La personne est avant tout un être social. Elle ne peut vivre que dans son rapport avec les autres, puisque son environnement lui permet de se nourrir, de s’habiller, de se loger, de se déplacer, de se perpétuer. Une personne totalement isolée ne peut que mourir. Puisqu’elle vit avec l’autre, elle vit sous le regard de l’autre : par solidarité, par amitié, par amour pour l’autre, elle doit s’efforcer de montrer le meilleur d’elle-même.
En regard de cette évidence, la société postmoderne s’est donnée pour objectif de promouvoir l’individu isolé, au détriment de l’individu entouré : la liberté sans limite, la jouissance sans contrainte, l’exaltation du moi et du moi-seul sont désormais les fondements sur lesquels chacun peut, et peut-être même doit s’appuyer.
Dans ce cadre libertaire, l’habillement occupe une place de choix, puisqu’il enveloppe la personne et la « qualifie » d’une certaine façon. Or, de nos jours, nombreuses sont les femmes qui, oubliant leur environnement, au nom de la liberté et de l’individualisme, s’estiment libres de s’habiller comme elles le veulent. Les jupes peuvent être le plus court possible, les pantalons le plus moulant possible, les décolletés le plus ouvert possible, les maillots de bain le plus inexistant possible, l’exhibition la plus grande possible. Le regard des autres, face à de telles situations, n’est pas pris en compte. Et pourtant, de telles façons de faire risquent d’éveiller dans l’entourage le désir, la concupiscence, la grossièreté, la vulgarité, la laideur. Mais cela ne compte pas : les média aiment à marteler qu’en cas d’agression, il ne saurait y avoir aucune espèce de responsabilité de la part de la personne abusée. Il ne s’agit pas ici de culpabiliser la jeune femme attaquée, sur le mode : « elle l’avait bien cherché », même si de vifs débats sont ouverts régulièrement sur ce sujet. Mais il est important de considérer qu’un climat de respect de la femme se construit à l’échelle des choix individuels de chacune. En choisissant de porter un short… très short, une jeune femme contribue à entretenir des pulsions néfastes chez autrui… qui se déchaîneront peut-être sur une autre qu’elle, quelques jours plus tard. La pudeur, dans nos sociétés occidentales, perd peu à peu toute signification. Doit-elle donc être définitivement bannie, rangée aux accessoires des valeurs démodées ?
Au moment où la déferlante pornographique fait des ravages dans le monde entier, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer que la pudeur est une vertu essentielle, constitutive de la beauté de la personne. Elle met en valeur, préserve le mystère de la personne, impose la distance et le respect. Il y a une beauté du corps qui se pare, se laisse deviner plus qu’il ne s’exhibe. L’élégance est discrétion. Aujourd’hui, il semblerait qu’il n’y ait plus d’alternative pour la femme occidentale entre le mini-short et la burqa… La pente qui mène à la pornographie est jalonnée par les agressions que subit quotidiennement chacun d’entre nous, dans les lieux publics (panneaux publicitaires, kiosques à journaux) ou dans les lieux privés (Internet, chaînes pornographiques, radios, sites de streaming). L’impudeur, qui se développe à vive allure, et qui relève de ces agressions publiques, s’intègre désormais à cette pente fatale. Elle est une des composantes de la dérive pornographique, car elle l’alimente.
La multiplication des agressions sexuelles prend des proportions alarmantes, et touche désormais tous les âges. La chosification du corps féminin se développe à vive allure, et transforme la beauté de la création en objet mercantile courant. La consommation immédiate des corps s’impose, et remplace la relation fusionnelle durable. Dans cette évolution inquiétante, l’impudeur prend toute sa place.
Revaloriser la pudeur comme valeur essentielle, dans les familles et dans la société tout entière, devient un enjeu majeur. Comme l’écrit Auguste de Rochefort dans ses Pensées, « la pudeur pare la beauté comme la rosée embellit la nature ». L’un de nos devoirs n’est-il pas de promouvoir la beauté dans notre vie quotidienne ?
> François Billot de Lochner préside la Fondation de Service Politique.