Rosetta, une réussite du génie européen, non de l’Union européenne

Si l’Hymne à la Joie de la IXe de Beethoven n’était pas l’hymne de l’Union Européenne, je l’aurais volontiers écouté pour l’associer à l’enthousiasme des scientifiques après l’atterrissage du robot Philae sur la comète Tchouri.  Autant j’ai de plus en plus de mal à comprendre l’ivresse des foules après une victoire sportive à laquelle elles n’ont pas participé et avec laquelle, elles n’ont en définitive que peu de rapport, qui n’apporte rien ni au pays, ni à l’humanité, et n’aura aucune conséquence sur leur vie, autant là, j’ai partagé sans réserve.

C’est d’abord un fantastique succès de l’aventure humaine. Que l’on soit parvenu à effectuer les calculs nécessaires, à concevoir et réaliser les machines capables de faire se rencontrer une comète filant à la vitesse de 55 000 km/h et un engin spatial qui a voyagé 10 ans et parcouru 6 milliards de kilomètres en rebondissant d’une orbite à une autre, comme propulsé par une gigantesque fronde, est avant tout la démonstration des extraordinaires possibilités de l’intelligence humaine. Satellisée à plus de 500 millions de kilomètres de la terre autour de Tchouri, Rosetta continue d’envoyer de multiples informations et elle a permis de faire atterrir un robot sur ce gros caillou de 4 km de diamètre. Si l’arrimage n’est pas trop défectueux, un forage pourra être effectué qui apportera des connaissances fondamentales sur la naissance de l’univers dont cette brique fondatrice est le témoin. Pour le coup, tant en raison de l’exploit réalisé que pour les conséquences qu’il faut en attendre dans les connaissances et la conscience que l’homme a de sa présence dans l’Univers, cet événement est à l’échelle de l’Humanité. Il la réunit dans ce qu’elle recèle de meilleur. On ne peut bien sûr éviter de comparer cette aventure brillante aux zones d’ombre qui sont nombreuses sur notre planète. Manifestement, il est plus facile à quelques centaines d’hommes de résoudre les problèmes dans le vide infini de l’espace, qu’aux milliards d’individus qui vivent sur terre de régler leurs conflits, ou de faire face aux calamités qui les frappent et dont ils sont parfois eux-mêmes les auteurs. Discours facile qui ne doit pas conduire à opposer la recherche scientifique pure et le traitement des questions plus concrètes de la maladie ou de la faim. Les progrès techniques issus de ces explorations lointaines ont des effets positifs sur notre vie quotidienne.

La communauté scientifique telle qu’elle se condense dans des organismes internationaux, comme l’Agence spatiale européenne qui pilote le projet couronné de succès hier, le Centre Européen pour la Recherche Nucléaire et son Large Hadron Collider, qui a permis la découverte du fameux Boson de Higgs, l’année dernière, ou encore le projet ITER de Cadarache avec son Totamak tourné ver la maîtrise de la fusion nucléaire, offre une image idéale de l’avenir de l’Humanité. Encore ne faut-il pas tomber dans l’angélisme béat. On peut parier sur la qualité éthique des savants, mais le pouvoir reste aux politiques sur la morale desquels le pari est infiniment plus hasardeux. Ces conquêtes du Graal par les savants et les ingénieurs sont des modèles qui indiquent la bonne direction, mais qui n’obligent nullement à la suivre. Elles doivent cependant inspirer aux politiques deux choix dont ne témoignent guère les orientations prises.

Le premier concerne l’éducation. Puisse la fascination exercée sur de jeunes esprits par l’aventure spatiale en conduire beaucoup vers la science, la vraie, vers la recherche, vers la technique. La désaffection pour les études scientifiques dans notre pays avait été soulignée il y a douze ans par le rapport de Guy  Ourisson. Depuis les chiffres se sont détériorés. De 63720 étudiants en 1995, les filières scientifiques sont passées à 38200 en 2005 et 33154 en 2011. Les gros bataillons vont vers les sciences humaines, le droit et les sciences politiques pour former les bureaucrates et les fonctionnaires dont la France regorge déjà, tandis qu’elle ne forme ni suffisamment d’ingénieurs ni suffisamment de professeurs pour les disciplines scientifiques. Certains de nos petits génies en mathématiques se lancent davantage dans la recherche de la martingale boursière que dans celle des techniques de demain. Il faut le regretter.

Beaucoup de ces étudiants, en sciences politiques par exemple, vont devoir « se caser », et comme par hasard, ils seront dans les cabinets de leurs amis politiques assez bien placés pour amplifier la technostructure parfaitement superflue qui accueillera leurs semblables.  Notre Président, qui n’en rate pas une, a, par exemple présenté le succès de Rosetta comme une victoire de l’Europe, sous-entendu de l’Union Européenne, comme si le travail des savants et des ingénieurs de l’Agence Spatiale devait grand chose à la bureaucratie bruxelloise ou au Parlement inutile qui voyage de Bruxelles à Strasbourg. L’Agence, comme ses consoeurs résulte d’un accord intergouvermental et peut s’étendre à des pays qui ne sont pas membres de l’Union, comme la Norvège ou la Suisse en ce cas, ou même le Japon pour le projet Iter. Elles sont au contraire issues de la volonté des Etats et de leur capacité de travailler ensemble sans structure parasite. C’est la volonté politique française qui fait que la France pèse pratiquement le même poids que l’Allemagne pour le financement de l’Agence (24%) et fournit 30% des ingénieurs qui y travaillent. C’est bien dans ces exemples de coopération entre nations souveraines que se situent les perspectives d’avenir, non dans les machins supranationaux qui privent les peuples de volonté, d’identité et de ressort.

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31 Comments

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  • eric-p , 14 novembre 2014 @ 20 h 36 min

    Ça me rappelle un peu l’ambiance qui régnait au début des années 80′ sous Mauroy.

    Figurez-vous déjà à l’époque que le ministre de l’éducation national avait refusé de participer à la cérémonie de la remise des prix pour le concours général !!!

  • eric-p , 14 novembre 2014 @ 20 h 43 min

    @ Hilation

    Attention à ne pas non plus renverser le bébé avec l’eau du bain.

    Si NVB entretient effectivement la “cancritude” (Ça y est je parle couramment la novlangue socialiste maintenant !)
    de la plupart des jeunes, les classes prépas regorgent toujours de jeunes étudiants brillants qui ne demandent qu’à s’épanouir dans des instituts de recherche ou dans le secteur privé.
    Ils n’ont pas besoin d’une illuminée pour savoir ce qu’ils ont à faire…

  • labolisbiotifool , 14 novembre 2014 @ 20 h 54 min

    ” je l’aurais volontiers écouter ” Aïeeeeeeeeeeee ! Hé ben M . Vanneste , vous avez
    avalé votre Picon de travers ??? : )

  • jsg , 15 novembre 2014 @ 5 h 14 min

    Hi,hi,hi,hi, elle est trop bonne (à coulisse)

  • toro , 15 novembre 2014 @ 9 h 21 min

    Autant je salue le savoir-faire qui a conduit à ce succès remarquable (mais dont l’utilité, en tout cas lointaine, n’est pas évidente) autant je regrette que ce savoir-faire (et les budgets qui vont avec) n’ait pas été appliqué il y a de nombreuses années déjà à la mise en place -beaucoup plus simple- d’un réseau de satellites pour un GPS européen ou, mieux encore, purement Français. Car à défaut de ce GPS autonome nous restons pieds et poings liés devant les Américains et dans une dépendance absolument insupportable.

  • Trucker , 15 novembre 2014 @ 10 h 43 min

    Toro………vous parlez d’utilité lointaine pas évidente concernant la mission Rosetta/Philae ;

    L’une des exploitations qui va être faite de cette aventure,qui n’a pas été mis en avant…. le discours s’étant concentré sur la recherche d’informations concernant les origines de notre système solaire, son âge qui pourrait être confirmé avec plus de précision……et peut être les origines de la vie ( vaste question qui ne sera malgré tout probablement pas résolue par les informations obtenues à cette occasion )……c’est qu’avec le seul atterrissage ( dirons nous un jour acomettissage ?) de philae, quand bien même celui-ci ne s’est pas déroulé au mieux parce que le module n’a pas pu s’arrimer comme prévu à la surface de Churyumov-Gerasimenko ( c’est son vrai nom, manière de rendre hommage à ses découvreurs ), les éléments fondamentaux d’ordre technique sont maintenant ( partiellement ) maitrisés pour concevoir les méthodes futures ouvrant des perspectives sérieuses dans un domaine du spatial très précis : celui qui concerne le risque de collision entre la Terre et des astéroïdes géo-croiseurs dont les orbites , sous surveillance, pourraient subir des modifications et constituer de fait un danger pour notre planète.

    La solution la plus pertinente envisagée à l’heure actuelle, et contrairement aux scénarios catastrophistes des films Hollywoodiens, voulant que l’on tire des missiles nucléaires pour faire exploser le météore menaçant, au risque de se prendre ses débris sur la gueule, serait d’envoyer se poser sur la surface du-dit astéroïde un module équipé de propulseurs suffisamment puissant pour induire une modification de trajectoire orbitale.

    Si cela devait être un jour mis en oeuvre, et avec succès, nul doute que l’on évoquera ce mercredi 12 novembre 2014 et le robot Philae comme ayant été précurseur de la méthode.

    J’étais à la cité des sciences et de l’industrie pour vivre en direct l’évènement ( avec la frustration ressentie de n’en pas avoir vu d’avantage, mais à 500 millions de la Terre, il faut savoir rester humble et l’astronomie rend humble et modeste )
    Pour ce qui est des bourdes de notre “président” ( avec un petit p ) je vous conseille de rechercher trace sur le net de son discours, hésitant comme il se doit de la part de quelqu’un qui semblait plus préoccupé par autre chose qu’intéressé par les motifs de sa venue………qui parle d’atterrissage sur une “planète” avant de se rattraper en précisant sur une “comète”………qui parle d’un exploit réalisé il y a quelques secondes au moment ou il parle alors que cela faisait bien deux heures que Philae s’était posé, mais surtout qui nous a livré une “info” très significative de son état d’esprit, lorsqu’il vante les mérites d’une aventure qui pourra nous éclairer sur nos origines, d’où l’on vient, ce qui lui sembla important en un temps, ajouta-t-il, dans lequel on ne sait pas très bien où l’on va !

    Quand on voit la lourdeur de l’idéologie de ceux qui nous gouverne, soyons indulgent pour le petit robot qui de 100 kilos sur Terre ne pèse plus qu’un gramme sur la comète.
    La faible gravité l’a fait rebondir…….

    Il ne semble pas que la gravité de la situation du pays et du continent européen en général incite nos dirigeants à rebondir………eux, pour notre plus grand malheur, sont bien arrimés à leurs certitudes, leurs situations, et ne semble plus capable de voir à dix ans

    J’ajouterai qu’à son apparition sur l’écran, on nota dans l’assistance quelques applaudissements tempérés par quelques timides huées………….et se fit entendre un air aujourd’hui célèbre sur la mélodie du chant des partisans, chanté par quelques individus ayant visiblement quelques accointances avec un comique (qui ne l’est pas pour tout le monde )……..et qui parle d’un aliment dont il se dit qu’il peut être “dangereux” d’évoquer le nom………

    Mais ce n’était ni jour de colère ou 14 juillet sur les Champs Élysées

    Mais bon, tout n’est pas perdu, tant qu’il y a encore des gens sérieux comme André Brahic pour nous faire rigoler.

  • Bacchus , 15 novembre 2014 @ 12 h 22 min

    Je sais que je vais me faire traiter de rabat joie, mais c’est pas grave…

    Donc, en qualité de modeste ingénieur du Centre Spatial Guyanais pendant 13 ans, y compris lors du lancement de la mission Roseta, je pense que l’aspect dithyrambique des propos de M. Vanneste serait probablement atténué si il connaissait réellement l’envers du décor du spatial européen.

    La première chose à savoir, c’est qu’englué dans la technostructure française (en fait ça s’écrit française, mais ça se prononce soviétique), comprendre cette merveilleuse administration, ici représentée par le CNES, que le Monde entier nous envie, mais ne copie surtout pas, il a fallu créer de toute pièce une société de droit privé, Arianespace en l’occurrence, pour pouvoir simplement lancer sur le sol français.

    Ce qu’il faut surtout savoir, c’est qu’Arianespace, pour pouvoir simplement équilibrer ses comptes, essaie de mettre en orbite une quinzaine de satellites commerciaux par an, se positionnant ainsi comme le premier opérateur spatial mondial, dans l’indifférence générale, et le tout, malgré toutes les lourdeurs de l’administration française; en fait le véritable exploit est là!!!

    Par contre le fait que la mediasphère s’échauffe parce qu’une lessiveuse vielle de trente ans, dont au passage la technologie embarquée n’est de loin pas même celle d’un téléphone portable, vient de se poser sur un caillou, sans finalement aucune réelle plus-value technique, voire même scientifique, et bien là, je suis désolé, ce n’est pas un exploit, mais juste un immense outil de communication pour faire oublier qu’après avoir était leader pendant 25 ans, le spatial européen a du plomb dans l’aile, et risque même très rapidement de redevenir comme ce fut le cas jusque dans les années 70, un acteur de deuxième, voire de troisième ordre…

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