Tribune libre de Vivien Hoch*
Un des grands arguments des afficionados du « mariage pour tous », c’est l’argument ab negatio : si tu n’es pas pour, tu es homophobe. On entend dire partout que ce projet de loi aurait « exacerbé et répandu la parole homophobe ». Vieille technique de la bienpensance, que de poser le débat selon ses propres termes pour se scandaliser de l’adversaire.
La technique de la -phobie vous enferme dans une dialectique qui esquive le débat. Elle formente un complot contre la démocratie, contre le langage communicationnel (Habermas), contre la raison toute entière. Elle psychologise le débat, la société ; elle psychiatrise l’adversaire, l’envoie d’emblée et déjà-toujours à des soins psychiatriques. Nous sommes dans la logique du « cycle carcéral » mise en lumière par Michel Foucault dans Surveiller et punir (1975).
Lionel Jospin l’avait déjà remarqué en 2004 : « Je vois s’esquisser une nouvelle tentation bien-pensante, voire une crainte de l’imputation homophobe qui pourrait empêcher de mener honnêtement la discussion [sur le mariage homosexuel et l’adoption] » (Le JDD du 16 mai 2004) ; c’est-à-dire à la mise sous verrou de tout débat qui contreviendrait au dogme étatico-médiatique, autrement dit tout ce qui ne se pose pas dans les catégories imposés d’ « homophile » et d’ « homophobe ».
Pour cela, il faut éduquer les gens à penser comme le pouvoir, et ce dès la plus tendre enfance. Ayons confiance en Vincent Peillon pour organiser la chose. Nos enfants en sauront bientôt davantage sur la contraception, le mariage homosexuel, l’homophobie, le trans-genre et le cannabis que sur les règles de conjugaison. Une neutralité qui s’applique (ou devrait s’appliquer) également aux dogmes d’État. Nos enfants n’ont pas à faire les frais des errances de leurs ainés. Laisser les enfants hors de ces questions, nous empêchera de verser dans la pédophobie.
Les grandes religions vont peut-être encore nous sauver. Comme le grand Rabbin de France, je remarque que la question ne doit pas se poser en termes de revendication, d’égalité, et de tout ce qui va avec – discrimination, -phobies, stigmatisation – mais en terme de sexualité, de filiation et de psychologie infantile, des lieux sur lequels toute décision politique peut porter préjudice à une civilisation toute entière. Si les échanges ne portent pas sur ces derniers points, c’est tout le débat qui peut tourner vers le clivage imposé de la –phobie.
Comme Benoît XVI, enfin, j’estime que « le mariage et la famille » doivent être « garantis » de «toute équivoque possible quant à leur vérité », parce que dans une civilisation qui brille (ou s’assombrit) par son manque de repères stables, la pire des choses est de s’attaquer à sa cellule de base, dernier cocon de sécurité affective et morale. La ligne de partage entre l’équivocité et l’univocité autour de la famille ne passe pas, encore une fois, par les catégories d’ « homophobe » ou d’ « homophile »…
La guerre est sémantique. Et la gauche l’a largement gagné. Cependant, personne ne sortira grandit de ce débat imposé s’il ne prend acte de la posture de l’adversaire : une posture clivante et psychologisante pour les partisans du « mariage pour tous », une posture grave et inquiète pour ceux qui s’y opposent. Selon ce schéma bien actuel, un débat est-il encore possible ? J’en doute fort…
*Vivien Hoch anime le blog Itinerarium.
> Cette tribune est publiée en partenariat avec Itinerarium.
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