Tribune libre de Robert Ménard*
340 000 selon la préfecture ; un million selon les organisateurs. Quel que soit le chiffre que l’on retiendra, la « manif pour tous » a été un succès. Il faut remonter à 1984 et au rassemblement en faveur de l’école libre pour avoir vu défiler autant de monde dans les rues de la capitale. Pas des habitués du pavé parisien, mais des hommes, des femmes réellement sidérées – le mot n’est pas trop fort – par ce très mauvais coup, peut-être même mortel, porté à la famille.
Que nous dit le pouvoir socialiste face à ces craintes ? Au mieux, c’est Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, qui parle de « respect » dû à tous – c’est bien le minimum syndical – tout en tentant de minimiser le succès de ce dimanche : « Il y a sans doute moins de manifestants dans la rue que ne l’espéraient les organisateurs » n’a-t-elle pu s’empêcher de déclarer sur Canal +. Au pire, c’est Harlem Désir, le numéro 1 du Parti socialiste, qui renvoie tout ce petit monde aux oubliettes de l’histoire : « Je tiens à rappeler, a-t-il expliqué, l’entière détermination des socialistes à inscrire dans la loi le droit pour tous ceux qui s’aiment de se marier et d’adopter. » Fermez le ban !
Ainsi donc, il n’y aurait aucun enseignement à tirer de la présence de centaines de milliers de personnes dans la rue. Quant aux « États généraux de la famille » réclamés par Frigide Barjot et ses amis, ils ne valent même pas qu’on s’y attarde. Pensez-donc, les Français ont élu un socialiste à la présidentielle, envoyé une majorité de députés roses à l’Assemblée nationale : la messe est dite (si j’ose dire). Alors, un référendum, c’est hors de question. On ne prévoit même pas de recevoir les initiateurs de la manif. Ils représentent trois fois rien. Pas comme la délégation de l’Inter-LGBT reçue en toute hâte par François Hollande après qu’il avait envisagé la possibilité pour les maires qui le voudraient de ne pas marier des homosexuels…
Il fut un temps – mais il était alors dans l’opposition – où l’actuel locataire de l’Élysée maniait une autre dialectique, développait une autre rhétorique, avançait d’autres arguments. Nous étions en 2006 et les manifestations – bien moins fournies que ce dimanche – se multipliaient contre le CPE, le contrat première embauche imaginé par Dominique de Villepin, le Premier ministre de l’époque. Que disait François Hollande ?« Il suffirait d’un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l’abrogation. C’est un gros mot pour la droite. Mais quand on a fait une erreur, il faut savoir l’effacer. » Ou encore : « Il ne s’agit plus de confusion, mais de ridicule, une vraie palinodie sémantique. Assez d’orgueil, d’amour-propre et d’honneur mal placé ! »
Aujourd’hui, à l’Élysée, si on reconnaît que la manif a été « consistante »(sic), on n’en conclut pas moins qu’elle « ne modifie pas la volonté du gouvernement d’avoir un débat au Parlement pour permettre le vote de la loi. » Autisme ? Mépris ? Certitude d’être du côté du Bien et du Vrai ? Ou un peu des trois ? Difficile de trancher.
Reste que la France est un vieux pays, comme disait l’autre. Et un peuple qui a de la mémoire. S’abandonner à un lobby sous l’aiguillon d’une presse pétrie de bien-pensance n’est pas une erreur politique mais, bien plus, une faute morale. Les responsables de cette folie en paieront le prix. Mais plus grave, nos enfants aussi. Alors, surtout, n’en restons pas là. Au moins pour eux.
Vite, un nouveau 13 janvier.
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières. Il vient de lancer le portail Boulevard Voltaire.
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