Tribune libre de Vivien Hoch*
Où est le changement annoncé avec l’élection de François Hollande ? Le voir chuter dans les sondages prouve peut-être l’invisiblité de ce changement. Aristote distinguait le changement, non perceptible, du mouvement, qui est, lui, perceptible. Ce qui pourrait aller dans le sens de “l’action” de Hollande : il y a bien du changement, mais on ne le voit pas. De fait, c’est plutôt le passage du mouvement au non-mouvement, du changement invisible dont on proclame qu’il est effectif, au changement. Voilà le vrai changement.
De commissions en concertations, de concertations en commissions, le changement est lancinant, et il correspond exactement à la cosmologie grecque : un univers figé et ultra-déterminé, contre lequel nul ne peut lutter. Cet univers fixe et rigide, c’est celui de ses amis ultra-progressistes, qui arrivent à faire passer leurs idées pour des révolutions en acte. Ce qui se présente ainsi comme un progressisme, un en-avant civilisationnel, une destruction des vieilles idoles réactionnaires, est en fait un changement rigide correspondant en tous points à l’idéologie cosmologique qui a de tout temps été le cadre de pensée du socialisme : la vie plate et immanente d’un individu sans visage figé dans l’horizon égalitaire du Même, éternel retour des mêmes dialectiques de classes sociales et de civilisations, collectivité morte qui dévore les âmes en les nourrissant de faux espoirs.
Un faux espoir, il en fut un, notre cher Président Hollande. Élu sur un changement rapide, un espoir de “justice sociale” et une normalité-marketing, François Hollande a traversé ces premiers mois dans un chaos diffus, exactement ce chaos informel qui soutien l’univers antique, cet univers où agir et changer constituent des actes suspicieux, et où la plus haute forme de vie est la vie contemplative, passivité absolue dans le repos de l’idée qui fait son chemin, bon gré, et surtout malgré le réel sous-jacent.
La première loi qui est passée de toute urgence, alors même que les cartons n’étaient pas déballés : la loi sur le harcèlement sexuel, qui comprend notamment la pénalisation de la “transophobie”, d’une urgence notable, comme chacun en conviendra. Les contrats aidés pour les jeunes de banlieue, le “mariage” gay, la légalisation du cannabis, les salles de shoot, les «couacs» divers et variés, et… Plus grand chose.
François Hollande est un philosophe grec : il contemple ses idées, laissant la France s’évider de sa substance et de sa place dans le monde. Il pense au futur avec ses amis de commission, aristocratie de philosophes en tour d’ivoire, mais le futur est déjà tracé ; ce n’est qu’une question de temps pour que l’idéalisme de gauche s’impose au monde entier, dans un nivellement et un partage des richesses complets grâce à une prise en charge universelle des besoins humains.
Tout cela à étudier en commission de spécialistes, bien évidemment, et en évitant tout débat populaire. Méfiance, le peuple peut toujours contredire le dogme et renverser la providence progressiste en destin réaliste.
*Vivien Hoch est chercheur en philosophie à l’Institut catholique de Paris, rédacteur en chef de www.itinerarium.fr, responsable du pôle éducation libre et enseignement catholique au CERU-UNI.
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