Il y un mois, le synode sur la famille voulu par le Pape rassemblait au Vatican des évêques du monde entier pour discuter des « défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation». De retour du synode, notre journaliste Charles Le Bourgeois partage son expérience en nous livrant ici ses impressions et son regard sur ces deux semaines vécues de l’intérieur.
La première chose qui m’a frappé c’est la différence entre ce qu’on lisait dans la presse et ce qu’on vivait à l’intérieur. Avant même le début du synode, on nous le présentait comme un champ de bataille entre conservateurs et progressistes. Avec une question lancinante dans les médias : les divorcés-remariés pourront-ils accéder aux sacrements ? Une question qui place haute la barre des attentes, alors que le synode n’a pas vocation à changer les dogmes et la doctrine. L’autre préoccupation majeure, dans les journaux du moins, concernait les homosexuels.
Ces deux sujets sont à la fois légitimes et importants, mais à en croire la presse, ils résument à eux seuls tout l’enjeu du synode. N’est-ce pas quelque peu méprisant pour toutes les autres situations familiales douloureuses à travers le monde ?
Car si pour nous, occidentaux, ces réflexions sont nécessaires et indispensables, ce n’est pas le cas pour les pays africains par exemple, pour qui le défi principal reste la polygamie. Sans parler du Moyen-Orient qui se bat pour survivre, dans des familles où femmes et enfants sont persécutés et parfois même condamnés à mort.
Nonobstant la pluralité et la diversité des situations ecclésiales, une large majorité des pères synodaux s’est prononcée en faveur d’une valorisation des familles qui vivent fidèlement le mariage chrétien. Selon les évêques « les familles chrétiennes ont besoin d’être soutenues dans un contexte qui ne leur est pas favorable».
D’après eux, il faut revaloriser le sacrement du mariage qui est à la base de la famille chrétienne. Ils ont ainsi insisté sur la nécessité d’une solide préparation au mariage. Plus longue et plus exigeante. Et tampis si le nombre de mariages à l’Église dégringole, car il est préférable d’avoir « moins de mariages plutôt que de nombreux mariages qui échouent ».
Sur ce point les pères synodaux ont trouvé un accord. Il faut rendre les époux conscients du caractère sacramentel de leur union, et rappeler les vérités fondamentales du sacrement de mariage : indissolubilité, unité, fidélité, ouverture à la vie. « Puisque c’est une vocation à la vie, le mariage doit être rigoureusement préparé », insistait un évêque en rappelant qu’on exige 7 ans de préparation pour un futur prêtre, plusieurs années de noviciat pour un moine, et une seule rencontre avec un curé pour un couple de fiancés. Pointant du doigt cet écueil, les pères synodaux ont également plaidé en faveur d’une formation après le mariage. Une forme d’accompagnement personnalisé.
Parmi les autres thèmes discutés dans cette assemblée d’évêques et de cardinaux, il y a celui dont tout le monde parle : l’admission aux sacrements des divorcés-remariés. Sur ce sujet, ceux qui plaident en faveur de la discipline actuelle font valoir le souci doctrinal et pastoral, et le soutien renouvelé du magistère. D’autres, avec le même souci, réclament au contraire un changement, mais au cas par cas, sous certaines conditions, et après un « chemin de pénitence ».
Les avis sont également partagés sur l’accélération des procédures pour les déclarations de nullité de mariage.
Concernant les homosexuels, les pères synodaux se prononcent clairement en faveur de l’accueil, de l’ouverture et de l’accompagnement pastoral, mais sans pour autant valider une forme d’union ou de sexualité.
Quant au concept de gradualité, les pères synodaux estiment qu’il faut l’utiliser avec beaucoup de précaution. Car elle pourrait apporter « plus d’ombre que de lumière », autrement dit, « trop de confusion ».
À travers ces échanges très riches, et ces prises de positions très nourries, je n’ai pourtant pas vu de « pugilat » entre les « tradis » et les « progressistes».
Au contraire, j’étais frappé dans cette salle du synode par la bienveillance de l’assemblée : des évêques et des cardinaux, non pas venus pour défendre leur intérêt ou leur couple, mais pour protéger l’Église et la Famille.
Cette logique d’affrontement et de parties, bien présente à l’extérieur du synode, vaut certainement dans le domaine de la politique, mais elle est étrangère au mode de pensée du Christ et donc de l’Église. Voilà pourquoi le Pape lors de son audience à la presse, quelques jours après son élection, demandait de ne pas traiter les évènements de l’Église comme on traite un sujet économique ou politique. Car l’Église, disait-il encore lors de son audience générale le 29 octobre dernier, est un « mystère de foi dans lequel ce qui ne se voit pas est plus important que ce qui se voit ! ».
S’il y a parmi les évêques des points de vue différents, c’est normal et c’est tant mieux ! C’est la preuve d’une grande liberté d’expression. « C’est le signe de la vitalité de l’Église. Capable de susciter en son sein des débats, parfois très vifs, mais sans jamais exploser…Sans bain de sang ni intervention des gardes suisses» ironise le cardinal André Vingt-Trois qui participait au synode comme président délégué. Et le Pape est le premier à s’être félicité de ces divergences. Il confiait à la fin du synode qu’il aurait été « inquiété et attristé s’il n’y avait pas eu ces discussions parfois animées ; et si tout le monde avait été d’accord ou taciturne dans une paix fausse et quiétiste ». Le Pape a vu et entendu des discours et « des interventions pleines de foi, de zèle pastoral et doctrinal, de sagesse, de franchise, et de courage » ; sans jamais mettre en discussion les vérités fondamentales du sacrement du mariage.
Ce synode, pour moi, a été comme un tour du monde des enjeux et des difficultés familiales vécues dans des contextes si différents les uns des autres. Et à mesure que s’enchaînaient les débats, je prenais conscience de la complexité de l’enjeu de ce synode : être fidèle au Christ et à la doctrine de l’Église ; toujours avec la miséricorde de l’Évangile.
Du reste, le Souverain pontife l’a bien résumé dans son discours de conclusion en parlant de ces tentations : celle de « s’enfermer dans la lettre, à l’intérieur de la loi. C’est la tentation de ceux que l’on appelle aujourd’hui des traditionnalistes ». Et celle d’un « angélisme destructeur, qui au nom d’une miséricorde traitresse met un pansement sur des blessures sans d’abord les soigner. C’est la tentation de ceux que l’on nomme les progressistes ».
Et le Saint-Père de conclure avec confiance : « quand l’Église, dans la variété de ses charismes, s’exprime en communion, elle ne peut pas se tromper […] car l’Esprit Saint est garant de son unité et de son harmonie. L’Esprit Saint, tout au long de l’histoire, a toujours conduit la barque à travers ses ministres, même lorsque la mer était contraire et agitée, et les ministres infidèles et pécheurs ».
Photo Credit: (CNS photo/Paul Haring)
> Ce papier a été initialement publié sur le blog de Sel et Lumière TV.
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