Mon intervention d’aujourd’hui – j’en ai bien peur – ne porte que sur une question très locale, propre à La Réunion, une question très triviale, une simple histoire de cantine scolaire, mais peut-être saura-t-on y voir aussi le symptôme plus général d’une dérive inquiétante de nos mœurs. De quoi s’agit-il en effet ? Il s’agit de la décision prise par une municipalité de l’île de faire décortiquer et dénoyauter les letchis avant de les distribuer aux écoliers pour leur repas de Noël.
Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est un letchi qu’ils apprennent qu’il s’agit d’une petite boule de pulpe translucide délicatement parfumée, entourant un noyau de la taille d’une olive et recouverte d’une légère écorce rouge laquelle se rompt sans aucune difficulté. Pour beaucoup de gens d’ici, le plaisir de manger des letchis, un fruit associé aux fêtes de Noël, est inséparable de cette opération de décorticage. Sous cette écorce protectrice le letchi a en effet conservé toute sa fraîcheur et toute sa saveur, lesquelles disparaissent totalement quand on le met en conserve (une expérience que certains ont peut-être fait dans les restaurants chinois qui en proposent souvent pour le dessert : ceux-ci sont devenus presque insipides et de très peu d’intérêt !).
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les conséquences prophylactiques de ce décorticage. On nous parle de « décontamination » mais comment s’effectue celle-ci ? Avec un trempage dans l’eau de Javel ? Sans doute pas… Bien sûr on imagine que les décortiqueurs, avant de se livrer à leur tâche de décortication, ont enfilé des gants en plastique, mais leur est-il possible de changer de gants après chaque fruit dont ils ont manipulé l’écorce potentiellement contaminée ? Et cette écorce que l’on enlève, n’était-elle pas la meilleure protection contre toute contamination ?
Et dire que tout cela est effectué au nom du « principe de précaution » afin de prévenir de prétendus risques d’étranglement ! On aimerait d’ailleurs bien à ce propos que nous soient fournies des statistiques précises sur les « accidents de letchis » survenus ces dernières années. Voilà en tout cas une initiative dont on ne peut dire qu’elle aille dans le sens du développement de la fameuse « autonomie » des jeunes, cette « autonomie » dont on se gargarise pourtant tellement et à tout bout de champ !
Alors, l’exemple réunionnais va-t-il être suivi par les cantines scolaires de la métropole ? Celles-ci, conscientes des risques considérables auxquels elles exposent les enfants qu’elles ont charge de sustenter, vont-elles à leur tour se décider à faire dénoyauter les abricots, pêches et cerises qu’elles leur proposent ? C’est ce que l’on serait content de savoir. Et nos chers écologistes qu’en disent-ils ?
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