Pensez donc : une visite d’Etat en Amérique ! On n’avait pas vu ça depuis vingt ans. La « gauche » démocrate américaine, plus à « droite » sur le plan économique et social que la « droite » française devait bien cette récompense et cette bouée de sauvetage à celui qui sert si fidèlement les intérêts des Etats-Unis. On retrouve décidément avec M. Hollande tous les charmes de la IVe République : un pays discrédité et affaibli, un pouvoir qui perd son autorité, et un atlantisme sans réserve. Le voyage offrit un retour sur le passé : cette longue amitié entre les deux plus vieux alliés, entre un pays qui monte et un autre qui descend depuis que le second a permis militairement au premier, à Yorktown, de conquérir son indépendance. En 1781, Rochambeau sur terre et de Grasse sur mer battent les Anglais. Belle revanche de la guerre de sept ans, mais ce sera la dernière fois. Depuis, nos flottes ont été coulées ou se sont coulées elles-mêmes. Napoléon III aurait bien aimé voir gagner les Sudistes et les Nordistes ont été ravis de voir son aventure mexicaine tourner au désastre. De Gaulle est allé titiller les Américains au Cambodge et Chirac ne les a pas aidés en Irak. Les deux ont mené une politique arabe distante d’Israël. Les Etats-Unis ont pris cette vieille politique française de l’alliance de revers dans la tradition de celle avec l’Empire Ottoman contre les Habsbourg pour une marque d’ingratitude après que par deux fois ils furent venus remercier La Fayette. Aussi l’alignement non seulement docile mais empressé de François Hollande méritait ce cadeau majestueux et paternaliste d’un locataire de la Maison Blanche qui n’a pas hésité à comparer la France et le Royaume-Uni à ses deux filles. Ah, la brave petite qui a failli partir en guerre toute seule contre le méchant Assad !
Alors, obéissant à un tempérament national légèrement teinté de vanité, les Français étaient fiers comme des coqs en pâte. Dans l’ancienne plantation de Jefferson à Monticello, ils ne se sentaient plus. Pour peu, ils se seraient laissés aller à croire qu’ à travers ce francophile, c’était la France qui était la mère des grands principes qui gouvernent l’Amérique. Le réalisme nous induit plutôt à penser que ce lecteur de Locke qui a participé à l’écriture de la Constitution de la Virginie et a rédigé la Déclaration d’Indépendance en 1776 a été plus l’inspirateur que l’admirateur de notre Déclaration des Droits dont le modèle est la Constitution de Virginie. A l’époque où elle est publiée, la France est pour treize ans encore une monarchie absolue. En revanche, lorsque La Fayette et d’autres essaient d’instaurer une monarchie constitutionnelle avec au sommet de la hiérarchie des normes une Déclaration des Droits, Thomas Jefferson est ambassadeur en France. La Lumière évoquée par François Hollande est donc plutôt venue des anglo-saxons, et notamment de ce grand ami de la France… qui réalisa en tant que troisième Président ce qu’Obama à justement appelé une « bonne affaire », la cession de la Louisiane et de la Nouvelle-Orléans soit 2,1 Millions de km2 pour 15 Millions de Dollars par la France.
Mais les temps ont bien changé depuis que Napoléon a fait ce cadeau mal évalué. Maintenant, c’est Obama, le Boss. Pas très gêné par les écoutes de la NSA, il n’a pas hésité à menacer les entreprises françaises qui s’aventureraient en Iran. Le brave soldat Hollande a eu sa médaille, mais il doit rester dans le rang, et faire son job de « MP » en Afrique. Rien d’autre. Comme si le paternalisme américain ne suffisait pas à réduire la présidence française, le patron des patrons, qui fait partie du voyage, a également serré l’étau de son côté : « des contreparties à l’allègement des charges dans le cadre du pacte de responsabilité ? Soyons sérieux ! La compétitivité avant tout ! » Il a évidemment raison et M.Hollande a pu vérifier auprès des patrons de « start up » français de la Silicon Valley que ce qui les avait fait fuir là-bas avait une cause essentielle : le socialisme français avec ses dépenses, ses impôts, sa réglementation et son idéologie, qui décourage l’esprit d’entreprise en France et qui est objectivement pratiqué aussi bien par la droite que par la gauche. Le drame, c’est que la gauche est élue pour ça… et qu’elles vont finir par faire chacune le contraire de ce qu’attendent leurs électeurs ! Alors, notre Président, paradoxalement plus à droite quand il est plus à l’ouest, mange son Stetson, embrasse un patron, fait applaudir Gattaz, et devient social-libéral. Dur pour le Président : tout ce voyage pour savoir qu’il avait tout faux. Dieu merci ! Les Américains n’en sauront rien. Ils ne le connaissent pas si ce n’est vaguement comme un homme plus préoccupé par sa vie intime que par les grands problèmes. Après l’angine rouge de Cécilia, l’épisode DSK, il devient difficile de faire prendre la France au sérieux aux USA. Ce n’est plus La Fayette, mais plutôt la faillite.
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