Philippe Fabry, dans son ouvrage Rome : du libéralisme au socialisme, soutient que l’effondrement de l’Empire romain est dû à la mise en place d’un socialisme impérial. Il reprend à son compte l’explication avancée par Montesquieu dans ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. La liberté serait la cause de l’ascension de la République romaine et son recul progressif aurait entrainé la chute de l’Empire.
Rome fut d’abord dirigée par des rois étrusques. En 509 avant Jésus-Christ, les Romains renversèrent la monarchie et instaurèrent une République. Un système de magistratures duales fut institué. Deux magistrats occupaient la même fonction en même temps pour un délai d’un an. Chaque décision devait être approuvée par les deux magistrats. Ce système fut inventé pour empêcher la dictature.
La République avait besoin de soldats pour la défendre. Mais les plébéiens, insatisfaits du gouvernement oligarchique patricien, firent la grève du service militaire. Les plébéiens obtinrent alors la création des tribuns chargés de défendre leurs revendications devant le Sénat. En 450 avant Jésus-Christ, la loi des douze tables fut gravée dans le bronze. Elle garantissait les mêmes droits aux patriciens et plébéiens : droit de commercer et de propriété, droit au mariage et droit d’intenter des actions devant les tribunaux romains.
Cette exception républicaine dans un monde de despotes fit de Rome une cité attractive pour les peuples voisins. Cette fascination pour Rome se révéla utile quand Hannibal envahit l’Italie. Il comptait entraîner les peuples soumis à Rome avec lui. Mais ils refusèrent d’échanger la douce tutelle romaine contre la tyrannie d’un conquérant carthaginois. Les guerres puniques provoquèrent un changement important. La victoire contre Carthage permit l’annexion de nombreux territoires et l’afflux d’un grand nombre d’esclaves. L’État romain se transforma en distributeur du butin pris aux vaincus.
Ce nouveau modèle économique impliqua la nécessité de conquêtes sans fin pour alimenter les jeux du cirque et les distributions gratuites de pains aux Romains. L’Empereur devait remplir la fonction de chef de guerre mais les redistributions dépendaient des aléas de la guerre. L’État impérial se retourna vers les citoyens romains pour assurer les rentrées fiscales. L’édit de Caracalla en 212, qui accorda la citoyenneté romaine à tout homme libre habitant l’Empire, parait généreux mais il s’agissait d’un moyen pour assujettir tous les hommes libres aux impositions pesant sur les citoyens romains.
L’État impérial glissa progressivement vers un socialisme liberticide. En 297, l’empereur rendit les corporations obligatoires pour les artisans afin de diriger la production. On développa les manufactures d’État dont les ouvriers étaient marqués au fer rouge et qui transmettaient leur profession de manière héréditaire. Les impôts s’alourdirent pour assurer la survie de la bureaucratie impériale. Dans les campagnes, des paysans préféraient laisser les champs en friche plutôt que de les cultiver pour échapper à la pression fiscale. L’État réagit en liant les paysans à leur terre avec laquelle ils pouvaient être vendus. La répression politique fut un autre point commun avec la société socialiste : les chrétiens furent persécutés car ils refusaient de se soumettre au culte du chef d’État.
Ainsi, les invasions barbares sont la cause efficiente de la chute de l’Empire romain mais la cause profonde est l’instauration d’un régime socialiste qui a anesthésié le dynamisme économique. Cette théorie sur la chute de l’Empire romain apporte un éclairage sur la chute récente de l’Empire soviétique et donne à réfléchir sur les difficultés actuelles de la France.
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