La lecture de Mediapart, aujourd’hui encore, pourrait, devrait, suffire à nous faire mesurer, sur ce terrain comme sur tant d’autres, le mélange de schizophrénie et de perversité des héritiers du gauchisme. Entre un Edwy Plenel et un Tarik Ramadan la convergence peut surprendre. La connivence ne fait pourtant aucun doute et les deux personnages ne s’en cachent pas.
Ordjonikidzé, alors âme damnée de Staline commissaire aux Nationalités (1) fut l’un des personnages clefs du congrès de Bakou.
Il en sortira comme l’un des principaux dirigeants du prétendu “conseil d’Action et de Propagande des Peuples de l’orient”, cache-sexe provisoire créé par et pour l’appareil oriental du Komintern, légitimé par ce congrès en trompe-l’œil.
On lira ci-dessous comment il avait défini, quelque temps après son échec, le pacte, apparemment contre-nature conclu sur les bords de la Caspienne avec une éphémère insurrection islamiste.
Cela se passait au printemps 1920, dans la province perse du Gilan, jouxtant le Mazandaran.
Or, cela sera réitéré depuis bientôt 100 ans sur toute à sa surface du Globe.
Le mouvement était intitulé “jangali” : on reconnaît un terme indo-européen dont la dérivation en ourdou a donné dans les langues occidentales le mot “jungle”. Il s’agissait bel et bien des hommes de la forêt, ce qui nous mène fort loin du prolétariat industriel des pays industrialisé, dont se réclamaient Marx et Engels.
Mais le mérite de cette guérilla féodale tenait en l’occurrence à sa lutte contre Ahmad Shah, dernier représentant de la dynastie Qadjar, et surtout contre les Anglais.
Nous retrouverons constamment cette surprenante contradiction, mais, depuis un siècle, cet alliage impur et immoral fonctionne comme une règle. On le retrouvera dans toutes les sphères rivales du mouvement communiste international.
Au congrès de Bakou les plus ardents défenseurs, les théoriciens, de cette convergence s’étaient recrutés dans les délégations de pays comme l’Angleterre, la Hollande, ou les États-Unis, ce dernier pays étant représenté par le fameux journaliste John Reed. Au contraire les Indiens, les Égyptiens, les Chinois, ou les quelques militantes féminines sont tenus à l’écart.
Et, dès cette époque, la consigne ne résultait pas d’une quelconque initiative aventurière locale mais bel et bien d’une décision centrale du Kremlin. Le Politburo du Parti ouvrier social-démocrate (bolchevik) de Russie, et aucun autre centre de pouvoir, avait ordonné à Ordjonikidzé de mener une politique de “soutien à Koutchek Khan.” Celui-ci, authentique et pieux islamiste, animait une révolte indiscutablement féodale. Que, dans les annales occidentales ce personnage soit totalement tombé, de nos jours, dans l’oubli, n’empêche pas qu’il fût le précurseur de l’ayatollah Khomeiny. (2)
“Nous savions, écrira pourtant Ordjonikidzé en 1921, que cette bourgeoisie nationale haïssait le communisme encore plus que les Anglais. Mais il fallait que nous soutenions ce mouvement contre les Anglais, sans pour autant effrayer ces groupements par le spectre rouge du communisme.” (3)
La duperie fonctionne encore.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
Apostilles :
1. Grigory Konstantinovitch Ordjonikidzé (1886-1937) finira néanmoins assassiné comme tant d’autres bolcheviks pour “divergences quant à la politique caucasienne” de son ancien camarade et maître du Kremlin.
2. Il sera salué comme tel par la révolution islamique iranienne de 1979.
3. cf. La Faucille et le croissant pp. 210-211 “La Faucille et le Croissant”
– Islamisme et Bolchevisme au congrès de Bakouprésenté par Jean-Gilles Malliarakis
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