Tribune libre
L’Action Française (AF) a souvent eu le mérite de réussir des coups politiques, sachant trouver des alliances de circonstances pour faire triompher ce qui était, à ses yeux, l’intérêt national. Pour ne parler que de l’après-guerre, il faudrait évoquer sous la IVe République, son combat victorieux contre la CED (la Communauté européenne de défense), alliée qu’elle était au communistes et aux gaullistes contre la SFIO et le MRP, ou sa capacité à rallier le RPR à ses vues sur Mayotte française en 1976. A la fin des années 1990, sous l’impulsion de dirigeants comme Pierre Pujo et Nicolas Kayanakis, elle a été l’un des moteurs du souverainisme, tissant des contacts fructueux avec Charles Pasqua, Philippe de Villiers, Christine Boutin voire même une fraction des chevènementistes.
Depuis quelques temps l’AF tire sur tout le monde. Sur la Nouvelle Action Royaliste (NAR) de Bertrand Renouvin, qui incarne l’aile gaulliste des royalistes et cultive des liens étroits avec des intellectuels de premier plan tel que Jacques Julliard, Marcel Gauchet ou Emmanuel Todd. Il est amusant de noter que les deux principaux dirigeants d’AF, Olivier Perceval et François Marcilhac sont des transfuges de la NAR. Sur Christine Boutin ensuite, accusée de s’être ralliée à Nicolas Sarkozy. Où pouvait-elle aller ? Chez François Bayrou ? L’AF oublie que par le passé, Boutin lui a rendu des services. Pas très charitable tout cela. Et voilà maintenant une attaque contre Nouvelles de France, accusé de soutenir inconditionnellement Nicolas Sarkozy pour s’être félicité, via une tribune libre d’Éric Martin de ses positions sur le mariage homosexuel et l’euthanasie. Seule Marine Le Pen, dont le jacobinisme et le républicanisme devrait pourtant, dans la logique expliquée précédemment, attirer les foudres de l’AF, semble trouver grâce à leurs yeux.
Avant de donner des leçons à tout le monde, l’AF devrait se regarder un peu en face. Elle est en train de retomber dans ses vieux démons, ceux qui la poussent à proclamer que « Notre force est d’avoir raison ». On a vu le résultat : en 1992 comme en 2008 ses cadres étudiants, ses jeunes universitaires et ses jeunes plumes ont rejoint les partis et journaux de la droite républicaine. La cause en est simple : l’AF en période de basses eaux ne propose, en terme d’action politique, que des défilés « mythos », des ventes à la criée de journaux et des « banquets » dans des sous-sols de restaurants. Une fois qu’ils ont fait le tour de la formation intellectuelle maison, indéniablement intéressante, les jeunes pousses se heurtent aux aberrations récurrentes : articles sur Xavier Vallat, assimilations à des groupuscules d’extrêmes droites, porosité à certains défenseurs du fascisme (Réfléchir & Agir, Pierre de Meuse pour les plus récents…). Si elle veut un jour retrouver son aura politique, l’AF ferait bien de se rappeler que Léon Daudet fut élu député de Paris sur des listes conservatrices, que Vichy coûta fort cher à son influence intellectuelle et que l’intransigeance nécessite une force militante qu’elle n’a plus.
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