Jamais sans doute depuis deux siècles, la Restauration en France et la Sainte Alliance en Europe, le romantisme dans la littérature et les arts, l’opposition entre l’attirance d’un futur qui a révélé ses risques avec la tourmente révolutionnaire et la nostalgie d’un passé qui allait jusqu’à idéaliser le Moyen-âge, n’a été aussi vive qu’aujourd’hui. A ceux qui avec Macron ne cessent de répéter qu’il faut être en marche pour “aller plus loin”, désormais beaucoup voient l’avenir avec l’humour désenchanté de Pierre Daninos : “hier, nous étions au bord de l’abîme, mais depuis, nous avons fait un grand pas en avant.” La pandémie surévaluée et surexploitée dans les démocraties que leur population vieillissante expose davantage a fourni les motifs et les moyens du progressisme. La bataille a été livrée par chaque Etat, mais la Commission bruxelloise ayant procédé à des achats massifs de médicaments inopérants et dangereux, et les Etats en dehors des compétences et du fonctionnement de l’UE, ayant pratiqué la solidarité hospitalière, il est aujourd’hui réclamé une Europe de la santé, qui commence à fonctionner pour les commandes et les distributions de vaccins, afin d’obtenir les prix les plus bas. Comme le système montre les signes habituels du monstre bruxellois, lourd et procédurier, le vilain petit canard hongrois a acheté le vaccin russe. Le “quoi qu’il en coûte” macronien creuse le déficit et la dette en même temps qu’il anémie davantage encore notre économie et transforme nombre de travailleurs en assistés. Peu importe puisque cela accélère la fracture du monde entre les premiers de cordée, hommes et entreprises qui vont survoler la crise, et ceux qui ne sont rien pour lesquels se profile à l’horizon le mirage du revenu universel, envisagé notamment dans le “boboland” parisien. Le travail, l’effort, le mérite, la valeur de l’argent se dissipent dans un brouillard d’où l’on ne sortira qu’avec plus d’Europe, un budget pour la zone euro, et un transfert accentué de souveraineté. C’est Einstein qui disait :” La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.” Une Europe où les peuples abandonnent la maîtrise de leur destin, où la majorité des hommes perdent l’autonomie et la dignité qu’ils possédaient par le plein-emploi, où leur vote est privé de toute signification, où le continent lui-même après avoir dominé et éclairé le monde en est réduit à jouer les maisons de retraite ou les complexes touristiques, et dont la population est peu à peu remplacée, en même temps qu’elle est invitée à la repentance pour une époque qu’elle n’a pas connue, est-ce là notre avenir radieux ?
Cependant, malgré le bâillon qu’une véritable dictature sanitaire impose à l’opinion publique, des craquements se font entendre, des fissures apparaissent. Face à la difficulté de se procurer les produits qu’impose dans l’urgence une crise, la relocalisation de certaines productions et des savoir-faire disparus creuse une brèche dans la mondialisation heureuse. Le virus, pour circuler, ayant bel et bien besoin d’un passeport pour celui qui en est porteur, les frontières renaissent et les rictus macroniens s’éteignent. Ces frontières désuètes seront bien utiles pour arrêter l’invasion des clandestins camouflés en demandeurs d’asile si possible mineurs jusqu’à 40 ans, et non accompagnés, bien que venus en masse. Le séparatisme est devenu un risque suffisamment évident pour qu’au-delà des lois timorées, l’idée d’une remigration de l’excédent migratoire soit aujourd’hui délivrée de la censure. La contradiction la plus criante du progressisme se situe dans l’illusion écologique. D’une part la protection de la nature appelle à limiter la mondialisation, et l’intense circulation des marchandises, mais d’autre part, les pastèques, ces gauchistes repeints en vert, sont systématiquement partisans de tout ce qui remet en cause l’existence d’une nature humaine, avec ses sexes bien définis, avec son besoin d’identité, cet enracinement dont Simone Weil pensait qu’il était ” le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine”. La grande peur du réchauffement climatique n’a guère de prise dans une France qui est pour une fois le bon élève grâce au nucléaire. Néanmoins, à la sortie de la terreur sanitaire, elle sera à nouveau utilisée pour cacher aux Français les vrais périls qui les menacent, le déclin économique, la décadence civilisationnelle, l’extinction démographique.
Le conservatisme c’est aujourd’hui non pas la conservation des routines et des privilèges, des mauvaises habitudes nationales, mais au contraire la volonté de conserver et même de restaurer cette maîtrise de notre destin et de notre identité, sans laquelle il n’y a pas de peuple, et donc pas de démocratie, pas de liberté souveraine de décider de notre avenir en préservant la liberté d’être soi. Être conservateur, c’est résister, et la résistance est le chemin de la liberté.