En France, les catholiques se retrouvent souvent prisonniers de l’ornière « séparation de l’Église et de l’État », et peinent à se défendre du caractère apolitique de leurs combats.
En effet, afin d’exprimer leurs convictions, sans que celles-ci ne soient qualifiées de « prosélytes », donc inaudibles, beaucoup d’entre eux investissent le terrain politique, dans l’espoir d’y porter les couleurs de la doctrine sociale de l’Église, de manière au moins subliminale, à force d’arguments extraits de cette doctrine, mais surtout bien lavés, blanchis, de manière à les rendre solubles selon les diktats de la neutralité laïque.
Ces catholiques ont souvent en horreur, tout ce qui peut ressembler à une bannière, encore plus à une croisade, et tremblent de tomber dans cet écueil de communication, qui consiste à laisser transparaître la lumière de leur Foi, derrière le boisseau de leurs revendications.
Pourtant, ils connaissent bien les codes sociaux qui, hélas, gangrènent les milieux catholiques : au début des mobilisations, les mots d’ordre étaient lancés : pas de signe ostentatoire, dans le sens pas de signe distinctif extérieur d’appartenance à un certain milieu social, pas de bannière, pas de « carré Hermès » etc. À la place, on s’est organisé pour nous fournir des « cache-signes distinctifs » : tee-shirt colorés, sweat avec logos, drapeaux etc. On s’est même enorgueillis des signes symboliques comme le bonnet phrygien par exemple, qui pourtant, nous rappelaient non sans amertume, les temps terribles où vivre notre Foi, conduisait à subir guillotine, et les pires barbaries.
Tout cela pour qu’aucun de ceux dont le métier est de commenter nos revendications, ne puissent faire d’amalgame avec notre appartenance à l’Église. On dit que c’est plus pratique, qu’on « passe » mieux, qu’on est « plus entendu ». Mais à quoi cela sert-il ? À quoi cela sert-il d’obtenir telle ou telle publication, telle tribune, dans des journaux qui sont à leur propre aveu, assujetti à ceux qui nous gouvernent ? À quoi cela sert-il de chercher à prendre le micro, quand on n’adresse même pas la parole à quiconque dans l’assemblée ? À quoi cela sert-il de dire : « on ne nous écoute pas », alors que notre silence est pesant pour tant de personnes croisées au quotidien ?
Alors soit, certains se sentent la vocation de s’adresser aux journalistes et à leurs lecteurs, dans le but de « faire passer » nos revendications, de manière à ce que nos convictions ne souffrent pas de l’omerta légalisée depuis 1905. De telles initiatives sont heureuses, et nécessaires, mais elles ne doivent être que les coutures externes du tissu de la mobilisation :
À l’intérieur, en profondeur, en largeur, en hauteur, le monde entier, les rayons de la lumière doivent s’émanciper de tous ces tissus qui les recouvrent.
Plus clairement, si les sweats-logos ont désormais remplacé les polos de rugby et si les tee-shirts s’exhibent sans complexe à la place du “liberty”, ce qui est à l’intérieur n’est pas changé. Et pire, il me semble qu’ils deviennent à leur tour, les fameux signes ostentatoires que les organisateurs de la Manif pour tous souhaitaient absolument faire disparaître au début… Pourquoi ? Parce que ce sont les mêmes porteurs. Que sous les sweats et les tee-shirts, il y a encore les mêmes personnes, attachées comme à leur viatique à leurs apparences et à leurs habitudes de classe et de milieu.
“Continuons à porter les sweats et autres moyens de communication externe, mais soyons d’abord des Veilleurs de l’intérieur, afin que la lumière ne reste pas sous le boisseau.”
Oui, les sweats et les tee-shirts, les boucles d’oreilles pour tous, sont en fait, de nouveaux hochets bon chic bon genre, une mode qui va cartonner cet été sur les plages, où les attroupements seront les mêmes, où les habitudes mondaines seront les mêmes, et où le repli se verra même enfin justifié : « vu tout ce qui se passe », « vue l’actualité », on sera encore plus content et rassuré d’être « entre soi ». À peine sera-t-il peut-être possible d’élargir son réseau, en se promenant sur le plage affublé d’un Sweat rose.
Alors, la « journée du Sweat », c’est une bonne initiative, mais pardonnez-moi de vous dire qu’elle est inutile. J’ai envie de vous dire : « Cathos, on vous reconnaît ! ». Mais d’ailleurs, on vous reconnaît, mais où êtes-vous d’ordinaire ? C’est étrange, le France entière vous a vu défiler, mais où êtes-vous tous les jours ? Parce que c’est tous les jours qu’on vous reconnaît. Pas besoin de sweats ou de tee-shirt. Mais maintenant que vous les portez tous, c’est encore pire, c’est comme si le repli était encore plus visible, donc ce qui a été installé par une indifférence inexcusable, des attitudes mondaines, toutes ces habitudes à surtout ne pas se mélanger, se trouve pérennisé et achève de sceller le clivage entre les Parvis de sorties de Messe et le monde.
La résistance juste et nécessaire n’est pas le repli frileux ou mondain, qui se croit ainsi justifié par les errances du monde et ses lois injustes, alors que cela n’est qu’un énième et hypocrite moyen de se terrer dans nos habitudes.
La résistance, c’est vivre au quotidien en dissidence, mais sans sacrifier le témoignage, au bénéfice de Celui qui nous conduit, et qui nous éclaire.
Les Veilleurs, qui se revendiquent apolitiques, et qui se gardent de tout prosélytisme, attirent malgré eux les cris de haine de ceux qui ne connaissent pas la Foi, de ceux qui n’ont jamais entendu parler du Christ dans leur quotidien. Tous ces cris, ces blasphèmes, sont tout autant de questions auxquelles nous nous gardons de répondre !
Ces groupes, d’ailleurs, ne se nomment-ils pas les « Réveilleurs » ? Alors, donnons-leur raison ! Réveillons notre Foi, n’ayons pas peur d’apporter l’Espérance que nous chantons justement ! « Réveillons-nous », tous les jours, et pas seulement un soir par semaine. Réveillons-nous pour tous, et partout.
Plus qu’aucun artifice ou colifichet ostentatoire, si nous rendons la Charité proverbiale, comme une caractéristique de la Chrétienté, et qu’on ne nous connaisse plus que par ce trait, ne serait-ce que celui-là, et non par nos modes internes, nous combattrons réellement, nous vaincrons réellement, à l’instar des jeunes de Varsovie, avec leurs Croix fleuries, qui tous les soirs, se retrouvaient dans les geôles du Parti.
Les lois sont passées, promulguées, distribuées, comme une manne qui laissera les bénéficiaires sur leur faim. Alors ceux qui sont à l’origine de ces transformations de civilisation, chercheront encore et encore à tuer tout ce qui ressemble à une âme. Car voilà le véritable enjeu qui devrait faire trembler tout chrétien, ne serait-ce que par respect fraternel envers ceux qui, dans le monde, perdent la vie à cause de leur Foi. Les opérations camouflages deviennent injustifiables, et inexcusables, vis-à-vis de ces martyrs.
Alors continuons à porter les sweats et autres moyens de communication externe, mais soyons d’abord des Veilleurs de l’intérieur, afin que la lumière ne reste pas sous le boisseau.
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