Le chaudron du Moyen-Orient ne s’éteint pas. Alors que l’État islamique succombe sous les attaques « croisées » de ses ennemis, la mixture que l’on y voit bouillir prend l’apparence d’un affreux brouet immangeable. Lors des interventions américaines en Irak, la lecture de la situation était relativement claire. Les États-Unis profitaient de l’effondrement de l’URSS, pour liquider un dangereux dictateur qui menaçait, selon eux, la paix dans la région, et notamment les deux alliés les plus importants, l’Arabie Saoudite et Israël, avec de puissants moyens de destruction massive, dont on cherche toujours la trace. Saddam Hussein, membre du Baas, représentait l’une des deux branches du réveil politique arabe, dont l’origine remonte aux années 1930, le nationalisme appuyé sur les militaires. C’est lui qui avait suscité Nasser en Egypte, Assad (le père) en Syrie, Kadhafi en Libye, et Arafat en Palestine. Moscou les avait tous soutenus contre Washington et l’Occident en général, jusqu’à instrumentaliser le terrorisme. Carlos qui croupit dans nos prisons est un fossile vivant de cette époque. Que l’Amérique veuille terrasser cet ennemi n’avait rien d’étonnant. Ce qui l’était davantage, c’était la chronologie. En 2003, le dictateur de Bagdad était bien affaibli. Ses agressions contre l’Iran puis le Koweit avaient été de cuisants échecs, dont le premier constituait d’ailleurs plutôt une opération menée avec le soutien des Occidentaux. Les 58 paras français tués dans l’attentat du Drakkar en ont hélas payé le prix sous Mitterrand. Depuis 1979, l’Iran chiite avait quitté le camp occidental avec la chute du Shah, et était devenu un ennemi de l’Amérique. Depuis 2001, l’autre branche du réveil arabe, nourrie de fondamentalisme religieux sunnite, avait surgi comme un second adversaire, plus acharné encore. Le djihadisme manipulé par les Américains, aidés de leurs alliés saoudiens et pakistanais, avait servi à faire plier l’armée soviétique en Afghanistan, et voilà que la créature s’était retournée contre son maître, un certain 11 Septembre 2001. G.W. Bush se trouvait devant trois ennemis et il s’attaquait au plus faible d’entre eux, sans doute poussé par des préoccupations pétrolières autant que politiques.
L’arrivée d’Obama, alors que l’armée américaine venait de reprendre le dessus en Irak après les bourdes commises dans la foulée de l’occupation du pays, correspondit à la fois à une plus grande clarté des discours et à une inaction qui leur enlevait toute cohérence. Les Américains se retiraient militairement de l’Irak. Ils combattaient les djihadistes là où ils le devaient, mais de loin, avec des missiles, des drones ou des commandos. L’exécution de Ben Laden aura été le point fort de cette stratégie. En revanche, la situation se dégradait en Irak où se développait une guerre civile entre les sunnites chassés du pouvoir et minoritaires, et les chiites installés à Bagdad qui prenaient maladroitement leur revanche. L’ordre et la paix reculaient aussi en Afghanistan où les talibans gagnaient du terrain. Pendant ce temps, au Caire et ailleurs, Obama et ses comparses occidentaux disaient tout le bien qu’ils pensaient de l’islam, tentaient d’introduire une subtile distinction entre l’islamisme fanatique d’Al Qaïda et l’islam modéré des Frères Musulmans, que des esprits aussi « éclairés » chez nous qu’Alain Juppé, ne manquaient pas de complimenter. Nul doute que cette « religion d’amour et de paix » allait, comme elle le faisait déjà en Turquie, être à la démocratie dans les pays musulmans, ce que la démocratie chrétienne a été en pays catholique. Tous les zozos et les bobos de la terre, grands admirateurs d’Obama et de Clinton s’esbaudissaient à l’éveil du Printemps Arabe. La démocratie victorieuse du communisme allait franchir la Méditerranée, permettre l’union des riverains, sur les décombres des dictatures nationalistes du sud. Cela méritait bien l’écrasement de Kadhafi après les chutes de Ben Ali et de Moubarak. Restait Assad le fils, dont on ne ferait qu’une bouchée. Quant à l’Iran, ni arabe, ni sunnite, on comptait sur sa sagesse, et l’effet des sanctions économiques pour qu’il renonçât à l’atome militaire.
Pendant ce temps, on ignorait cette pauvre Russie, bien diminuée par le démantèlement de l’URSS, démotivée par la fin du communisme et demeurée impuissante lors de l’écrasement de ses ancien alliés, les Serbes en Europe, les Irakiens ou les libyens dans le monde arabe. Ce fut une erreur grossière de la part d’Obama et de ses supplétifs. La Russie de Vladimir Poutine n’était plus marxiste, mais elle demeurait un pays fier et puissant qui n’accepterait pas d’être humilié davantage. (à suivre)
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