La lettre à…

Henri Dubreuil prend sa plume pour s’adresser à des personnalités qui font l’actualité, en toute amitié…

Alain,

J’espère que tu ne m’en voudras pas trop de te tutoyer mais comme je sais que tu batailles depuis quelques temps déjà pour rajeunir ton image, j’y vois là un bon moyen de te donner un coup de pouce.

J’ai lu avec attention ton dernier coup de gueule « Faisons-nous confiance » et j’ai clairement compris que tu ne rigolais plus. Mais alors plus du tout ! C’est vrai que tu nous avais habitués depuis quelques années à tout faire pour apparaître comme un mec cool. L’ouverture à gauche, le mariage homo, l’identité heureuse, Les Inrocks… On te pensait plus trop capable d’élever le ton.

En lisant le début de ton article – « Piquer une bonne colère est parfois salutaire » – j’ai été saisi d’effroi. J’ai vu ressurgir l’énarque sec, le crâne d’œuf version mister freeze, l’homme droit dans ses bottes. Mais en fait non. Tu n’as pas fait l’ENS et l’ENA pour rien. Tu es malin Alain ! Et sous tes coups de boutoirs, on a vite retrouvé le Juppé moderne auquel on tient.

J’ai bien aimé ton couplet optimiste cherchant à casser tous ceux qui râlent. Et je suis d’accord avec toi. A quoi ça sert de pointer la multiplication des zones de non-droit, l’immigration hors de contrôle, la faillite du système éducatif, les 2 000 milliards de dette, les 7 millions de chômeurs, la corruption politique et syndicale, le recul des libertés publiques ou encore la mise à sac de la loi naturelle ? Tout cela c’est bon pour le FN et son électorat réac qui, entre nous, n’est pas très fute-fute.

D’ailleurs tu as eu raison de parler « d’illusoires frontières nationales » et de « l’union construite si patiemment avec nos voisins européens ». Franchement, c’est usant de devoir expliquer à longueur d’année que l’Europe nous protège : Schengen, l’euro, la politique de la concurrence, la PAC, le traité Tafta. Il leur faut quoi aux gens pour comprendre que l’Europe marche du feu de Dieu ?

Par contre, si tu me permets, je t’avoue avoir été un peu embêté par ta petite phrase « Certes notre pays a des racines chrétiennes, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient exclusives ». Non, ne transpire pas Alain, je te rassure tout de suite, il n’y a aucun dérapage à la Morano. Seulement j’ai le sentiment que tu n’as pas très bien saisi le sens du mot « racine » qui signifie « ce qui est à la base, à l’origine de quelque chose ». Tu comprends donc que les racines de la France sont exclusivement chrétiennes à l’exception de la présence très ancienne d’une communauté juive. Les autres religions sont arrivées beaucoup plus tard. Ce sont de jeunes pousses, pas des racines. Bon ne te vexe pas Alain, à 70 ans ça arrive les baisses de régime ! Evidemment il ne faudrait pas que ça se multiplie… ça pourrait inquiéter, surtout en vue de l’Elysée.

Je poursuis ma lecture. Qu’aurait été ton écrit sans citer les « valeurs de la République »… On ne sait jamais trop ce qu’elles recoupent mais qu’importe, ça fait toujours du bien. Après je dois te confier que c’est la fin de ton article qui m’a fait chavirer. « Les valeurs chrétiennes, c’est l’amour du prochain, l’accueil de l’étranger, le respect de l’autre, l’attention porté au plus petit, au plus faible, au plus pauvre. » Là j’ai chialé. Je me suis dit, putain Alain, il va régler le problème de nos SDF délaissés, s’engager en faveur de la vie et défendre le droit des petits enfants à avoir un père et une mère… Alain, j’peux plus me retenir : je t’aime !

Allez, tu l’as compris mon cher Alain, on ne t’affectionne pas trop quand tu nous joues le retour de la momie. Par contre qu’est-ce qu’on te kiff en mec cool !