La politique est à la fois combat et construction. Le combat exige que l’on sache pour quoi et contre qui l’on se bat. La construction patiente du Bien Commun oblige à définir celui-ci. Jamais sans doute la confusion n’avait atteint les records actuels. Qu’on le veuille ou non, pendant la plus grande partie du XXe Siècle, les démocraties combattaient les dictatures, le monde libre luttait pour préserver sa liberté. Ses adversaires étaient les deux totalitarismes qui ont dominé successivement à cette époque, même si l’un d’eux est devenu un court moment un allié, et si contre lui, les régimes militaires anticommunistes ont été ensuite les bienvenus. Les grands empires coloniaux ont eu, la France en particulier, quelque difficulté à placer leur combat dans le camp de la liberté, mais dans les années 1980, le monde libre, en passe de se défaire de ses dernières contradictions, tenait sa victoire sur l’empire du mal. Celle-ci est apparue aux yeux de certains comme une fin de l’Histoire. Cette illusion s’est dissipée. Le pays qui, pendant quelques années, avait semblé détenir les clés de la planète en lui imposant sa puissance militaire, son modèle économique, sa langue et sa façon de vivre, s’est trouvé confronté à de nouveaux obstacles. Le premier est celui qu’il a créé en s’appuyant sur le fondamentalisme islamique en Afghanistan. Ce nouvel ennemi est aussi totalitaire que l’ancien. Il est plus fanatique, mais il ne peut être désigné comme le mal, tant l’Amérique a besoin d’alliés qui sont aussi islamiques que lui. Cette contradiction du discours américain d’aujourd’hui affaiblit les Etats-Unis. Ils disent combattre-mollement- l’Etat islamique, mais multiplient, comme leurs alliés, français en particulier les signes de respect envers une religion musulmane qui est incompatible avec les idées libérales américaines. Des deux côtés de l’Atlantique, on subit un galimatias qui, chez les mêmes, les démocrates là-bas, les socialistes et certains « »républicains » chez nous mélange tout et son contraire. On se dit partisan de l’égalité des sexes, favorable au mariage unisexe, au nom d’une certaine conception des droits de l’homme que les pays musulmans rejettent sans ambages, puisqu’ils ont signé leur propre déclaration « islamique ». On proclame ici la laïcité, mais en fêtant la fin du ramadan dans des édifices publics quand on y interdit les symboles chrétiens. On s’affirme là-bas les défenseurs de la liberté d’expression alors qu’on est l’allié de pays qui condamnent à mort le blasphème. Confondant la race, la religion, le comportement, on n’hésite pas au nom de l’antiracisme à interdire la critique morale ou philosophique, dénoncée comme « phobie ».
L’Occident ne sait plus très bien contre qui il se bat, et c’est le second obstacle. A peine soupçonne-t-il que c’est pour préserver sa puissance et sa prospérité. Ce choix est celui des Etats-Unis qui les pousse à privilégier leur crainte, stratégique, et non idéologique, de la Chine et de la Russie. L’Europe doit-elle les suivre sur ce terrain ? Elle aurait au contraire tout intérêt à établir d’excellentes relations avec la Russie, si proche géographiquement et culturellement, si complémentaire économiquement. Elle pourrait avec la Russie et ses alliés, avoir le courage de rétablir la paix au sud et à l’est de la méditerranée, là où les Américains semblent si peu pressés de le faire. Obama est très attentif à ce qui se passe en Europe. Il pousse même ses « alliés » à ne pas exclure la Grèce de l’Eurogroupe. Il serait temps que les nations européennes comprennent que la guerre froide est finie, qu’elles n’ont pas vocation à être protégées par un ami qui veut surtout son bien et ne répugne pas à les espionner quand bon lui chante. Le rétablissement de la Grèce avec sa monnaie nationale, la baisse salutaire de l’Euro face au Dollar, la restauration de nos échanges avec la Russie, la pacification des rives de la Méditerranée et la suspension de l’immigration clandestine vers l’Europe sont sans doute des objectifs nécessaires au Bien Commun des Européens. Il n’est pas sûr que Washington ait les mêmes intérêts.
Il est triste de constater que notre pays qui, jusqu’à une date récente, en 2003, avec son refus de nous associer à l’aventure américaine en Irak, savait faire entendre sa musique, en est aujourd’hui réduit à un rôle de comparse et d’entremetteur au profit de Washington. L’abandon coûteux de la livraison des Mistral à la Russie est une honte. Notre participation à la mise en scène des bombardements contre l’Etat islamique en est une autre. Pendant ce temps, comme l’a rappelé la voix lointaine et étouffée du Pape François, le génocide des Chrétiens d’Orient se poursuit. Enfin, face à la rigueur du nord de l’Europe, la France dont l’économie est plombée depuis des années par le laxisme budgétaire et la dépense publique, a aidé le piteux Tsipras à présenter des propositions « passables » en vue du maintien de la Grèce dans la zone Euro. Ce n’était pas pour sauver cette monnaie-boulet, mais pour séduire la gauche de la gauche française. De la grande politique !
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