Voici deux photos de la sauterie prises par un lecteur :
Ont également été aperçus Enrico Macias, Jack Lang, Dominique de Villepin ou encore Frédéric Lefèvre.
Tribune libre
On sait combien la Légion d’honneur peut être galvaudée, combien elle constitue aussi un exercice de clientélisme politique, récompensant les services rendus par des hommes politiques, des industriels et des personnalités étrangères. Mais de quoi François Hollande pouvait-il remercier Mohamed Jaham al-Kuwari, ambassadeur du Qatar en France ? Certainement pas des progrès pour la diffusion de la démocratie et des droits de l’Homme, si souvent invoqués pour la Syrie, l’Iran ou la Libye.
Le Qatar est une monarchie absolue où l’Émir et sa famille ont tous les droits, un régime théocratique où la liberté d’expression s’arrête aux frontières du Livre sacré et du saint billet vert, où les droits des femmes, des minorités, des travailleurs sont bafoués.
Récemment, le poète Mohammed Al-Ajmi a été condamné à 15 ans de prison… pour avoir écrit quelques vers en hommage aux « révolutions arabes », que le Qatar prétend soutenir en finançant les groupes islamistes les plus fondamentalistes dans ces pays.
Certainement pas pour l’émancipation de son peuple et le progrès social, non plus. Au-delà d’une mince couche de la population richissime et nantie de tous les « privilèges » (et non droits), 95 % de la population est étrangère, une immense partie d’entre elles vivant dans l’extrême pauvreté, logée dans des bidonvilles en banlieue, sans droits ni garanties.
Le système du « kafala » maintient les travailleurs étrangers sous la protection, en fait la dépendance, d’un « kafil » (parrain), seul garant face aux institutions du pays, un tuteur qui de droit, par le retrait potentiel de sa protection, a un pouvoir de vie et de mort sur son protégé.
Quant aux conditions de travail sur place, elles approchent l’esclavage moderne. Chaque jour, un travailleur immigré népalais meurt au travail, victime des cadences imposées, de l’absence du droit de travail, syndical ainsi que des chaleurs accablantes. Avec la construction des infrastructures de la Coupe du monde – obtenues par des pratiques de corruption à large échelle – 44 ouvriers népalais sont déjà morts depuis juin. À ce rythme, plusieurs centaines d’autres pourraient périr s’ici 2022.
Certainement pas non plus pour son respect pour les ressortissants français sur place. La liste est longue : un proviseur du lycée français expulsé pour attitude « anti-musulmane », des entrepreneurs ou footballeurs professionnels retenus en « otage » par leurs parrains au Qatar, etc.
Le mépris des droits humains les plus élémentaires transparaît par tous les pores de l’émirat. Alors pourquoi cette récompense ? Quels services nous rend le Qatar ? Services rendus dans la collaboration aux projets hégémoniques mondiaux des puissances dominantes, avant tout européennes et nord-américaine. Le Qatar a soutenu, si ce n’est impulsé, les dernières opérations françaises et américaines à l’étranger.
Pas un hasard, si Mohamed Jaham al-Kuwari, proche de la famille princière et homme-clé de la diplomatie qatarie, part désormais pour Washington, occuper le poste d’ambassadeur aux États-unis. Pendant que la France apportait un soutien indirect aux rebelles en Syrie, bombardait la Libye de Kaddafi sous le drapeau de l’OTAN, puis prétendait combattre les milices islamistes au Mali… le Qatar finance les milices islamistes qui combattent sur tous les fronts. Le Qatar est un élément-clé dans la stratégie d’agression de l’Iran, comme de la Syrie, deux États qui contrarient les plans de « Grand Moyen-Orient » américain, deux alliés régionaux de la résistance palestinienne.
En Palestine, il renforce le Hamas face aux organisations laïques et progressistes (comme en Tunisie ou en Égypte), tout en l’incitant à l’inaction dans la crise syrienne. On se rappelle de la visite de l’Émir à Gaza il y a an… tout en maintenant des relations cordiales avec Israël. La pleine collaboration du Qatar à ces plans impérialistes suppose aussi une interpénétration des capitaux qataris et français. Le « forum de Doha », en mai dernier, avait réuni 25 grands patrons français, des dizaines d’hommes politiques (H. Védrine, M. Boutih, J.-V. Placé, P. Balkany, E. Woerth, P. Lellouche, F. Fillon, etc.) pour envisager la collaboration future entre milieux d’affaires français et qataris.
Le 22 juin dernier, François Hollande se rendait à Doha pour négocier les futurs contrats des entreprises françaises dans l’émirat – avec la compagnie des patrons de Vinci, Alsthom, Bouygues – ainsi que les conditions des futurs investissements du Qatar en France. Car la France devient une terre d’élection pour les investissements stratégiques qataris : 12 milliards d’euros sur ces cinq dernières années, avec des prises de participation dans des géants français (Total, LVMH, Vinci, Veolia, Vivendi, EADS, Lagardère). Outre les investissements de prestige (PSG bien sûr mais aussi rachats de grands immeubles parisiens), la nouvelle mouture du « plan banlieue » ravalé en « plan d’investissement pour les PME » (300 millions d’euros) permettra au Qatar de s’ancrer dans le tissu économique et social français.
D’autre part, le Qatar – outre ses réserves en gaz – est une mine pour les investisseurs français en quête de gros contrats : Bouygues, Vinci, Alsthom ou Keolis (filiale de la SNCF !) sont en quête de gros contrats pour la construction d’infrastructures en vue de la Coupe du monde. On parle en tout d’investissements de 170 milliards d’euros, Bouygues a déjà récupéré un contrat pour la réalisation d’un complexe immobilier pour un milliard d’euros, Vinci celui d’un tronçon de métro pour 1,5 milliard. Total pour les partenariats au Qatar comme à l’étranger, EADS pour la livraison d’équipements militaires profitent également des contrats signés avec le Qatar, dans une alliance qui explique aussi les intérêts communs autour des opérations à l’étranger.
Quels services l’ambassadeur du Qatar a-t-il pu nous rendre ? À notre peuple, aucun. À nos ressortissants, aucun. Aux travailleurs immigrés ou aux peuples arabes épris de liberté, aucun. Par contre, aux richissimes émirs et à nos multinationales avides de profits faciles, beaucoup, trop !
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