En quelques jours, les mauvaises nouvelles pour le gouvernement se sont accumulées : sur le front de l’économie, des perspectives fiscales, de l’emploi, mais aussi sur celui des sondages d’opinion, également sur l’échiquier européen, etc. La croissance est retombée sous les 2 %, le chômage stagne à plus de 9 %, l’inflation est repartie à la hausse, la France est de plus en plus isolée etc.
Un an après son élection l’esquif improbable de ce chef de l’État inattendu, trouvé comme dans une pochette-surprise, prend l’eau.
Dans le même temps, le pouvoir a laissé percer sa propre faiblesse, vis-à-vis de ses plus fidèles partisans. Leur présence leur confère désormais un poids, et ceci pose par là même un problème qu’il va bien falloir résoudre, sauf à sombrer dans le ridicule.
Deux exemples édifiants se sont manifestés sous les traits d’Alexandre Benalla et de Richard Ferrand. Et ils se sont traduits par deux camouflets infligés au parlement.
Premier camouflet : à l’encontre du Sénat. S’agissant d’un Benalla, pour commencer, on se demande comment interpréter l’exemplaire arrogance du personnage. L’affaire qui porte son nom a pu sembler jusqu’ici subalterne. Or, tout en acceptant, formellement, mais en traînant des pieds, de se plier à la loi, il n’hésite pas à défier la commission d’enquête sénatoriale. “Aujourd’hui, on me contraint”, fait-il mine de déplorer. Il ne viendra, dit-il, que “parce qu’on le menace”. Et surtout il ne saurait ignorer que refuser de répondre à une convocation pour une commission d’enquête est passible de deux ans de prison et de 7 500 euros d’amende.
Rapporteur de ladite commission d’enquête Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, souligne que la commission “a longuement réfléchi” à la possibilité de convoquer l’ancien chargé de mission. “Au début, nous avons pris en compte les objections” sur le risque d’empiéter sur l’enquête, explique le sénateur PS. “Mais il nous est apparu qu’il pouvait être utile de le recevoir parce que nous avons beaucoup de questions à lui poser, indépendamment de ce qui relève stricto sensu de la justice. Il y a tellement de contradictions, de non-dits, d’imprécisions dans ce qui nous a été dit depuis le début de cette enquête que nous voulons en savoir plus, nous voulons savoir la vérité (…) Ce qui nous intéresse, c’est le fonctionnement de l’État. Or il est évident qu’il y a eu de très lourds dysfonctionnements”.
Et c’est bien cette évidence qui est en cause, et qui chaque jour se confirme.
Le 12 septembre L’Obs révélait pourtant que Jupiter proteste contre cette convocation auprès du président du Sénat Gérard Larcher. Or, le chef de l’État n’a pas à autoriser que ses collaborateurs s’expliquent devant la commission d’enquête. La convocation est impérative.
Deuxième camouflet : il a été infligé à l’Assemblée Nationale. L’élection du président du groupe La République en Marche pour remplacer l’ancien président de l’Assemblée nationale François de Rugy devenu ministre ne s’est pas révélée de tout repos. Outre la très courte majorité dont a disposé finalement l’heureux élu, n’oublions pas que si, en nombre de députés le groupe fourre-tout de La République en Marche peut formellement se passer d’alliance, les élections tant législatives que présidentielle de 2017 n’auraient pu être gagnées sans le ralliement de Bayrou et sans l’alliance avec le MODEM.
Et, le 10 septembre les auditeurs de France Info avaient pu apprendre, s’agissant du choix du candidat, que les cartes biseautées avaient distribuées d’avance par le pouvoir exécutif. Moyennant quoi, “les députés de la majorité ont donc choisi Richard Ferrand, malgré le fait qu’il soit élu depuis 20 ans, qu’il soit un homme et qu’il ait 56 ans”.
Une telle présentation fait bondir Ingrid Riocreux qui la relève : “C’est, commente-t-elle, une phrase glaçante. Ce ‘malgré’ laissait attendre une allusion à l’affaire des mutuelles de Bretagne. Mais ce que le journaliste retient comme étant les principaux handicaps de Richard Ferrand, ce sont sa longévité en politique, son sexe et son âge.”
En sa faveur militent certainement, et France Info aurait pu l’indiquer à ses auditeurs, des convictions philosophiques très fermes et la proximité du président.
Au parlement, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat on constate bien un recul profond du prestige d’un président, plombé d’abord par ses amis, ses soutiens et ses chouchous. À défaut de tomber sous les coups de ses adversaires, Emmanuel Macron risque fort d’être étouffé par les étreintes fraternelles de ses camarades.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
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