La France continue sa lutte héroïque contre toute innovation

Quand une invention voit le jour, les Américains en font une marchandise, les Chinois la copient, les Européens la régulent et la France l’interdit.

Récemment, ce petit aphorisme a trouvé son illustration avec l’application Heetch qui facilite le transport entre particuliers en mettant en relation des automobilistes prêts à dépanner des passagers potentiels. Essentiellement utilisée en France par des étudiants et comme petit job d’appoint pour un nombre croissant de jeunes conducteurs, cette dernière application a rencontré l’ire des artisans et grosses sociétés de taxis qui y voient une concurrence déloyale ; pensez donc, des étudiants peu fortunés (le plus gros contingent des clients de Heetch), s’ils n’avaient pas cette application, se précipiteraient évidemment sur les taxis et leurs tarifs abordables, c’est évident.taxis-retour-vers-le-passe-1

Cela n’a pas traîné et j’en parlais en décembre dernier : la société a rapidement été assignée en justice. Avec une belle rapidité (pas autant que le Parquet National Financier, mais tout de même), le procès a eu lieu et s’est terminé au début du mois de mars avec la condamnation définitive de la société Heetch.

Le jugement en dit long sur la façon dont fonctionne l’esprit de certains Français (ici, des juges) face à l’innovation et à l’apport d’une nouvelle donne sur un marché qui a été très longtemps sclérosé. Ainsi, pour Heetch, le tribunal a estimé que  » les agissements des trois prévenus contribuent à la précarisation et au développement d’un sentiment d’angoisse des taxis  » ce qui justifie donc amplement qu’on soit poursuivi et sanctionné, pardi ! Si on contribue a votre précarisation et à un sentiment d’angoisse, c’est forcément qu’il y a préjudice.

À ce titre, n’importe quel Français, sain de corps et d’esprit, devrait sur ces motifs s’empresser d’attaquer le fisc qui contribue tous les jours à leur précarisation et à un clair développement d’angoisse (et je n’évoque pas le cas douloureux de certains parlementaires qui en sont même atteints de phobie administrative). Franchement, lâchez-vous, attaquez ! Après tout, si un tribunal peut se servir de ces motifs vaporeux pour bousiller une innovation franco-française, les emplois y attachés, et l’amélioration vécue par les dizaines de milliers d’utilisateurs de l’application, pourquoi ne pas utiliser les mêmes arguments et la même façon de penser pour dénoncer tout ce qui vous précarise et vous angoisse, à commencer par le Trésor Public ?

Et puis pendant ce temps, cela évitera de se pencher sur le sort un peu délicat de ceux qui bénéficiaient du petit surplus financier apporté par l’application elle-même : après tout, ce pouvoir d’achat supplémentaire pour les chauffeurs n’intéresse absolument pas les pouvoirs publics, et peu importe dans ce cadre que la justice française contribue clairement à leur précarisation et à leur sentiment d’angoisse. Pour elle, c’est permis. En tout cas, parions que le souhait de Me Jonathan Bellaiche, représentant des taxis, sera effectivement exaucé, lui qui a espéré que cette condamnation  » dissuade des entrepreneurs «  de se lancer sur le même créneau que Heetch.

Car il ne s’agit, au final, que de cette préoccupation mesquine de petits jaloux corporatistes : il faut s’assurer que personne ne pourra casser une belle petite rente, quitte à museler et écraser tous les inventeurs qui viendraient par là.

Il n’en va pas autrement pour Franky Zapata.

Vous n’avez probablement pas entendu parler de lui, et c’est bien dommage. L’homme est un touche à tout créatif et certainement un peu casse-cou, ancien pilote professionnel français de jet-ski, et surtout inventeur du Flyboard, plateforme qui permet à son utilisateur de léviter au dessus d’un plan d’eau puis, dans son modèle « Air », qui autorise un homme debout à fendre les airs propulsé par des réacteurs : résultat de plusieurs années de recherche et de développement, cet engin se présente comme une planche d’environ 20 kilos équipée de quatre puissants réacteurs sous le plateau et deux sur les côtés pour la stabiliser et la diriger. Le pilote se tient debout pour utiliser son poids afin de guider l’appareil à l’instar d’un segway.

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Outre l’aspect sportif et ludique évident que cet engin arbore, l’innovation du Marseillais pourrait trouver des applications dans de nombreux domaines comme les plateformes pétrolières, l’entretien de gratte-ciels et de ponts ou même le domaine militaire.

Nous sommes en France, et cette invention qui attire le regard pose immédiatement autant de souci qu’elle déclenche de jalousies : à la suite de de son dernier essai en vol, Franky Zapata a été convoqué à la gendarmerie de l’air où on lui a signifié, après prise d’empreintes et clichés photographiques, que toute tentative de refaire voler son prototype le conduirait directement par la case procès et probablement prison.

Il détaille sa réaction (dégoûtée, et on le serait à moins) dans un billet sur Facebook et ne laisse guère de doute sur ce qu’il va entreprendre comme démarche : comme beaucoup d’autres avant lui, Franky Zapata va donc quitter le pays qui a su si brillamment le dégoûter d’y créer des nouveautés, d’y travailler et d’y créer de l’emploi. C’est bien joué : en laissant cet inventeur développer son engin, la France risquait de créer un engouement, un nouveau sport, de nouvelles opportunités de vendre du « Made In France » dans différents domaines à haute valeur ajoutée, et par là, de créer des emplois, d’enrichir aussi bien l’inventeur que tous ceux qui, croyant en son succès, l’auront aidé dans ses démarches et se seront retrouvés employés par la société en charge de la commercialisation du véhicule. Un tel risque est bien évidemment insupportable : on commence comme ça, et on termine avec un chômage bas, des cotisations sociales qui rentrent à gros bouillon, des retraites payées par un nombre croissant de travailleurs et à la fin, des gens bien portants et heureux. Or, malheureux, en France, on ne peut surtout pas prendre ce risque là ! Ouf, le succès a donc été évité de justesse !

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Il faut se rendre à l’évidence : si Clément Ader ou Louis Blériot tentaient aujourd’hui en France leurs petites cascades aériennes dans leur coin, il n’y a aucun doute qu’ils se feraient rapidement embastiller pour outrage à la gravité.

De nos jours, l’État français écrase la concurrence, favorise les corporatistes et poursuit ses inventeurs. Ce pays est donc foutu.

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2 Comments

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  • Charles , 14 mars 2017 @ 13 h 10 min

    Bien vu avec une remarque. Franky Zapata avait refusé des offres magnifiques venant de groupes étrangers, y compris des institutions d’état. Il a refusé par ce que il veut rester en France.

    Il n’est pas impossible que le réveil des gendarmes de l’air ait été suscité
    par ceux qui se sont vus refuser l’accès à l’invention.

    Pour forcer l’inventeur de négocier, on lui lâche les chiens idiots utiles sur le dos.
    A ce jour, il y a plusieurs dizaines d’inventeurs français comme Zapatta
    qui sont coincés sous une cloche de verre.
    Pas de capitaux, pas d’autorisations de travailler ou exploiter etc etc.
    J’ai eu l’occasion, par le passé récent, d’étudier les innovations
    de quelques uns d’entre eux dans différents domaines.
    A chaque fois, le même blocage….

  • Charles-de , 14 mars 2017 @ 16 h 25 min

    Décidément on fait n’importe quoi au nom de la “concurrence” et de la lutte contre les contrefaçons. Comme si ceux qui peuvent à peine se payer un faux avaient pu, et dû, se payer un vrai !

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