Le lendemain de Brignoles

Dimanche électoral impitoyable : une élection cantonale partielle dans le Var et des primaires socialistes en vue des municipales ont, malgré leur marginalité, dessiné un portrait sans appel d’une démocratie malade. Après avoir braqué les projecteurs de l’actualité sur un modeste canton méridional, les médias peinaient hier à rappeler son absence de représentativité : 1/2500e du corps électoral, un fn déjà élu en 2011, un département atypique… L’ennui c’est que la mobilisation du second tour espérée et provoquée n’a pas empêché le candidat frontiste d’être confortablement élu. Cette victoire prend donc une signification nationale dont on aurait tort, cette fois, de négliger l’importance.

Quand plus d’un électeur sur deux vote pour un parti alors que la participation est honorable, la légitimité démocratique de ce parti devient incontestable. L’attitude extrêmement digne et sportive de son candidat saluant la belle campagne de son adversaire fait perdre tout crédit à ceux qui disent qu’en dépit de ses scores, le FN ne serait pas un parti républicain. L’emploi dévoyé de ce mot et les vieilles insultes de fascisme révèlent au contraire de quel côté est le sectarisme. L’absurdité du prétendu Front Républicain a éclaté aux deux sens du terme : d’abord, bien sûr, parce que, l’alliance des partis, qui se proclament « républicains » n’a pas réussi à convaincre ses électeurs potentiels et que des gens de « droite » comme de « gauche » ont sans doute voté pour M. Lopez ; ensuite, parce que ce mot est une coquille vide et que son absence de tout contenu a éclaté au grand jour. Les accusations réciproques de l’UMP et du PS, dans le style de la cour de récréation : « c’est pas moi, M’sieur, c’est l’autre qui fait monter le FN », s’accusant soit de mauvaises pensées, soit de résultats catastrophiques, rendent leur collusion absurde, et involontairement comique.

Il y a en Europe trois types de relations entre la « droite » et la « droite de la droite ». Ou le mode de scrutin et l’idéologie droitière du parti conservateur marginalisent l’extrémisme de droite, comme au Royaume-Uni ; ou l’histoire, et le réalisme économique et social de la gauche favorisent un rapprochement des sociaux-démocrates et des conservateurs, comme en Allemagne, parfois, et en Autriche, souvent, avec pour effet de condamner la droite de la droite à l’opposition ; ou, prenant conscience de la plus grande proximité de leurs électeurs et de leurs programmes, les deux droites se coalisent contre la gauche, comme en Italie ou dans certains pays du nord de l’Europe, à l’occasion d’élections proportionnelles le plus souvent. L’aveuglement des dirigeants de l’UMP et du PS  les empêche de voir qu’il n’y a pas d’autre option. Le mélange des élections majoritaires et proportionnelles d’une part, le flou idéologique de la prétendue droite, avec sa désastreuse ouverture à gauche ou sa tête de liste parisienne actuelle ont consacré l’existence du Front National et ont amené vers lui des électeurs déçus par Chirac et Sarkozy. Les positions idéologiques clivantes de la gauche sur la famille ou l’identité nationale révulsent nombre de sympathisants de la droite classique qui ne peuvent en aucun cas répondre à l’appel d’un prétendu front républicain qui n’a aucun sens pour eux. C’est ce qui explique que celui-ci ne peut fonctionner qu’à sens unique : les électeurs de gauche vont voter contre le plus éloigné pour le moins éloigné, mais ceux de droite ne vont pas donner leurs suffrages au candidat avec lequel ils n’ont rien en commun, contre celui avec lequel ils ont des préoccupations communes. Beaucoup préféreraient une alliance avec le FN plutôt qu’avec la gauche, comme l’indiquent les sondages. La politique économique et sociale désastreuse de la gauche, les propositions parfois démagogiques et, en tout cas, le discours parfaitement respectueux de la démocratie du FN attirent vers lui un électorat populaire tandis que tombent les tabous. Les anathèmes des caciques de l’UMP et du  PS glissent désormais sur ces réalités. Quand le même jour que cette modeste élection au retentissement étonnant, le PS offre le spectacle de ses divisions et de la course au pouvoir, par tous les moyens, à l’occasion des primaires marseillaises, et que, pour l’UMP, l’édredon de Saint-Quentin vient ajouter sa candidature à une bataille d’« ego » qu’il prétend dénoncer, beaucoup de Français se disent que, peut-être, il est temps de renvoyer dos à dos les deux machines électorales, leurs ambitions, leurs appétits, leurs mensonges et leurs échecs, qui après plus de trente ans d’alternance, n’ont fait qu’aggraver la maladie du pays.

La montée du Front National n’a donc rien d’étonnant. Il lui reste à transformer l’essai en devenant le premier parti de droite, comme le Partido Popular l’avait fait en Espagne en délogeant les centristes. Sur sa route, il y a trois obstacles. Le premier est ce qui le sépare vraiment de l’UMP et du PS : son opposition à l’Europe. La réussite relative des pays qui ont conservé leurs monnaies, le marasme du sud de l’Europe, les interventions tatillonnes de la machine européenne tandis qu’elle passe à côté de tous les grands sujets ont dissipé le rêve européen. Cet obstacle devient un atout. Le second s’appelle la crédibilité. Cela tient à la capacité reconnue de dirigeants capables d’expliquer techniquement comment en finir avec l’euro et comment rétablir les frontières économiques. Il y a là encore un effort considérable à accomplir. Enfin, le troisième est l’isolement qui semble rendre impossible l’accession au pouvoir national, comme aussi, dans de nombreux cas, sur le plan local. Là, prioritairement, la métamorphose est nécessaire, faute de quoi, Brignoles restera sans lendemain.

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46 Comments

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  • Gisèle , 14 octobre 2013 @ 20 h 10 min

    Et Sarkozy qui veut revenir ..tiens ? je croyais qu’il se retirait de la politique !
    Il se la fait à la star de la chanson qui fait ses adieux au public et qui revient l’année d’après ….
    Ces gens là ne peuvent se passer du pouvoir , de la gloire et des privilèges qui vont avec .
    Il sait que les Français sont formatés pour voter à gauche quand ils sont mécontents de la droite et pour revoter à droite quand ils sont déçus par la gauche …. un seul programme dans le module !
    Comme dit ma fille : au secours ! pas encore tous ces vieux boucs ! on les a assez vus !

  • Charles , 14 octobre 2013 @ 20 h 19 min

    Gisèle;
    Précisément,il faudra que les électeurs sachent comment
    votent les maires “sans étiquettes” lors des élections indirectes.
    les temps deviennent tellement graves qu’il n’est plus possible
    de ne pas prendre position et de se cacher pendant 6 ans.
    Par exemple,acceptez vous que Marine puisse se présenter
    aux présidentielles de 2017 sans devoir courir dans tous les sens.

  • justin , 14 octobre 2013 @ 21 h 57 min

    La France appartient-elle aux citoyens ou aux partis politiques? Et la république est-elle réservée aux territoires qui votent à gauche (y inclus l’UMP)?

    La politique des partis commence à me dégoûter parce qu’elle prend les électeurs pour des consommateurs de spectacle électoral. Ce n’est pas sérieux.

    Et on entend trop les Parisiens se mêler des affaires qui ne regardent que Brignoles.

  • Charles , 14 octobre 2013 @ 21 h 58 min

    Je précise si nécessaire:

    La seule solution,c’est la branche UMP sous les 10%.
    Plus un réveil des abstentionnistes.

    Donc une migration réaliste d’une grande partie des électeurs UMP
    et d’une grand partie des abstentionnistes vers une nouvelle
    offre politique qui soit complémentaire de l’offre du FN.

    Donc,une offre politique nouvelle qui cannibalise 2 gisements de voix:
    1.Le gisement des voix UMP
    2.Le gisement des voix Abstentionnistes.
    Ceci afin d’exister au T 1 (atteindre les 7% à 12 %)
    ,puis rejoindre/soutenir le FN au T2 en lui apportant ces 7% à 12 %.
    Ceci de manière à placer les candidats FN en position majoritaire au T 2.

    Bien sur avec un principe de réciprocité ou de panachage en T2(Fusion).
    Cette offre nouvelle étant fondée sur la Résistance culturelle
    autour de la manipulation du mariage civil.

    Ce qui impliquera une mobilisation des veilleurs debouts qui pourront
    ainsi rendre la monnaie de la pièce aux zélites et leur police politique.

  • Gisèle , 14 octobre 2013 @ 22 h 22 min

    Je pense exactement la même chose .
    La joute politicarde consomme beaucoup d’énergie inutile .
    Les élus ne veulent pas comprendre que la bonne santé d’un pays et son avenir positif dans sa position mondiale , ne seront atteints qu’à condition de travailler ensemble dans ces seuls buts .
    Oui mais … le pouvoir , la domination , l’argent c’est si tentant !

  • François Desvignes , 15 octobre 2013 @ 3 h 48 min

    Il y aurait deux observations à faire sur l’article :

    1/ Brignolles c’est la réponse du pays reel au pays légal .

    La dernière fois, c’était au moment de la Constituante en 1789.

    Les têtes poudrées de la république feraient mieux d’arrêter de nier ou de louvoyer et de regarder la colère des Français en face : en se retirant.

    Mais ils ne se retireront pas : ils tricheront.

    Car c’est ce qu’ils ont pris l’habitude de faire depuis le traité de Lisbonne.

    Pour bien en prendre la mesure, il suffir de se remémorer ce que de Gaulle aurait fait en pareille situation : ce qu’il a fait en 69, il aurait dissout l’Assemblée puis démissionné.

    Ce serait le fonctionnement normalement démocratique de nos institutions, ce qui en fit sa valeur.

    ce n’est pas ce que fera la classe politique mais son inverse : elle va détourner la démocratie.

    L’épisode électoral ne va être ni facile ni calme.

    2/ Les Français n’ont pas voté FN pour obtenir des solutions économiques (qu’ils espèrent néanmoins depuis 40 ans qui les attendent). Mais pour mettre en oeuvre des solutions identitaires.

    Ils ont voté FN par survie identitaire, pour refranciser la France.

    Ce qui implique d’ouvrir deux fronts :

    – l’un au nord contre Bruxelles
    – l’autre au sud contre l’immigration afro-musulmane.

    Ce double front procède du même combat puisque Bruxelles est l’allié objectif de l’invasion africaino-musulmane qu’elle suscite.

    C’est une guerre identitaire, camusienne.

    C’est une guerre : il ne faut pas avoir peur des mots, la première lacheté est celle d ela sémantique. La première ruse de nos ennemis est d’endormir notre vigilence.

    Le FN pourra espérer toutes les victoires s’il fait corps avec cet élan national. Il sera rejeté sans concession ni remerciements dans le cas inverse.

    Ce combat n’est pas celui de la xénophobie ou de l’europhobie :

    – Le pays reel n’est pas contre tout étranger mais contre toute francophobie incluant toute christianophobie : sa détestation ne se manifeste pas seulement (en réaction) contre les musulmans ou les africains mais contre les marrianistes (la FM, le pays légal) et les cosmopolites (Attali) ou les christophobes (Fourest). Par un raccourci de formule, on peut dire que si la république est laique, la France est chrétienne et que c’est donc à la république de devenir française, pas à la France de devenir franc maçonne.

    – il n’est pas contre l’Europe, (c’est la France qui l’a mise historiquement sur les fonts baptismaux) il est pour une Europe des nations francophile et donc opposé à son inverse une Europe anationale des technocrates vendus aux desiderata des lobbies cosmopolites et/ou occultes.

    Si le FN (qui nous lit) fait corps avec ces deux fondamentaux, alors il fera corps avec son électorat ie l’immense majorité des Français.

    Et quelles que puissent être les tentatives du lobby apatride francophobe non seulement il vaincra à l’intérieur des frontières mais servira d’exemple et de modèle à nos cousins européens, devenus pour le coup aussi francophiles que fiers de leur identité, c’est-à-dire authentiquement européens.

  • JSG , 15 octobre 2013 @ 6 h 04 min

    Excellent ! vous venez de résumer pourquoi les gens voient en bleu Marine. Non, parce qu’ils ont des idées haineuses et sectaires, comme les médias à la botte le disent, mais parce-que ils se rendent compte qu’il y va de LEUR SURVIE intellectuelle, culturelle, et matérielle.
    Ce n’est pas la chasse aux émigrés mais la chasse aux non-intégrables, quels qu’ils soient. A tous ces clowns, qui ne font aucun effort pour se faire aimer, dont le cercle socio-culturel, les rappelle à l’ordre en cultivant chez eux des rancœurs, des frustrations, une jalousie chronique contre leur hôte, et son pays.
    La nationalité a été trop largement distribuée sans conditions à des gens qui ne la méritent pas.
    La grosse résistance va venir de tous ces “français de souche politisés” dont l’idéologie suicidaire consistait à forcer au mélange racial et culturel, histoire de se convaincre de la justesse de leur utopie. Ceux-là, se rendant parfaitement compte de l’état dans lequel ils ont plongé le pays, vont TOUT FAIRE pour noyer le poisson, créer un écran de fumée, voire déclencher des insurrections, guerre civile, assassinats, enfin toute la panoplie violente qu’il dénonçait pour se maintenir.

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