Le terrorisme est un fléau d’autant plus complexe à combattre qu’il ne peut se satisfaire de réponses simples et de méthodes éculées. Confrontée aux pires attentats de son Histoire, la France doit donc puiser dans le meilleur de ses élites pour éradiquer cette menace. Heureusement, ça tombe bien, on a Bernie Cazeneuve.
Bernie, c’est le ministre de l’Intérieur. Et l’Intérieur, il connaît bien parce qu’il y reste souvent, l’extérieur étant trop risqué avec tous ces risques d’attentats. Et quand il est à l’intérieur, Bernie ne chôme pas, notamment parce qu’il ne veut plus avoir peur quand il s’aventure à l’extérieur, seul dans son petit pantalon et entouré de sa garde prétorienne qui, elle, porte des armes (comme les terroristes, du reste). Et donc, Bernie réfléchit à ce qui pourrait bien venir à bout de ce vilain terrorisme qui, non content de miner la bonne ambiance et le vivrensemble dans le pays, pose bien du tracas à François, son patron.
À force de réfléchir, Bernie et ses amis du gouvernement ont eu une idée. Enfin, « une », c’est façon de parler puisqu’ils en ont plutôt des trouzaines et qu’il est même difficile de canaliser le torrents de merdes solutions alternatives rigolotes qu’ils s’emploient à déverser sur nous, mais disons qu’ici, il s’agit surtout de se concentrer sur l’une d’elles : tout montre à l’évidence qu’on ne dépose pas des bombes dans des voitures inopinément, sur un coup de tête, suite à une déconvenue amoureuse ou à la perte d’un emploi. En réalité, pour nos élites, le basculement terroriste s’opère progressivement et passe par une phase importante, dite de ridiculisa… pardon de radicalisation.
Cette radicalisation transforme ainsi un être normalement constitué, intelligent, calme, pondéré et intégré en dangereux psychopathe assoiffé de sang et de massacre.
Le problème compris, l’analyse posée est forcément simple : s’il existe un moyen de ridiculiser radicaliser certains individus, il doit certainement exister des procédés inverses qui permettent de déradicaliser le même individu, parce que la radicalisation, c’est un peu comme une mode vestimentaire ou un goût acquis, on peut en changer moyennant les bonnes incitations, les bons messages et le bon environnement. Partant de là, la solution s’impose quasiment d’elle-même : on va regrouper dans un même établissement les individus radicalisés, on leur dispensera des cours magistraux et des travaux pratiques au contenu spécifiquement orienté afin de les faire revenir sur le droit chemin et on appellera ça la Faculté une cellule de déradicalisation.
Or, comme le terrorisme, c’est un sujet chaud bouillant pour le pays, que la campagne présiflancielle approche à grands pas et qu’il va falloir du résultat, de la donnée solide, du concret, quelque chose de palpable pour étayer le discours volontariste du futur candidat ex-futur président (ou futur ex-président), il n’y a pas une minute à perdre. Sans plus attendre, plein de centres et de cellules sont rapidement montées pour enfin combattre le terrorisme sur son terrain, la psychologie.
Et la psychologie, les élites de notre pays maîtrisent. Nos communicants du gouvernement ont amplement prouvé, à de nombreuses reprises, qu’ils savaient y faire pour communiquer subtilement leurs messages, même à des populations jeunes et parfois difficiles à atteindre. Ils ne reculeront devant rien, aucun moyen, aucun financement, aucune ressource humaine pour parvenir à éradiquer le radicalisme, terreau du méchant terrorisme. En avant pour ces cellules, et fissa !
Dès le printemps 2014, alors que grandit dangereusement le nombre de Français intéressés par des voyages documentaires en Syrie (« armes et munitions : les bases », « torture : les meilleures positions », « explosifs : comment, pourquoi ? », etc…), le gouvernement lance donc une plateforme de délation signalement téléphonique qui enregistre un franc succès. Si ce dernier n’est pas suffisant à le pousser à créer des cellules de déradicalisations, de preux citoyens se lanceront dans l’aventure, flairant sans doute qu’il y avait là matière à impliquer l’une ou l’autre subvention publique.
C’est le cas de Sonia Imloul qui, culottée, contacte le préfet Pierre N’Gahane, alors secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD) et chargé du numéro vert « anti-djihad », et réussit à obtenir 35.000 euros de subvention grâce à son appui, subvention qui lui permettra de développer son activité.
Et zou, dès l’été, la cellule est en marche et, grâce à un appui médiatique putassier opportun, connaît une belle renommée qui lui permet d’attirer fin décembre 2014 le ministre Bernie, appâté autant par les retombées médiatiques possibles que par un couscous qu’il viendra déguster sur place et le poussera à déclarer « On développe et on duplique » une fois ventre plein.
Tout va donc très vite. Mais là, bardaf, c’est l’embardée : la première subvention disparaît dans le loyer des locaux, les intermittents de la déradicalisation (un étudiant et quelques extras embauchés sur le pouce) ne trouveront aucune indemnité, et lorsque l’association de Sonia Imloul réclame la subvention suivante, elle se fera balader par les autorités, trop contentes de disposer d’une belle vitrine sans avoir à déployer de moyens quelconques pour. Pendant ce temps, la cellule, toujours sans moyens, se décide à louer ses chambres à des étudiants.
L’histoire tourne rapidement au Grand n’Importe Quoi qui ne surprendra personne en République du Bisounoursland, à tel point qu’en novembre 2015, l’État décide d’arrêter les non-frais et de plier la structure.
Vraiment, belle réussite pour un ministre qui, sur toutes les ondes, tous les plateaux, se dit profondément impliqué dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation ! Belle réussite pour une République, un gouvernement et un président qui prétendent mettre tous les moyens pour lutter contre ce fléau ! Belle démonstration d’efficacité de notre administration, de nos préfectures et de nos politiciens en charge du bazar qui ont non seulement laissé les rênes à une personne qui n’en avait absolument pas les capacités et les compétences, mais qui, de surcroît était connue pour avoir déjà fait l’objet de plaintes dans ses expériences antérieures de responsable associative.
Oh, bien sûr, le gouvernement, Bernie Cazeneuve en tête, aura tôt fait d’expliquer qu’on ne peut généraliser ce cas particulier, que les autres cellules sont mieux gérées, que, si si, la déradicalisation est en marche et que, contrairement à cet exemple pitoyable, ça va dépoter du chaton mignon et transformer de dangereux terroristes potentiels en individus intégrés, responsables et correctement azimutés.
Malheureusement, l’historique général de l’État et des administrations dans à peu près tous les domaines sous leur responsabilité ne laisse guère planer le moindre doute. En pratique, tout porte même à croire que ce qui s’est passé avec cette « cellule » de Seine-Saint-Denis est parfaitement illustratif de la désinvolture complète avec laquelle tout notre petit monde prend réellement cette histoire terroriste. Du reste, les récents événements dans la prison d’Osny confirment que même dans des lieux où, normalement, les individus sont encadrés, tout ou à peu près peut arriver, signe que le problème est ancré depuis un moment.
Autrement dit, en matière de déradicalisation, si quelque chose est fait par le gouvernement, c’est purement cosmétique : Français, on se paie votre tête.
> H16 anime le blog Hashtable.
7 Comments
Comments are closed.