1984

« Big Brother is watching you ! » On ne saurait faire des raccourcis hâtifs, mais force est de constater que la caractérisation d’un système dictatorial proposée par George Orwell dans son roman 1984 trouve des résonances extrêmement fortes avec ce que vit le peuple français depuis quelques mois. En réalité, les prémices de cette situation avaient déjà vu le jour depuis plusieurs décennies, mais la loi Taubira a catalysé les tensions, si bien que les contours dictatoriaux du pouvoir en place sont apparus avec une netteté toute particulière. Les agissements de ce que l’on a appelé à juste titre une police politique ne constituent que la face émergée de l’iceberg, et si toute dictature déploie avec elle un usage massif et injuste de la force, c’est qu’en amont, une idéologie est à l’œuvre. Ce terrorisme intellectuel, camouflé sous des apparences démocratiques, est la cause principale de la répression policière et du climat d’hostilité généralisée que cherche à entretenir le gouvernement vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme lui. Une question se pose alors : comment en est-on arrivé là ? Orwell, en 1949, avait déjà tout compris…

Qui est Big Brother en 2013 ?

Il ne faudrait surtout pas croire que Big Brother puisse s’identifier totalement avec les membres du gouvernement actuel. Big Brother, c’est l’allégorie de l’idéologie dont émane la dictature. Or, le fil directeur de la matrice idéologique actuelle, c’est le primat absolu du désir de l’homme sur ce qui s’impose à lui : la nature humaine, la loi morale, la vérité. Le refus de sa condition native d’héritier a conduit l’être humain à exalter sa liberté, entendue comme capacité absolue d’affranchissement de ses « déterminismes », pour reprendre les mots de Vincent Peillon. Dès lors, tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué par leurs actes, leurs paroles, ou leurs silences au développement de cette idéologie délétère ont leur part de responsabilité dans la constitution de ce nouveau Big Brother. La mise en place de procédés dont Orwell a magistralement décrit les arcanes a permis d’élever cette idéologie au rang de dogme d’État.

L’instauration d’une pensée unique : révision de l’histoire, contrôle de la jeunesse.

Il est des signes qui ne trompent pas. La force de la vérité, à laquelle tout homme est en droit contraint d’adhérer, c’est qu’elle s’impose d’elle même. Quand un pouvoir politique refuse la vérité, et cherche à imposer le mensonge à son peuple, il doit transformer la réalité, et contrôler l’éducation. À cet égard, la vision idéologique de l’histoire que propose Vincent Peillon dans son livre La révolution française n’est pas terminée (Paris, Seuil, 2008) n’a rien à envier au principe de « la mutabilité du passé » mis en œuvre par la classe dirigeante dans 1984. Dans les deux cas l’enjeu est le même : « qui détient le passé détient l’avenir ». De même, la théorie du genre selon laquelle le sexe biologique ne détermine par l’identité sexuelle de la personne participe de la même volonté de subversion que les trois slogans du Parti de Big Brother inscrits sur la façade du ministère de la Vérité : « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». Enfin, le projet de loi Peillon qui vise « à arracher les enfants à leurs déterminismes », en leur imposant, dès trois ans, un enseignement de la théorie du genre, constitue la clé de voûte de l’entreprise maléfique d’embrigadement des intelligences. La chose n’est cependant pas aisée, car l’ « immortelle et céleste voix » de la conscience répugne à cet assujettissement. Qu’importe, nombreuses sont les armes de Big Brother…

“Dans notre société profondément individualiste, un militant qui revendique simplement pour un autre que lui-même n’est pas crédible. L’homophobie est donc le mobile que l’élite bien pensante a arbitrairement crédité au mouvement d’opposition à la loi Taubira, pour combler l’absence d’autres explications en phase avec l’égoïsme structurel de notre société.”

Identifier un ennemi commun : l’homophobe ou l’Emmanuel Goldstein français

Comment stigmatiser un mouvement d’opposition dont les membres ont ceci de commun qu’ils sont, pour la majorité d’entre eux, des citoyens patriotes, respectueux des forces de l’ordre et payant leurs impôts ? Comment stigmatiser des opposants dont le seul mobile est non pas l’espérance d’un accroissement de leur aisance personnelle, mais bien la défense de valeurs dont ils sont les dépositaires, engagés dans un combat dont ils ne verront sans doute pas l’issue ? Dans notre société profondément individualiste, un militant qui revendique simplement pour un autre que lui-même n’est pas crédible. L’homophobie est donc le mobile que l’élite bien pensante a arbitrairement crédité au mouvement d’opposition à la loi Taubira, pour combler l’absence d’autres explications en phase avec l’égoïsme structurel de notre société ; l’ennemi du peuple, l’Emmanuel Goldstein de la France de 2013, ce sera l’homophobe, terme à l’étymologie douteuse et à la signification floue, ou encore le fasciste. En conséquence, les coupables de la mort d’un militant d’extrême gauche, avant même les premiers résultats de l’enquête, sont donc nécessairement affiliés avec la Manif pour Tous, vivier de l’homophobie et du fascisme. Orwell ne disait pas autre chose en parlant de Goldstein : « Tous les crimes subséquents contre le Parti, trahisons, actes de sabotage, hérésies, déviations, jaillissaient directement de son enseignement. »

Les télécrans de la France : les médias

Pour qu’une telle stigmatisation fût efficace, il fallait nécessairement que le relais médiatique s’employât à discréditer le mouvement. Semblables aux « Deux Minutes de la Haine » quotidiennes relayées par l’ensemble des télécrans dans 1984, les médias, dans leur immense majorité, ont fait l’office de caisse de résonance des directives du gouvernement : sur la question du mariage gay, la fracture entre les pour et les contre a profondément divisé le peuple, et s’est propagée dans la classe politique ; les seuls qu’elle a épargnés furent les médias… La mauvaise presse de ce mouvement d’opinion n’a cependant pas entraîné l’effet escompté, bien au contraire. Blessés dans leur dignité, les opposants ont donc été contraints pour être entendus de hausser le niveau de leurs revendications, et de faire un petit pas, en toute légitimité, en dehors de la légalité.

« La police de la pensée », le vrai visage de la démocratie française.

C’est sous cette appellation effrayante que les forces de l’ordre dans 1984 sont désignées. Leur but est simple : imposer à tous la vérité promulguée par le Parti. Mais, à la différence du roman de George Orwell où le caractère dictatorial du gouvernement est patent, la France se revendique comme un état démocratique ; l’idéologie qui la gangrène n’a pas de nom, Big Brother reste caché, et ne se laissait jusqu’alors connaître, et encore sporadiquement, que par ses effets. La mobilisation massive a permis de le débusquer, et de mettre à jour le véritable visage du pouvoir politique : tous les opposants à ce qui est présenté comme un progrès conforme au sens de l’histoire, sont déclarés  ennemis de la « démocratie », et sont réprimés comme tels. Car, il n’y a « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». La différence de traitement entre ces jeunes, qui pour la plupart n’ont jamais été confrontées aux forces de police et encore moins déférés devant un tribunal, et d’autres délinquants plus aguerris, ne fait que souligner l’actualité de la conclusion de cet autre roman allégorique d’Orwell : « tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres ! » (La ferme des animaux)

La résistance à la loi Taubira – en réalité à toute l’entreprise de déconstruction à l’œuvre depuis plusieurs décennies – est d’abord une posture intellectuelle engagée, face à une idéologie d’autant plus insidieuse qu’elle ne dit pas son nom. Le final du roman de George Orwell pourrait nous incliner au pessimisme : le sort d’un résistant à une idéologie n’est-il pas de mourir assassiné d’une balle dans la tête après avoir renié les valeurs pour lesquelles il luttait ? En réalité Winston Smith était seul ou presque, et ne pouvait espérer que son sursaut de résistance suscite des disciples : « Comment communiquer avec l’avenir ? s’exclame-t-il, c’est impossible intrinsèquement ». À l’inverse, nous sommes plusieurs centaines de milliers à désirer de toutes nos forces que le bon sens redevienne cette « chose du monde la mieux partagée », et puisque notre combat est aussi un combat pour les générations futures, la flamme de l’espérance qui nous habite n’est pas prête de vaciller !

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14 Comments

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  • @libertespoir , 14 juin 2013 @ 2 h 41 min

    Magnifique article qui dépeint bien la réalité.

  • Francois Desvignes , 14 juin 2013 @ 3 h 31 min

    N’ayons pas peur, nous avons d’ores et déjà vaincu !

    Toute la stratégie de Marianne est la même que celle de ses pères : nous faire lire le Décalogue à l’envers soit du dixième au premier commandement… en les inversant ! Afin que d’Homme libre nous devenions ses choses.

    Toute la stratégie de la France depuis sa Fondation est la même : enseigner et faire lire à ses enfants et à tout homme dans le monde le Décalogue du premier au dixième Commandement en respectant son ordre, sa lettre et son esprit. Afin que d’Homme libre nous devenions tous Fils de Dieu.

    LMPT au delà et à l’occasion de la la loi Taubira n’a pas d’autre revendication “française” que de proclamer à la face de la république et du monde qui le contestent que la loi de Marianne est postérieure et inférieure à la loi du Décalogue, Loi Constitutionnelle de toutes nos constitutions, en France, d’abord et surtout, puisque nous sommes Patrie des patries, comme Français, fers de lance du Christianisme de combat.

    Aussi, si incontestablement 1984 est le plan qu’ils ont de tout temps ourdit contre nous, le seul fait que nous sachions les dénoncer dans leurs intentions les plus secrètes prouvent déjà qu’ayant tout compris des mécanismes d eleurs stratagèmes d’ores et déjà nous les avons vaincus, sinon aujourd’hui demain inévitablement : comme depuis 2000 ans, même nos défaites se transformeront en victoires, même leurs victoires se transformeront en défaites.

    Car sous Son Signe et Sa Loi, depuis 2000 ans, nous Français, primus inter pares, nous avons toujours vaincu : nous avons porté définitivement le Décalogue jusqu’aux extrémités du Monde faisant de Sa Loi la loi universelle du Genre Humain et fait du temps du Monde le Temps de Dieu : Anno Domine 2013.

    l’Archange Saint michel devant la Rebellion de Lucifer l’apostropha ainsi : “Qui est plus fort que Dieu ?”

    Nous, Français, nous apostrophons la république marrianiste : ” la fille de Lucifer se croit-elle plus forte que les Fils privilégiés de Dieu ?”

  • Ânedefrance , 14 juin 2013 @ 9 h 39 min

    Monsieur le Président de la République,

    Jeune officier dans la Réserve Opérationnelle de l’Armée de Terre, arrêté arbitrairement lors de la Rafle des Champs-Élysées le 25 mai 2013 et détenu pendant 24 heures, je vous prie de vouloir bien me retirer mes décorations militaires. Le déshonneur que vous m’avez fait subir ne me permet plus de porter dignement le symbole de respect qui m’était consenti par la Nation.

    Juriste dans le civil, diplômé de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr et d’un master 2 de relations internationales Sécurité Défense, je pensais être digne de la République en ayant su intégrer les valeurs et les vertus enseignées tout au long de mon éducation.

    N’étant pas habitant de notre Capitale mais simple provincial, je me dirigeais vers la tombe du Soldat Inconnu afin de me recueillir auprès de nos aïeux tombés pour notre Liberté. Je remontais l’Avenue des Champs-Élysées lorsque des mouvements de foule m’ont interpellé. Je me suis naturellement rapproché de ce qui semblait être le centre d’une action de protestation. J’ai reconnu des drapeaux de « La Manif pour Tous ». Je ne voyais que des jeunes gens obstinés mais pacifistes.

    Entrainé pour des missions de protection du territoire comme Vigipirate, je venais d’apprendre que l’un de mes camarades fut blessé sur le parvis de la Défense en effectuant sa mission quelques heures auparavant. Troublé par tant d’agitation parisienne, je restais spectateur et stupéfait de la violence avec laquelle nos forces de l’ordre agissaient contre ces jeunes. Les images parlent d’elles-mêmes. Je connais la difficulté de maîtriser une foule et je ne remets pas en cause les agissements individuels de notre Police qui exécute les ordres hiérarchiques.

    Cependant, je suis indigné par les arrestations complètement arbitraires organisées à la veille d’une manifestation autorisée par la Préfecture.

    J’ai été neutralisé alors que je n’étais que passant curieux et spectateur silencieux ! Un commandant me pointant du doigt et ordonnant à ses subordonnés de « m’embarquer » après un échange de regard… Était-il trop clair pour sembler innocent ? Ma coiffure d’officier leur semblait-elle trop courte pour incarner le simple badaud, pourtant chef de Piquet d’Honneur d’une commémoration quelques jours auparavant pour le 68ème anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945… les mots prononcés par le Préfet me résonnent encore à la lecture du message de Monsieur Kader Arif, Ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants qui a dénoncé les pratiques politiques des nazis sur les individus jugés indignes. La jeunesse française éduquée et instruite vous semble-t-elle indigne Monsieur le Président ?

    Oui, nous pouvons parler d’une RAFLE. Organisée par vos services ce soir-là. Aucune de mes (nos) libertés n’ont été respectées. Arrêté sans aucune raison, je n’avais ni signe ostentatoire partisan, ni comportement agressif. J’ai été embarqué avec véhémence comme un vulgaire délinquant, sans aucune sommation, sans aucune explication, sans aucune considération. Je n’ose parler des conditions de détention. Vingt-quatre heures de garde à vue Monsieur le Président, permettez-moi de vous rappeler que « la force sans le droit rend la vérité abjecte ».

    Je ne me permettrais pas de qualifier votre opération de rafle si des arrestations massives et improvisées n’avaient pas été constatées. Ces vingt-quatre heures de détention ont au moins eu le mérite de permettre l’échange avec mes codétenus… les nombreux cadres dirigeants et étudiants supérieurs qui m’entouraient me faisaient penser à ces élites que l’on enferme par crainte qu’ils deviennent des vecteurs de conscience.

    Déshonoré par ces méthodes, je suis profondément blessé et vous prie de vouloir bien me retirer mes décorations militaires qui me rendaient fier d’incarner l’Amour profond de Notre Patrie et les devoirs qu’elles impliquent.

    « On meurt pour une cathédrale non pour des pierres, pour un peuple non pour une foule. On meurt par amour de l’homme s’il est clé de voûte d’une communauté, on meurt pour cela seul dont on peut vivre », Antoine de Saint-Exupéry.

    Afin de vous faciliter les démarches administratives, puisqu’ayant subi des retards répétitifs relatifs à ma solde, je prends bien naturellement des précautions d’usage en vous transmettant mon identifiant défense, communément appelé, le matricule : 0739020120.

    Vous remerciant par avance pour votre Diligence,

    Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mon profond respect.
    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Lettre-ouverte-au-President-de-la-Republique-apres-la-rafle-des-Champs-Elysees-du-25-mai-2013-18286.html

  • scaletrans , 14 juin 2013 @ 10 h 08 min

    Cet article remarquable traque la Bête jusqu’au tréfonds de son cerveau malade.
    Cependant, un écrivain catholique le disait un jour: “nous avons les clés de la citadelle, mais plus de troupes pour l’investir”. Il s’avère pourtant que des troupes il y en a, mais elles ne savent pas vraiment où aller, faute du Principe Unique que la république a extirpé du peuple de France par la sophistique depuis plus de deux cent ans.

  • Frédérique , 14 juin 2013 @ 10 h 50 min

    Ce système dictatorial n’est pas imposé à la France seule, mais à tout le monde occidental. C’est une fois de plus la propagande médiatique qui nous fait croire que dans les autres pays, c’est mieux. Le système se modèle selon les us et coutumes de chaque peuple, mais le résultat recherché est le même, destruction de l’identité pour parvenir à une masse uniforme qui adhérera à la pensée unique. Le peuple américain ne sera pas épargné, depuis quelques années tous les moyens sont bons pour lui interdire la détention d’armes afin de le rendre inoffensif lorsqu’il sera soumis aux mêmes contraintes que nous. Mais c’est par nos enfants qu’ils réaliseront leur but “le nouvel ordre mondial”, en les endoctrinant dés leur plus jeune âge. Le nazisme, le communisme, tous les systèmes dictatoriaux ont retiré les enfants des bras de leurs parents pour mieux les endoctriner en masse.

  • RH , 14 juin 2013 @ 12 h 46 min

    Bon article, mais qui oublie le point le plus flagrant de parallèle avec 1984 d’Orwell: l’Etat impose le sens des mots. Larousse va rééditer son dictionnaire pour changer la définition de certains mots comme “mariage”: c’est exactement le principe du dictionnaire de novlangue décrit par Orwell.

    Là on n’est pas dans l’analogie, dans la parabole, dans l’équivalence: c’est un fait. Je ne sais pas si ça s’est déjà produit dans l’Histoire.

  • JOUNO , 14 juin 2013 @ 13 h 10 min

    Ne jamais abdiquer !

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