Article initialement paru le 19.08.2016
Les années passent mais les constats ne varient guère : il y a deux ans, on notait un besoin manifeste des citoyens à s’organiser en milices alors qu’augmentait l’insécurité ressentie (au contraire de l’insécurité réelle, mesurée scientifiquement à l’ombre et sous abris). Heureusement, de nos jours et grâce à l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les choses se sont beaucoup calmées.
Ah bah non, en fait. Il y a encore quelques fusillades ici ou là, (dans un pays réputé sans armes et à la législation pourtant si stricte, voilà qui fait tache, non ?), et certains règlements de compte ou petites rixes de fin de soirées tournent parfois au vinaigre.
Mais cela vaut-il vraiment la peine de s’inquiéter ? Allons. Reprenez un peu de rosé. Tout va bien.
Tu es jeune, tu es en bonne santé et l’été, tu ne sais pas quoi faire pour occuper tes journées ? Monte une milice citoyenne ! C’est tendance et ce sera bientôt indispensable pour survivre dans certains quartiers que la République, Une Et Indivisible Mais Faut Pas Trop Pousser, a décidé de laisser pudiquement tomber pour aller compter les burkinis.
Oh, oui, bien sûr, j’en vois déjà certains qui soufflent lourdement en estimant à voix haute que j’exagère franchement avec mes histoires de milices. Certes, ils n’ont pas tort et il n’est pas encore arrivé le moment où l’on verra apparaître sur Le Bon Coin des petites annonces visant à monter des groupes de citoyens armés pour protéger un quartier ou un groupe de commerces. Cependant, l’actualité récente tend à brosser un tableau qui insiste fort sur cette idée que, décidément, on n’est jamais si bien servi que par soi-même : le contribuable, de plus en plus déficitaire dans son retour sur investissement fiscal, décide de devenir citoyen en s’armant discrètement, ou, au moins, à faire ce travail de police que les forces de l’ordre semblent rechigner à accomplir.
Pour preuve, il y a bien sûr la récente altercation musclée dans une crique de Sisco en Corse où des individus déjà défavorablement connus des services de police, mais apparemment libres de leurs mouvements, s’en sont pris à des locaux pour des motifs encore confus mais qui n’imposaient normalement pas d’avoir recours aux armes blanches et aux harpons. Apparemment, les habitants du village voisin ont fait le choix de régler le problème directement par eux-mêmes plutôt que passer par les services de l’État.
Peut-être les villageois n’ont pas jugé ces derniers suffisamment rapides ou efficaces au point de prendre les choses en main ? Peut-être l’une ou l’autre précédente altercation de Corses du cru avec la faune interlope de certaines cités dites sensibles leur aura laissé un ressenti amer sur les capacités de la force publique à faire respecter l’ordre dans l’Île de Beauté ? Allez savoir, mais en tout cas, l’affaire s’est réglé par une distribution de châtaignes (réputées dans le pays).
Châtaignes qui ne sont pas sans rappeler les riants sous-bois bretons et la ville de Rennes qui est, elle aussi, de plus en plus souvent le théâtre de petites joutes pas seulement verbales entre habitants du cru, étudiants assoiffés et faune interlope aux comportements peu policés. Comme l’explique cet article de Causeur qui relate des faits étonnamment passés sous silence dans la presse nationale, des groupes de jeunes migrants dépouillent festivement les passants, rudoient les femmes dans le respect et la tolérance, et empoisonnent avec détachement le quotidien des commerçants. Profitant des lourdeurs administratives, d’associations humanistes délicieusement à côté de leurs pompes et d’une impéritie globale des pouvoirs publics, ces jeunes se font passer pour mineurs et transforment le problème de police locale en véritable casse-tête juridique et politique pour la mairie. Le gouvernement, probablement mis au courant, regarde pudiquement ailleurs.
En attendant, les habitants, excédés de voir certains lascars, régulièrement attrapés par la police, ressortir libres et recommencer leurs exactions, se sont décidés à leur rentrer dans le lard. Là encore, on pourra déplorer ces rixes qui portent gravement atteinte à ce vivrensemble gluant que tous nos politiciens essaient de ripoliner à gros rouleaux baveux partout où ils passent, mais on devra là encore comprendre que ces événements ne sont précisément que la conséquence logique des manquements observés…
Autre lieu, autres mœurs puisqu’à Aubervilliers, on procède différemment. Aubervilliers, c’est la version senior de Belleville dont je narrais les déboires dans de précédents billets (ici et là). Aubervilliers, c’est aussi le lieu où une Princesse se fait brigander par des malandrins même pas assermentés sur une route de France. Et Aubervilliers, c’est surtout une ville où la population d’origine chinoise commence à trouver le temps long, ce temps qui sépare le moment où cette communauté déclare des problèmes récurrents d’insécurité, de vols ou d’agressions aux forces de l’ordre et le moment où les autorités agissent. Cette communauté attend d’autant plus fermement une réponse de ces autorités qu’un des leurs est récemment mort sous les coups d’agresseurs dont les motivations n’étaient pas que crapuleuses mais aussi racistes.
Normalement, une agression raciste en France bénéficie immédiatement de la caisse de résonance médiatique, d’autant plus si l’une ou l’autre association lourdement subventionnée s’empare de l’abomination et la fait connaître au public médusé de découvrir pareils forfaits sur son sol pourtant si pur et si tendre. Mais manifestement, les vols et agressions répétées de Chinois à Belleville ou Aubervilliers ne semblent pas rentrer dans les bons critères pour bénéficier de cette publicité. La violence anti-asiatique, dénoncée par les populations concernées, n’est pas assez forte ou assez raciste pour bénéficier de cet écho.
En attendant, les ressortissants chinois tentent de s’organiser pendant que les forces de l’ordre enregistrent religieusement les plaintes en reprenant deux fois des nouilles (asiatiques je présume). Combien de temps s’écoulera-t-il à nouveau pour que, se rendant compte de la totale impéritie des pouvoirs publics, nos braves commerçants s’organisent de façon plus musclée et, comme les Corses de Sisco, en viennent aux mains ?
La question n’est pas seulement rhétorique : les tensions inter-communautaires s’accroissent visiblement et d’autant plus que les pouvoirs publics sont complètement dépassés. La police était déjà largement débordée avant la récente vague d’attentats, le passage en alerte Pivoine-Foncé, en plan Vigipipeau Écarlate Clignotant et l’application du plan Sentinelle à Roulettes n’ont pas amélioré la situation en augmentant encore le stress et la fatigue des équipes. L’abandon rapide, depuis l’élection de Sarkozy, de toute velléité de remettre de l’ordre dans les kartchiers chauds ou ces zones impressionnables sensibles du pays, le quasi blanc-seing dont dispose toute une frange de la population devenue ingérable quasiment à dessein, le blocage dogmatique des budgets de la Justice, ses réorganisations foutraques, tous ces facteurs s’accumulent pour mettre à genoux la colonne vertébrale régalienne de la République.
Ceux qui payent leurs impôts, qui attendent en retour un minimum d’ordre, confusément, s’en rendent compte. Petit-à-petit la réalité des dérives leur apparaît, et il ne leur faut pas forcément très longtemps pour se rappeler qu’il y a 10, 20 ou 30 ans, beaucoup de ce qu’ils subissent n’aurait jamais été toléré. Les réseaux sociaux amplifient la découverte qu’ils ne sont pas seul à s’apercevoir de la supercherie, celle qui consiste à faire croire qu’il y a encore un État régalien en France.
Conséquemment, il n’est plus loin le temps de l’étape suivante où des groupes citoyens plus ou moins clandestins vont s’organiser pour reprendre progressivement le contrôle des territoires pour lesquels ils payent de plus en plus cher. L’État n’aimant pas, mais alors pas du tout, la concurrence, on peut dès lors s’attendre à quelques frictions.
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