Si les Français voulaient se persuader que depuis deux ans ils ont été invités à un spectacle unique et permanent, le titre donné par tous les médias encenseurs du pouvoir, leur fournirait un argument : après la « victoire » européenne, requinqué, consolidé, renforcé, le premier ministre a reçu la confiance de l’Assemblée nationale pour « l’Acte II du quinquennat ». Les godillots qui la remplissent ont applaudi, se sont levés, et n’ont faibli qu’à la fin, lorsque le laborieux catalogue dénué d’élan d’Edouard Philippe s’achevait en manquant de souffle.
Pour un spectacle, le décor a de l’importance. A L’Assemblée, celui-ci recèle une particularité : le public en fait partie, et sa dévotion à l’acteur le transforme en claque. Les vrais spectateurs sont, eux, condamnés au silence. Une impressionnante majorité de 363 députés a donc soutenu le chef du gouvernement pendant plus d’une heure et a voté la confiance. Ce fut plus difficile le lendemain au Sénat, où il y eut 181 abstentions, et 91 voix contre 71 pour. On cherche en vain la France réelle dans ces différents décors en trompe-l’oeil. Ni la majorité écrasante de l’Assemblée, ni celle hostile du Sénat ne correspondent à la fausse victoire des européennes qui a été une vraie défaite pour le président et son parti, même si elle a été plus lourde encore pour la majorité sénatoriale.
Lorsqu’on compare les résultats des européennes, si l’on excepte le cas très particulier du Royaume-Uni pris dans la tempête du Brexit, il n’y a guère qu’en France où la majorité au pouvoir, représentée par une liste soutenue par l’ensemble des partis qui la composent, LREM, Modem, AGIR, c’est-à-dire les transfuges précoces des Républicains, et les Radicaux, n’a atteint que le score de 22,42% des voix. Moins d’un électeur sur 4 a voté pour l’exécutif ! Partout ailleurs, même lorsque le ou les partis soutenant le gouvernement ont été battus, ce n’était pas dans cette proportion : Tsipras, en Grèce, après avoir fait subir quatre ans de tortures sociales aux Grecs en même temps qu’il reniait ses engagements initiaux, réunit plus de 27% de voix avec ses alliés, et devancé par la Nouvelle Démocratie, il annonce honnêtement des élections législatives anticipées. Aux Pays-Bas, Marc Rutte et sa majorité coalisent plus de 40% des voix. En Autriche, le Chancelier et son parti arrivent en tête avec 34,55 %. En Italie, la Ligue distance ses concurrents avec 34,26% des suffrages, et son partenaire au gouvernement fait 17,06%. En Pologne, le parti conservateur et nationaliste, Le PiS, qui dirige le pays, rassemble 45,38% des électeurs. En Hongrie, le Fidesz de Viktor Orban fait, à lui seul, 52,56 % ! En Espagne, le PSOE, revenu au pouvoir arrive premier avec 32,84%. Dans d’autres pays où le gouvernement s’appuie sur des majorités compliquées et parfois étonnantes, il n’y a pas d’exemple d’un pouvoir en place désavoué comme l’a été celui d’Emmanuel Macron. Celui-ci aurait aimé le score de la CDU-CSU allemande, première avec 28,86% des voix. Lorsqu’on voit se lever plus de 60% des parlementaires pour applaudir chaudement le premier ministre et qu’on sait que les 8 députés du Rassemblement National ont pesé plus lourd aux européennes que les 363 qui se lèvent, on se dit, même en se félicitant de l’efficacité du scrutin uninominal majoritaire, que ce spectacle n’a rien de démocratique, et qu’il serait urgent de retourner aux urnes, sérieusement, en dehors de la confirmation aveugle du scrutin présidentiel.
La démocratie française, avec M. Macron, est devenue un « village Potemkine » qu’on repeint chaque jour pour désinformer des Français menés d’une priorité à une autre au gré de la seule priorité du pouvoir qui est de perdurer par tous les moyens. La bonne surprise des européennes a résidé pour lui dans le résultat des écologistes. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement réformateur appuyé sur une majorité élue pour changer des institutions qui avaient, de manière artificielle d’ailleurs, exaspéré beaucoup de Français lors des présidentielles de 2017, renonce à vouloir brusquer les choses dans ce domaine, pour placer en tête de toutes les préoccupation, l’urgence écologique avant même les urgences sociale et économique, et bien sûr politique. Certes, il y a des manifestations sanctifiées par les jeunes qui y participent, mais soyons sérieux, les problèmes écologiques sont planétaires. La France n’a guère les moyens d’agir sur la température du globe, si tant est qu’elle ait des causes humaines, et il est facile pour un gouvernement de lancer des programmes dont on ne pourra jamais mesurer réellement les effets. L’écologie est un alibi faussement moral pour un pouvoir qui place au contraire la question de l’immigration qu’il peut traiter en pleine responsabilité parmi les peurs contre lesquelles il faut lutter. Le grand remplacement n’est pas un problème, c’est une peur, un sentiment, comme l’insécurité naguère.
Comme l’annonce le titre, l’Acte II, c’est du théâtre qui veut retrouver la mise en scène soignée du début de l’Acte I, mais il est probable qu’elle ne fera plus illusion très longtemps, lorsque, dans les domaines où les résultats se constatent, ils ne seront pas au rendez-vous. ( à suivre)
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