacité d’action. Qui dit autonomie dit liberté de choix : on n’est pas libre si l’on n’est pas placé dans la condition de choisir. L’immunité, en revanche, implique l’absence de coercition de la part d’un agent extérieur. C’est, en définitive, la liberté négative (ou encore la “liberté par rapport à”). La capacité d’action enfin, signifie capacité de choix, c’est-à-dire de poursuivre des objectifs, du moins en partie ou dans une certaine mesure, que le sujet se fixe. L’on n’est pas libre si l’on ne réussit jamais à réaliser (pas même en partie) son projet de vie.”

    http://www.zenit.org/article-21794?l=french

    C’est d’ailleurs en ce sens que la critique de la liberté purement formelle par Marx avait quelque chose de vrai. J’ai la liberté d’aller me promener sur la lune, mais si je n’en ai pas les moyens, cela n’est pas une liberté. C’est pourquoi il est mensonger de dire aux pauvres: vous avez la liberté de manger.

    L’impossibilité de choisir peut aussi être morale (autonomie). Je n’ai pas la liberté, même moralement, de, par exemple, conduire dangereusement.

  • la Mésange , 16 janvier 2014 @ 14 h 21 min

    Bah je crois que nous sommes d’accord sur le fond, et je ne sais pas trop ce que vous entendez par “théocratique”.
    Avant la révolution dite “française”, il y avait davantage de libertés privées et civiles que maintenant, et pourtant la France était un pays catholique, et non “laïque”.

    Tandis que je parle d’une liberté morale, il semble que vous parliez d’une liberté de droit civil d’un pays. Liberté de pensée : aucun pays ne peut dénier la liberté de pensée, ils aimeraient bien, mais ce n’est pas possible….ils se contentent de détruire la liberté de parler et d’agir.

    Nul ne peut nier je pense que la loi d’un état doit être entièrement calquée sur les dix commandements, sans quoi ce n’est plus une société, mais un état barbare, comme on le voit de la France actuellement.
    Il faut donc forcément ne pas accorder aux gens, par exemple, les fausses libertés que sont le culte public des fausses religions ou la propagation de mensonges, calomnies etc. contre la vraie !

    In fine, tout revient à savoir si vous voulez vivre dans un pays chrétien ou non, mais comme la France est catholique “de naissance”, elle n’a pas à accepter ce qui est contraire au catholicisme sur son sol. C’est son droit le plus strict. Comme disait en substance ste Jeanne d’Arc : “Dieu aime les Anglais…mais chez eux !”

  • la Mésange , 16 janvier 2014 @ 14 h 26 min

    sic “le catholique est favorable à la liberté, la liberté religieuse notamment.”

    HEIN ? QUOI ? PARDON ? :O :O :O

    C’est de l’humour du 10ème degré, ou bien c’est encore la dépénalisation du canabis ???

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