C’est entendu, les Français n’ont pas élu Macron dans l’enthousiasme et l’unanimité. Ils ont en partie déserté Fillon, certains par crainte de réformes trop arides, d’autres en raison de la déception-justifiée ou non- sur le personnage. Ils ont refusé Marine Le Pen en subissant le poids de la « médiacratie » française, mais aussi parce qu’elle ne faisait pas le poids. Reste que beaucoup de Français y ont alors cru jusqu’à offrir au nouveau Président une majorité introuvable au Palais Bourbon. On pouvait résumer ce mouvement à trois qualités reconnues par les électeurs : brillant, compétent, et énergique. Bref, après des années d’atermoiements et d’alternances, la France pouvait et devait changer ! On oubliait que Sarkozy s’était trouvé confronté à une crise mondiale qui avait handicapé sa politique économique et que celle menée par Hollande dans des conditions plus faciles avait été calamiteuse, bien que Macron fût pourtant auprès de lui pour le conseiller. Un an après, on se rend compte que le défaut de Sarkozy, toujours soucieux de ménager la chèvre et le chou, et celui de Hollande, de disperser l’action publique, se retrouvent chez leur successeur. On serait bien en peine de discerner dans son action un grand projet, une cohérence assumée. Il s’agit de bouger pour bouger, dans de nombreux domaines, mais sans que dans l’un ou l’autre, le pas accompli soit essentiel. Ainsi, le redressement économique de la France se traduit seulement par un déficit public en-dessous de 3% du PIB, lequel a été obtenu par une amélioration temporaire de l’économie mondiale et européenne, et par une pression fiscale accentuée. Ni cette dernière, ni la dépense publique, ni la dette, ni le déficit de nos échanges n’ont connu d’amélioration. Or ces données sont plus objectives que le fameux « 3% » défini sous Mitterrand en fonction de critères aujourd’hui obsolètes. Les réformes ne sont que des expédients camouflés en opération de grande envergure. Ainsi, la montagne SNCF dont l’ascension a été coûteuse se traduira dans de nombreuses années par la souris des retraites lorsque les futurs embauchés atteindront les cinquante ans et plus…
Deux signaux de cette tromperie sur le « produit » Macron apparaissent : le premier consiste à chercher un peu désespérément des ressources nouvelles pour faire face à une conjoncture qui est en train de se dégrader, et aussi pour financer les dépenses générées par les promesses du candidat. Jupiter mégote : telle est sa politique, en résumé. Il s’agit de trouver de l’argent là où il se trouve, à part que ce n’est plus comme chez les communistes dans la poche des riches. Non, ceux-ci, même lorsqu’ils vivent à l’étranger sont nos « premiers de cordée », nos « héros ». En fait, il faut le trouver dans la masse des classes moyennes et imposables qu’on va pressurer par les deux bouts, en leur offrant moins et en leur demandant plus, et si possible au nom de motifs apparemment honorables tels que la sécurité ou la santé. Ce faisant, s’opère sournoisement un détournement de l’action de l’Etat qui semble perdre de vue sa fonction essentielle. C’est ainsi que l’Etat envisage de faire payer sa participation à la sécurité lors de la Féria de Béziers. Cette intention révulse à juste titre le Maire de la ville, Robert Ménard. S’il y a, en effet, une mission archi-prioritaire de l’Etat, c’est bien celle-ci : assurer l’ordre public et la sécurité des citoyens. Ces derniers la financent déjà deux fois par leurs impôts, nationaux et locaux. Il est déjà remarquable, en effet, que de nombreuses communes, celle de Béziers, notamment, aient du pallier l’insuffisance de l’Etat en créant une police municipale ou en installant des systèmes de video-protection. Il est logique que l’Etat demande un paiement du service qu’il assure lorsque l’organisateur d’une manifestation qui exige un surcroît de sûreté est une entreprise qui perçoit des rentrées, comme un club sportif, par exemple. En revanche, quand il s’agit d’une collectivité qui entend en retirer un bénéfice indirect, à travers l’activité de ses commerces ou surtout en termes de renommée et de fierté identitaire, c’est évidemment à l’Etat de faire son devoir en assurant la sécurité de citoyens français sur une partie du sol national, sans chercher à « privatiser » ni le sol, ni les citoyens.
On peut faire la même analyse à propos de la limitation de la vitesse sur les routes à deux voies à un maximum de 80 km/h. Apparemment, il s’agit de sauver des vies, et l’on brandit déjà la diminution du nombre des morts sur la route au mois de Juillet pour se féliciter de cette mesure. 19 morts de moins par rapport à l’année dernière, soit une baisse de 5,5%. Mais, cette diminution est la tendance de ces derniers mois. Elle était même plus importante en Juin, à – 9,3%. En revanche, l’augmentation des automobilistes flashés en Juillet est beaucoup plus parlante : 500 000 PV cette année contre 260 000 en Juillet 2017 : le double ! Avec à chaque fois pour le conducteur, 68 Euros à ajouter à ses impôts, et à la clef, une éventuelle perte de points, voire de permis. C’est ainsi qu’un gros utilisateur de la route, pour des raisons professionnelles, pourra perdre une partie de ses revenus, et son outil de travail en prime, pour avoir collectionné de petits excès de vitesse sans avoir commis le moindre accident. On pourrait même se plaindre une fois de plus d’une certaine préférence étrangère dans ce domaine aussi : qui, à 130 sur autoroute n’a pas vu arriver dans son rétroviseur un bolide ? Il s’agissait, lorsque par prudence on l’a laissé passer, d’une voiture immatriculée à l’étranger et qui ne subira aucune conséquence de son infraction continue. Mais le plus grave est ailleurs : tandis que l’Etat mobilise l’attention du public et des gendarmes sur la vitesse, il se fait plus discret sur les causes plus lourdes des accidents les plus sérieux. Celles-ci sont plus difficiles à contrôler, demandent plus de moyens humains, plus coûteux que les machines, et sont donc d’un rendement financier moindre. C’est l’alcoolisme ou la drogue ( en croissance continue) , c’est l’entretien des véhicules. C’est le problème prioritaire de la sécurité des deux roues. 97 motards et 29 cyclistes ont été tués en Juillet 2018. 28% des victimes pour moins de 10% des usagers ! Et l’état du réseau routier, l’absence d’entretien par un Etat et des collectivités territoriales réduits à faire des économies sur l’essentiel, ne sont pas étrangers à ces mauvais chiffres.
Etait-ce là la « vision sans programme » promise aux Français ? Le grand projet s’atomise en petits calculs !
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