Tribune libre de Robert Ménard*
Jacques Cheminade, candidat à la dernière présidentielle, vient de recevoir de la Direction régionale des finances publiques un « commandement de payer » de 171 325,46 euros, et la presse, à de très rares exceptions près, n’en dit pas un mot, ne s’en émeut pas. On ne va quand même pas se soucier des malheurs d’un « petit candidat » comme disent, méprisants, nos « grands » éditorialistes. Et pourtant, cette affaire en dit long sur le mal qui ronge les rouages de notre État.
Retour en arrière.
Aux lendemains de la présidentielle de 1995, les « sages » du Conseil constitutionnel valident les comptes de Jacques Chirac et Édouard Balladur dont ils savent pourtant qu’ils sont frauduleux, bourrés d’irrégularités. Emmené par leur président, le socialiste Roland Dumas, ils décident tout bonnement de maquiller les comptes. Au nom du respect du vote des Français, osera expliquer l’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand ! Mais il faut bien sauver la face. Alors que faire ? C’est l’un d’entre eux, Jacques Robert, qui l’a avoué récemment :
Pour montrer que nous étions indépendants, nous avons invalidé Jacques Cheminade, alors qu’il n’avait commis que de légères erreurs…
Il faut dire qu’il ne pèse pas lourd : 0,27% des suffrages.
Pourquoi s’offusquer, 17 ans plus tard, de cette « entourloupe », pour reprendre le mot de Jacques Robert ? Tout est pourtant rentré dans l’ordre. Jacques Chirac vit toujours dans l’appartement de son ami, feu le premier ministre libanais Raffic Hariri. Édouard Balladur n’a toujours aucune explication plausible pour justifier le versement de 10 millions de francs en espèce lors de cette campagne. A moins de chercher du côté des rétro-commissions versées en marge du contrat des sous-marins Agosta, qui pourraient bien avoir coûté la vie à onze de nos compatriotes lors de l’attentat de Karachi. Mais tout cela n’est que broutilles !
Non, c’est Jacques Cheminade qui est poursuivi.
C’est lui dont on a hypothéqué l’appartement, dont on menace toujours de saisir les biens… Avec toujours le même cynisme aux lèvres, Roland Dumas rétorquera : « Jacques Cheminade était plutôt maladroit. Les autres étaient adroits… »
PS : Et pendant ce temps, nos politiciens continuent leur petit business. La très verte Cécile Duflot a procédé à une grande distribution de Légion d’honneur à ses camarades de parti. Pourquoi se gêner ? Mais qu’on se rassure, son cabinet a fait savoir qu’il y aura des élus de l’opposition décorés… la prochaine fois. À droite, dans le genre éthique, on ne fait pas mieux : la maire UMP de Montauban a triplé son salaire. Brigitte Barèges ne pouvait pas faire autrement : battue aux dernières législatives et privée de ses indemnités parlementaires, il fallait bien qu’elle conserve les mêmes émoluments…
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières.
> Son blog : robertmenard.fr
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