L’Église contre les êtres vivants

Pour saisir le déconcertant mouvement de repli de l’Église sur le privé, la réduction du catholicisme à une simple affaire privée, il suffit de penser que l’on est passé entre 1950 et 1990 de l’aventure de l’Action catholique (missions en milieu rural, missions ouvrières, prêtres ouvriers) à l’obsession des embryons et des cellules embryonnaires. On pourrait brocarder et dire qu’on est passé de la conquête des cellules communistes à l’adulation des cellules embryonnaires. En effet, derrière ces préoccupations, il n’y a pas de considérations d’ordre moral ou politique (problématiques démographiques, bien commun) mais un sentimentalisme irrationnel et insensé : on s’acharnera par exemple à montrer la « souffrance » de l’embryon aux stades où il est dépourvu de système nerveux, on bricolera des théories cellulaires absurdes. L’Église développe ainsi des bizarreries morales fondées sur un scientisme délirant et ne semble pas avoir conscience de ce processus étrange. Elle arbore fièrement une notion de « la vie » plus étriquée et plus matérialiste que celle des pires jacobins !

L’Église a ici quitté la réalité de la vie véritable pour se réfugier sur un étroit territoire scientifique qu’elle ne cherche nullement à situer d’une manière cohérente. C’est un lobby de pseudo-scientifiques malveillants jouant sur l’émotionnel et le sensationnel qui l’informe sur ces choses et exploite sa crédulité en ces matières. Il s’agit de pénétrer l’Église, et surtout de lui interdire tout rapport avec le monde scientifique vrai, et ainsi de se l’approprier symboliquement et matériellement. Effectivement, les répliques des « Comités d’éthique » aux élucubrations « catholiques » autour de l’embryon et des cellules embryonnaires sont plus que cinglantes : l’Église est discréditée, ridiculisée, coupée du monde scientifique vrai.

Mais le lobby pseudo-scientifique travaillait en parfaite collusion avec sa caste : la conception de la « vie » introduite dans l’Église depuis trente ans se trouvait en écho avec les intérêts d’une certaine bourgeoisie déchristianisée mais « catholique de façade », ravie d’avoir trouvé enfin la panacée pour tromper, culpabiliser, intimider et enfin chasser les braves gens de l’Église. Une certaine coterie mondaine a inventé là le moyen de dégoûter et d’éloigner le peuple de L’Église et d’en finir définitivement avec le catholicisme populaire et ses dévotions « naïves ».

On est passé de la réalité de la vie vécue (on pourrait l’évoquer avec les missions en milieu ouvrier ou en milieu rural) à une conception malade, idéologique de la vie (l’obsession autour de l’embryon et des cellules embryonnaires, la vie biologique atone). Il faudrait ici traiter très longuement de l’immense et difficile problème historique et épistémologique du réductionnisme scientiste de la vie au laboratoire initié au XVIIe siècle : c’est bien sûr impossible dans le cadre d’une courte note. Je ne peux que nommer le processus, évoquer la manière dont l’Église a été bernée par des bonimenteurs scientistes, et les conséquences.

L’Église a cessé de parler aux êtres vivants pour se centrer d’une manière obsessionnelle sur des « stades » dépourvus de système nerveux et donc insensibles et évidemment sans conscience. Depuis quarante ans, l’Église conciliaire n’a plus rien à dire aux vivants qui sont nés. Aux vivants nés et doués d’un système nerveux développé. Elle ne parle que pour les êtres dépourvus de système nerveux. Bien pire : elle ressasse d’une manière si lassante, si machinale et si vaine qu’elle ne peut que cabrer et dresser les populations contre elle-même. Comme si cette obsession déprimante était calculée et volontaire. Si ceci n’est pas une catastrophe organisée et téléguidée par une caste voulant en finir avec la religion, qu’est-ce que cela peut bien être ?

On m’accordera en tous cas qu’on est loin du modèle intransigeant et du rétablissement de la chrétienté. Faute de sauver les âmes, on se pâme entre scientistes compassés et excitées maniérées devant les cellules embryonnaires, faisant fuir tous les gens normaux et sains d’esprit, heurtés de front dans leur bon sens moral. Aux yeux du peuple, les adulateurs des cellules embryonnaires ne peuvent être que des fous ou des provocateurs. Et effectivement, on est très proche de la provocation de type artistique consistant à occulter les souffrances et les malheurs vrais.

L’adulation des embryons et des cellules embryonnaires, c’est une odieuse parodie du projet d’ordre social chrétien, mise en œuvre après qu’on ait consciemment et méthodiquement conduit celui-ci à l’échec. La limitation machiavélique de la doctrine catholique aux questions de l’embryon et des cellules embryonnaires a été la manœuvre ultime pour susciter la fuite complète des classes populaires (et des fractions espiègles et rétives des classes moyennes) hors de l’Église. Manque de logique, de stratégie, d’intelligence, et de cœur, trop prononcées dans tout cela pour ne pas participer d’un puissant complot crapuleux organisé pour en finir avec l’Église. On ne peut tromper le bon peuple sur ces sujets. Il y a encore un bon sens populaire qui repère très vite les menteurs et les pédants. Moqués, assommés de fausses données et de moralisme bancal et boursouflé, les braves gens ont quitté l’Église sans rien dire et les hystériques fanatiques de la soi-disant « vie » ont pillé son patrimoine moral et matériel. C’était le but : opération « cellules et embryons » réussie.

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86 Comments

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  • hector , 13 décembre 2013 @ 10 h 06 min

    ” Le concile [Vatican II] a été une vraie révolution : c’est la première fois dans l’histoire qu’une religion accepte de revoir ses fondamentaux pour abandonner tout triomphalisme et
    reconnaître une place à l’autre. Ce travail est tellement vital que laisser la place à ceux qui veulent le briser n’est acceptable en aucune façon.”
    ( Phrase du rabbin Krygier, prononcée dans la sacristie de la cathédrale
    Notre-Dame de Paris / http://www.youtube.com/watch?v=jGM39hEIp9U)

    http://www.riposte-catholique.fr/perepiscopus/relativisme/laffairedurabbinanotre-damerevelelevisagedemgrvingt-trois

  • K. , 13 décembre 2013 @ 10 h 14 min

    L’auteur a oublié de signer (et de comprendre ce qu’est l’Eglise).

  • DN , 13 décembre 2013 @ 10 h 21 min

    La “Vie véritable” n’est justement pas celle dont parle ce chroniqueur qui ramène la foi catholique à une simple doctrine sociale. Et le spirituel dans tout cà ? Notre vie, avec une petit “v”, n’est qu’un pèlerinage vers la vraie Vie. Personne n’a le droit d’écourter ce passage par des considérations esthético-socilales (“il souffre”, “il est trop vieux”, “il est difforme”, “c’est une fille”, “il est (sera) malade”, “il est (sera) malheureux”…etc). Sommes nous tellement gonflés d’orgueil que nous nous prenons pour des dieux capables de décider de la vie ou de la mort de notre prochain ?
    Ce discours dignes des années 60-70 resurgit malheureusement ici ou là, jusque dans certains sermons niant la virginité et l’assomption de la Sainte Vierge pour mieux faire passer un discours féministe faisant l’apologie de la pilule et de l’avortement dans nos propres églises. Je peux citer laquelle.
    C’est justement la JOC & Co qui a vidé nos églises en faisant de Dieu une simple assistante sociale…
    Vous savez, ces mêmes églises que l’on détruit aujourd’hui au bulldozer dans l’indifférence générale…

  • Pitch , 13 décembre 2013 @ 10 h 59 min

    Sur le fil RSS de NDF, on trouve le nom de l’auteur :

    L’Église contre les êtres vivants
    par Jacques-Yves Rossignol

  • Eric Martin , 13 décembre 2013 @ 11 h 04 min

    On trouve le nom de l’auteur sous le texte, à gauche.

  • isaveyron , 13 décembre 2013 @ 11 h 14 min

    Beaucoup d’interrogations à la lecture de ce texte. Il pose, je crois, comme point de départ l’état végétatif de la Foi des Français et l’inexistence de la plupart de nos pasteurs, et encore j’évite de les comparer à des collabos. Quant aux raisons je n’ai pas saisi!
    Peut-être l’auteur veut-il dire que l’Eglise a oublié sa mission, en n’expliquant plus, concrètement, le chemin du Ciel . A cela je souscris, ce qui est inutile disparaît.
    Soyez remerciés pour le travail accompli.

  • Jean Dutrueil , 13 décembre 2013 @ 11 h 34 min

    Cet article est très moyen: il aurait pu ouvrir des perspectives de réflexions intéressantes mais ne voulant mouiller sa chemise il reste très floue.

    De plus l’argument central consistant à croire que le bon peuple a déserté l’Église uniquement parce que celle-ci est obsédée par l’embryon me semble être une fausse excuse car partiale puisque partielle.

    Mais l’auteur a malgré tout raison de dire que l’effondrement de la pratique religieuse en France est due, entre autre, au fait que l’Église a délaissé le concret de la foi pour s’attacher à des obsessions puritaines tels que l’avortement (ou la sexualité ajouterai-je).

    A l’inverse des Orthodoxes qui renouent sans état d’âme avec la pratique en Russie et ce malgré 70 ans de persécutions communistes grâce à un clergé bien plus laxiste dans ses prêches en matière de mœurs que les cathos.

    Néanmoins:

    1) L’Église catholique a autorisée l’avortement jusqu’au XVème siècle pendant le premier mois de gestation de la mère. De plus c’est elle qui gérait les maisons closes pendant le Moyen-Âge et les hommes mariés pouvaient devenir prêtre jusqu’au XIIème siècle. Si effectivement l’Église lâchait du leste sur ces questions aujourd’hui tout en se focalisant sur l’essentiel, la prière et la foi en Dieu, elle aurait beaucoup plus de succès.

    2) Vatican II fut une catastrophe inouïe: c’est ce concile qui a tué l’Église catholique car en liquidant le latin, le faste, le Mystère, le rite, l’encens, la richesse des habits et des mouvements liturgiques: il a liquidité tout l’apport païen donc toute l’IDENTITE EUROPEENNE de l’Église. Car 80% des rites chrétiens sont d’origine païenne européenne. L Église orthodoxe n’ayant pas touché à ses rites a maintenu la Tradition et c’est pour ça que ses paroisses sont bondées.

    3) Mais un retour d’avant Vatican II et un recul sur les questions de mœurs seraient-ils suffisant pour que les Églises soient de nouveaux bondées? Je ne le crois pas: car l’apport sémitique de Vérité Unique et de Reniement de nous même et du monde ne séduisent plus les Français. Car la désertion est aussi dû au délitement de la pression sociale qui a permis à ceux pour qui les dogmes étant incompréhensibles de ne plus aller aux offices.

    Alors pourquoi les Russes y vont, me demandera-t-on? Car la Russie depuis sa soumission Tartare n’évolue plus de la même manière que le reste de l’Europe. Elle est sur un autre temps historique que le nôtre dans lequel toute l’Europe s’est déchristianisé, à cause avant tout de dogmes incompréhensibles, d’un coup avec une rapidité éclaire.

    Désormais les Européens ont besoin d’autre chose…

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