Obama, l’apprenti-sorcier

La ville de Mossoul et la région de Ninive sont tombées entre les mains de l’EIIL ( Emirat Islamique d’Irak et du Levant) , mouvement djihadiste rival d’Al Nostra en Syrie. Désormais, ce groupe particulièrement violent contrôle une zone considérable qui s’étend à l’Est de la Syrie et à l’Ouest de l’Irak, de part et d’autre d’une frontière poreuse. Il menace aussi bien le Kurdistan irakien, autonome que la capitale Bagdad. Cette offensive devant laquelle l’armée irakienne formée et équipée par les Etats-Unis semble s’effondrer souligne le caractère catastrophique de la politique américaine singulièrement depuis l’accession d’Obama à la présidence.

A la suite des attentats du 11 Septembre, l’Amérique avait réagi avec un très large soutien international en chassant les Talibans de Kaboul et Al Qaïda de ses bases en Afghanistan et en traquant les terroristes dans le monde entier, y compris avec l’aide de dictatures arabes, comme la Syrie. Georges Bush avait, deux ans plus tard, profité de la situation pour liquider la dictature baassiste d’Irak, bien que Saddam Hussein n’ait aucun lien avec le salafisme et ne disposât d’aucune arme de destruction massive. La France s’était désolidarisée de cette action car Les objectifs étaient, cette fois, différents. Le discours officiel visait l’instauration de la démocratie pluraliste dans le seul pays de la région à disposer d’une classe moyenne. L’affaiblissement du camp des dictatures nationalistes ne pouvait déplaire ni à Israël, ni aux monarchies du Golfe, alliées de l’Amérique, même si la propension à la démocratie de ces dernières ne semble pas assurée. Les enjeux énergétiques n’étaient sans doute pas absents. Les mauvais esprits ont parfois pensé que ces trois buts pouvaient se réunir dans un morcellement et une recomposition de la géographie politique du Moyen-Orient, tenant compte des nombreux clivages ethniques ou religieux. Ce découpage est en train de se réaliser de fait en Syrie et en Irak.

Après une invasion entraînant la chute du régime de Bagdad assez facilement, l’occupation américaine, mal conçue et mal réalisée, a dressé une grande partie de la communauté sunnite contre elle. Les anciens cadres civils et militaires de Saddam mis au rencart par les occupants se sont opposés à eux. Des groupes chiites proches de l’Iran n’ont guère facilité les choses. Toutefois après un dramatique enlisement marqué par de nombreux morts irakiens et des pertes militaires américaines, l’opération « Surge » a permis une amélioration de la situation, à la fin du second mandat de Bush. On peut aujourd’hui juger que les réticences françaises étaient justifiées et qu’il aurait été préférable de laisser Saddam Hussein régner sous surveillance, mais le mal étant fait, avec, toutefois, plus d’autonomie pour les Kurdes et de pouvoir pour les Chiites, il fallait consolider le nouveau régime. Un premier Ministre Chiite et des alliances chèrement payées avec les grandes tribus sunnites contre Al Qaïda y ont contribué.

L’inaction d’Obama et sa politique superficielle ont, au contraire, depuis, aggravé les choses. Tout sourire pour l’Islam lors de son discours d’Al Azhar en 2009 qualifié d’historique par la grotesque « obamania » de l’époque, le prix Nobel prématuré, rappelant les valeurs partagées entre l’Occident et L’Islam, sans lequel l’Europe serait demeurée barbare ( la justice, le progrès, la tolérance et la dignité humaine), citait le Coran, célébrait Cordoue, annonçait la paix et la démocratie dans le respect mutuel. C’était tendance. Sarkozy et Juppé disaient ça aussi chez nous. Seul, Benoît XVI avait suggéré une réalité quelque peu différente à Ratisbonne quelques années auparavant. A la fin de 2010, le souffle du Printemps arabe se levait donnant au discours d’Obama une dimension prophétique. Les dictatures tombaient comme des mouches : Tunisie, Egypte, Libye, Syrie. En Libye, les occidentaux ont militairement accéléré la chute et ils ont failli récidiver en Syrie, notre Président en tête. Mais le Printemps n’a pas eu le temps de fleurir. A Bahrein, la population chiite a été rappelée à l’ordre sunnite par les Saoudiens. Ailleurs, en fait de démocratie et de pluralisme, on a vu arriver les Frères Musulmans, puis les Salafistes pas forcément très tolérants. Trois ans plus tard, la Tunisie émerge péniblement de la crise, la Libye a sombré dans l’anarchie, l’Egypte est retournée à ses habitudes militaires, la Syrie traverse une atroce guerre civile dont l’Occident est le complice, sinon l’initiateur, et l’Irak où la violence s’est accrue est également rattrapé par la guerre. L’épouvantable dictateur syrien, l’épouvantail inventé par les occidentaux, mais qui maintenait pour les minorités, notamment chrétiennes, un ordre protecteur, en est à proposer ses services pour aider l’Irak à résister aux pires djihadistes que les apprentis-sorciers de Washington ont fait naître et qu’il combat déjà chez lui.

On est alors conduit à formuler deux hypothèses. Ou les démocraties occidentales sont condamnées à être gouvernées par des crétins qui seront d’autant plus encensés par les médias qu’ils le seront davantage. En 2001, commence la « croisade bushienne » pour empêcher que l’Afghanistan soit un sanctuaire pour terroristes. En 2014, les sanctuaires se sont multipliés, en Libye et autour, en Somalie, au Yémen, et maintenant au beau milieu du Moyen-Orient, dans des régions au sous-sol riche, en Syrie et en Irak, et nous avons facilité cet essaimage. Au prix de dizaines de milliers de morts civils et du sacrifice de milliers de soldats occidentaux, de centaines de milliers de personnes déplacées, nous avons juste aggravé le problème. Des jeunes issus de nos démocraties « décadentes » n’hésitent pas à aller se battre pour les valeurs célébrées par Obama au Caire, mais curieusement leur lecture du Coran n’est pas la sienne comme le prouvent les exactions et les massacres auxquels ils se livrent. 500 000 personnes, notamment des Chrétiens présents depuis l’aube du christianisme, bien avant l’Islam, fuient actuellement la province de Ninive pour échapper aux persécutions. L’acharnement de la politique américaine à l’encontre des Chrétiens du Kosovo à la Syrie rend perplexe…

La seconde hypothèse imputerait ces événements aux calculs cyniques de nos dirigeants, en raison d’impératifs politiques ou économiques, qu’il est préférable de cacher par charité au bon public si facile à émouvoir. Mais alors, notre démocratie serait un mot vide de sens. Alors, nous aurions, nous aussi, besoin d’un bon printemps salutaire !

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30 Comments

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  • pas dupe , 14 juin 2014 @ 19 h 40 min

    U.S. State Dept. Document Confirms Regime Change Agenda in Middle East
    http://mebriefing.com/?p=789

  • Goupille , 14 juin 2014 @ 21 h 36 min

    Ce type est consternant. Consternant de connerie basique. Consternant de ringardise : il est mauvais, mauvais comédien qui n’arrive pas même à feindre de croire à ses mensonges. Un peu comme la rejetonne Béart au moment de Saint-Bernard.
    Les temps ont malheureusement changé : elle y avait fusillé sa carrière, mais l’autre nullité s’étale, de semaine en semaine, de clownerie en clownerie.

    Vivement que nous soyons au pouvoir.

  • Goupille , 14 juin 2014 @ 22 h 13 min

    Obama est une marionnette entre les mains de l’éternel complexe militaro-industrialo-financier yankee. Lequel ne travaille que pour ses intérêts, au prix de la destruction de tout ce qui n’est pas lui-même.
    La guerre de 14/18 aurait pu s’arrêter en 15 par pénurie allemande en métaux si les Yankees ne leur en avaient pas fait parvenir sous forme de “vases décoratifs”, pour contourner l’embargo et les alliances.
    Celle de 39/45 aurait pu avorter si ce bon Monsieur Hitler n’avait pas été si utile pour combattre le communisme.

    Obama est une marionnette dans les mains de forces que nous ne qualifierons pas, qui s’en prennent systématiquement à tout ce qui est chrétien non protestant-sectaro-gazeux, depuis Hiroshima et Nagasaki avant-hier, au Proche-Orient, à l’Ukraine et aux PIGS aujourd’hui, en passant par la Serbie et le Kosovo hier.

    Apprenti-sorcier… Pourquoi apprenti ?

  • Goupille , 14 juin 2014 @ 22 h 18 min

    “l’administration américaine misait sur le mouvement des Frères musulmans, jugé compatible avec la politique étrangère du gouvernement américain. ”

    Non seulement ils sont toxiques, mais ils sont indécrottablement idiots.

    CQFD, once more…

  • pas dupe , 14 juin 2014 @ 22 h 45 min

    La chute de Mossoul et les crimes de l’impérialisme
    Bill Van Auken

    La chute de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, aux mains de l’Etat islamique en Irak et au Levant (Islamic State of Iraq and the Levant, ISIS), un groupe avec lequel même al Qaïda a rompu à cause de sa violence excessive et de son fanatisme sectaire, constitue un réquisitoire accablant des crimes commis par l’impérialisme américain en Irak et partout au Moyen-Orient.

    La prise de Mossoul mardi a été suivie par celle de Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein, ainsi que de certaines parties de Samarra – à une centaine de kilomètres seulement de Bagdad – et de Kirkouk au Nord. Les troupes de l’armée irakienne, créée par les Etats-Unis au prix de quelque 20 milliards de dollars, ont fondu comme neige au soleil, à commencer par leurs commandants qui ont enlevé leurs uniformes et jeté leurs armes…


    Cette ville, comme le reste de l’Irak, a été détruite par la guerre et l’occupation américaines qui ont débuté en 2003. Son infrastructure a été détruite et, quels que soient les efforts de reconstruction entrepris, ce furent des opérations basées sur la corruption qui n’ont pas fait grand chose pour apaiser les souffrances de la population. Les membres des professions libérales, les docteurs, les enseignants, les avocats, les ingénieurs, les journalistes et les scientifiques – ont soit été tués soit contraints de fuir pour avoir la vie sauve.

    Une guerre civile sectaire provoquée par la stratégie du diviser pour régner de l’occupation américaine a brisé le caractère multi ethnique de la ville, vu que les sunnites, les chiites, les Kurdes, les Assyriens et d’autres populations ont été chassés des zones où ils constituaient des minorités lors d’un exercice sanglant de « nettoyage ethnique. »

    Cette politique sectaire s’est poursuivie sous le régime irakien du premier ministre Nouri al-Maliki, le dirigeant d’un parti politique fondé sur la religion chiite et qui a été mis en place sous l’occupation américaine. Maliki a aggravé le sentiment de désespoir de la population à majorité sunnite de la province d’Anbar et a créé une base de soutien pour des éléments tels qu’ISIS en emprisonnant, forçant à s’exiler ou en tuant d’influents politiciens sunnites et en assimilant au « terrorisme » toute opposition au sein de la population sunnite à son gouvernement.

    La réaction des médias américains au fiasco en Irak a été dominée par la stupéfaction et l’incrédulité mêlées à des interrogations sur la façon dont cela avait pu se produire compte tenu des « sacrifices » faits par les Etats-Unis – 4.500 soldats tués et des dizaines de milliers d’autres blessés en plus de milliers de milliards de dollars investis…

    …Les crimes perpétrés sous Bush en Irak – qui ont causé plus d’un million de morts irakiens et la destruction d’une société entière – ont été suivis par ceux du gouvernement Obama en Libye et en Syrie. Là, l’impérialisme américain a encouragé et armé des forces agissant par procuration et fondées sur des éléments islamistes sunnites et liés à al Qaïda dans le but de mener des guerre en faveur d’un changement de régime. Il en a résulté un renforcement considérable de ces forces partout dans la région.

    On a donné comme base à ces guerres la narrative de la « guerre contre le terrorisme » qui fut utilisée par le gouvernement Bush mais est toujours employée par la Maison Blanche d’Obama pour justifier un militarisme au niveau mondial. Des guerres lancées en réaction à un attentat terroriste commis par 19 individus – dont 15 Saoudiens – auxquels il fut permis de pénétrer sur le territoire des Etats-Unis et de détourner des avions, ont mené à la création de fait d’un Etat al Qaïda à cheval sur la frontière Irako-syrienne et qui s’étend d’Alep, près de la Mer Méditerranée à la frontière iranienne.

    Le gouvernement Obama a fait du renversement du régime Assad à Damas un objectif central de la politique américaine. L’année dernière, il a subi un revers humiliant lorsque, devant l’immense opposition populaire aux Etats-Unis, les divisions internes régnant parmi les décideurs politiques et le manque de soutien de la part de la Grande-Bretagne, son principal allié impérialiste, il fut contraint de renoncer à son projet de frappes aériennes contre la Syrie. Il fut obligé en contrepartie d’accepter un plan négocié par la Russie pour obtenir le désarmement chimique de la Syrie et démarrer des pourparlers entre le régime Assad et les soi-disant « rebelles ».

    La conséquence en fut une série de revers stratégiques pour les « rebelles » appuyés par les Etats-Unis et qui sont dominés par les milices islamistes sunnites, dont ISIS. Washington veut à tout prix changer la situation sur le terrain.

    Un débat de plus en plus vif a lieu au sein des cercles dirigeants quant à l’armement des « rebelles » ; l’ancien ambassadeur américain en Syrie, Robert Ford, a demandé mercredi dans une rubrique du New York Times, qu’on fournisse aux « modérés » d’entre les milices menées par les islamistes, des mortiers, des roquettes et des missiles surface-air et qu’il soient rémunérés directement par les Etats-Unis. Ford, bien évidemment, tout comme les autres responsables américains, affirme qu’une telle aide en faveur des « modérés » dont les organisations ne sont jamais nommées – servirait aussi à isoler les éléments liés à al Qaïda. Cette remarque ne sert cependant qu’à camoufler la véritable criminalité des opérations américaines dans lesquelles ces mêmes éléments jouent un rôle décisif.

    Alors que le Washington officiel déplore publiquement la chute de Mossoul, l’effet de cette évolution sur la guerre par alliés interposés menée en Syrie par les Etats-Unis pourrait bien ne pas être tout à fait malvenue au sein d’une partie de l’appareil militaire et des services de renseignement.

    Le fait que les stocks d’armes et de munitions de l’armée irakienne soient tombés entre les mains d’ISIS a donné aux forces qui cherchent à renverser le gouvernement syrien une des augmentations de leur puissance de feu les plus spectaculaires depuis que la guerre civile appuyée par les Etats-Unis a commencé. Selon une source, des centaines de véhicules blindés ont été saisis – suffisamment pour équiper une division blindée entière. ISIS s’est emparé de l’aéroport de Mossoul, obtenant l’accès à des hélicoptères militaires et à d’autres avions. D’énormes quantités d’armes et de munitions ont été saisies et pratiquement tout est renvoyé au-delà de la frontière en Syrie. Des milliers de prisonniers islamistes ont été libérés des prisons irakiennes pour s’y rendre et y combattre.

    L’exigence de fournir des armes américaines aux « rebelles » a été pour une large part satisfaite par les événements de Mossoul. Le résultat en sera une nouvelle escalade du bain de sang en Syrie.

    Chaque fois que Washington tente de recourir au militarisme pour promouvoir les intérêts de l’impérialisme US et de stopper le déclin du capitalisme américain, ce sont les masses de la population qui souffrent, depuis les millions de gens tués ou déplacés durant la décennie de guerre et d’occupation américaines en Irak, jusqu’au carnage organisé contre la population syrienne et à la transformation maintenant de près d’un demi million d’habitants appauvris de Mossoul en réfugiés sans abris.

    Personne n’a été tenu responsable de ces agissements qui constituent incontestablement des crimes de guerre. Les responsables ne comprennent pas seulement George W. Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld et d’autres membres du gouvernement précédent. Les deux principaux partis politiques, les médias, les grands groupes et chaque institution américaine sont responsables des mensonges qui ont dominé ces quinze dernières années la politique américaine – tant étrangère que domestique. Toute la politique criminelle appliquée sous Bush – guerre d’agression et torture – a été poursuivie par le gouvernement Obama. Avec son « pivot » vers l’Asie et le coup d’Etat en Ukraine, il est en train de planifier une confrontation militaire avec la Russie et la Chine et de préparer le terrain pour une Troisième guerre mondiale nucléaire.”

  • pas dupe , 14 juin 2014 @ 22 h 45 min
  • victor , 15 juin 2014 @ 10 h 45 min

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