Le référendum pour réunir pays légal et pays réel

Tribune libre de Christian Vanneste*

On doit à Charles Maurras l’opposition régulièrement rappelée entre le pays réel et le pays légal. Pour le coup, ce penseur politique avait vu juste. Sa critique de la IIIème République, appuyée sur une bureaucratie centralisée et une caste politique relativement stable, dénonçait le fossé qui séparait le pays légal, celui du gouvernement, dominé par des partis et des familles de pensée, du pays réel, celui du peuple enraciné dans les provinces et la diversité économique et culturelle de celles-ci. Le pays légal dirige en fonction de ses préoccupations. Le pays réel vit et travaille. Ses priorités ne sont pas celles des dirigeants politiques. Encore, la plus longue de nos Républiques, pour quelques années encore, avait-elle choisi le scrutin de circonscription pour les élections législatives qui oblige, en principe, les députés à s’attacher au territoire qu’ils représentent. Ce mode de scrutin, contrairement à ce que disent certains, est une concession du pays légal au pays réel. Le scrutin proportionnel est la projection du rapport de force entre des opinions, à un moment donné. Il permet à des candidats, choisis par le parti, et placés en bonne position sur la liste en fonction de leur allégeance, d’imposer les idées d’un parti pendant le temps de leur mandat, même si les opinions des électeurs ont radicalement changé. Comme ce type d’élections favorise la multiplication des partis, il présente une dérive plus grave qui consiste pour ceux qui sont toujours élus à nouer des alliances baroques et évolutives qui n’ont plus de rapport avec le souhait des électeurs. Ce système conduit à la fois au nazisme et à « l’histoire belge » de la politique chez notre voisin du nord.  Une fois écartée cette fausse solution, il reste à prendre conscience de l’imperfection du fonctionnement actuel de nos institutions.

La guerre avait amené une nouvelle génération, souvent sélectionnée par le courage de l’engagement. Le général De Gaulle, notamment à travers les référendums, avait voulu dépasser la politique des partis. Une fois l’homme providentiel disparu, le régime des partis a totalement repris le pouvoir. Il avait toutefois connu une évolution qui paraissait positive : comme les grandes démocraties anglo-saxonnes en avaient ouvert la voie, l’alternance de deux grandes formations politiques. Une élection territoriale, et l’existence de primaires au sein des partis permettaient un équilibre entre l’enracinement, et l’évolution des idées. C’est ainsi que les néo-conservateurs s’étaient imposés aux USA. Cela n’a pas eu lieu en France où le maintien de différents modes de scrutin et la domination d’une pensée unique ont transformé l’UMP , gaulliste, démocrate-chrétienne et libéral-conservatrice, en un parti eurolâtre, laïcard et qui a lourdement contribué à l’augmentation de la dépense publique. Cette formation a la puissance de l’appareil. La création de l’UDI ne lui porte pas ombrage, puisque sur le plan des idées, toutes deux ressemblent à ce qu’était le parti radical, assoiffé de pouvoir, dominé par des courants de pensée qui ne sont justement pas ceux des trois familles qui sont à l’origine de l’UMP. L’hostilité pavlovienne au Front national, quelques soient les changements qui s’y produisent, est révélatrice d’un rivalité de boutique parcourue par des consignes venues d’ailleurs.

“La Suisse, la moitié des Etats-Unis y ont recours. L’Allemagne et l’Italie le pratiquent d’une manière plus limitée. Cameron l’envisage.”

La fracture entre le pays réel et le pays légal s’accroît sans cesse. L’oligarchie politique, administrative, médiatique a choisi l’Europe technocratique, approfondie et élargie, ouverte aux quatre vents des importations, de l’immigration, des trafics en tous genres et de la perte d’identité. Elle a choisi le chômage, en maintenant une dépense publique et des prélévements obligatoires disqualifiants pour notre économie. Elle est favorable à des réformes sociétales concoctées dans le chaudron parisien qui détruisent notre tissu social et dont l’immense majorité des Francais se moquent éperdument, quand ils n’y sont pas hostiles. Le cri de guerre de la caste qui nous gouverne est : non au populisme ! C’est un double aveu. D’abord, il est curieux que les responsables d’une démocratie stigmatisent le peuple à travers cette expression, le peuple, c’est-à-dire  les « beauf », les « petits blancs ». N’est-ce pas là l’expression d’une réaction « nobiliaire », une de celles qui précèdent les révolutions ? Ensuite, « populiste » est l’un de ces mots orwellien dont le but est d’exclure du débat un discours, non en le combattant avec des arguments, mais en la marquant d’infâmie pour le rendre infréquentable. Fasciste, raciste, xénophobe, homophobe sont de la même famille, rappelant les heures sombres de l’Histoire et interdisant de proche en proche à travers l’amalgame toute contestation de la pensée unique. L’un des signes les plus évidents de ce refus de démocratie réelle face par l’oligarchie légale réside dans sa réticence à l’encontre du référendum. On en écarte la possibilité au nom d’arguties juridiques fallacieuses et par peur politique véritable sur la question du mariage. On contourne au Parlement les choix du peuple souverain sur l’Europe. On s’échine à limiter la possibilité du référendum d’initiative partagée inscrit dans la réforme constitutionnelle de 2008. Le référendum d’initiative populaire est, poutant, le seul moyen d’éviter l’explosion de la marmite. La Suisse, la moitié des Etats-Unis y ont recours. L’Allemagne et l’Italie le pratiquent d’une manière plus limitée. Cameron l’envisage. Il est symptômatique, en France, que ceux qui se présentent parfois comme les continuateurs du gaullisme aient renoncé, en réalité, à la démocratie directe qui était une des pensées les plus importantes du Général.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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14 Comments

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  • A. , 13 mai 2013 @ 10 h 39 min

    dixit: “L’hostilité pavlovienne au Front national,”
    dont Mr Vanneste est d’ailleurs un exemple plus ou moins contradictoire,

    dixit: “quelques soient les changements qui s’y produisent,
    quels que soient, merci. J’en conclus que la personne qui a écrit ce texte doit avoir moins de 30 ans.

    est révélatrice d’un rivalité de boutique
    une rivalité, merci.

    Par ailleurs n’ayons pas peur du populisme,
    le populisme est un thermomètre qui mesure la peur des despotes.

  • FIFRE Jean-Jacques , 13 mai 2013 @ 11 h 41 min

    On le voit bien, à la lumière des intentions politiques de Messieurs Ayrault et Hollande (à moins qu’il ne s’agisse d’un ordre inverse), depuis 40 ans, les majorités politiques se succèdent et alternent dans une parfaite complicité, sans que les offres politiques varient de manière significative.
    Certes, à l’instant de solliciter le vote des Françaises et des Français, les professions et les promesses se veulent originales et les combats électifs ardents et exaltés. Cependant, dès les échéances passées, l’indifférence et l’indifférenciation s’installent de nouveau pour mener le pays sur le même chemin où les élites se préservent et protège leur pré carré, à l’exclusion absolue de l’intérêt du plus grand nombre.
    Hier encore, notre improbable Président condamnait les choix de son prédécesseur au sujet, par exemple, de sa réforme des retraites. Aujourd’hui, confronté aux réalités économiques de notre temps, il se trouve contraint, nous dit-on, de procéder à des options identiques. Il en est de même dans tous les domaines qui préoccupent les Français, qu’il s’agisse de la souveraineté et de l’identité ou de la protection sociale et de l’organisation économique.
    Le système est parfaitement verrouillé et l’entente parfaitement orchestrée. Il suffit qu’une mélodie politique différente tente de se faire entendre pour que celle-ci soit l’objet d’une attaque concertée en règle de la part de nos partis autoproclamés institutionnels et Républicains. Le mot d’ordre devient « halte au populisme ».
    Mais au fond, qu’est-ce-que le « populisme ». ?
    C’est, tout simplement, une tendance politique visant à défendre les intérêts du peuple. La chose parait claire et évidente, sauf que pour nos valeureux et inoxydables représentants, il convient d’ajouter à cette définition l’idée de démagogie. L’introduction de cette notion est bien commode car elle dispense de combattre les nouveaux venus sur le plan des opinions et des projets. Mieux, elle les discrédite avant même de les avoir affrontés.
    Mais à bien y regarder qui sont les vrais démagogues ? Ceux sont eux même qui mentent et ne font l’économie d’aucune bassesse pour séduire les électeurs et mieux les berner des le pouvoir confisqué.
    Les uns et les autres, qui semblent se haïr et vouloir se détruire dans l’arène, sont, en fait, toujours de très bons amis qui se tutoient et se congratulent hors médias. Ils sont toujours d’accord au bout du compte pour se partager le pouvoir par le jeu non aléatoire d’une alternance parfaitement conclue, équitable et systématique.
    Une seule solution s’impose face à cette impasse : faire des choix audacieux et contraires à ceux qui ont prévalue depuis 40 ans et qui ont permis aux démagos qui nous gouvernent depuis trop longtemps et trop mal de se constituer une rente de situation sur notre dos.

  • christiane , 13 mai 2013 @ 11 h 56 min

    Il est regrettable que Monsieur Vanneste n’ait pas tenu ce discours plus tôt. Ce qu’il dit est
    tout-à-fait vrai et il ne faut pas oublier qu’il a été exclus de l’ UMP pour ses discours jugés ” homophobes” par les ténors de son parti. Alors, quand on les voit s’agiter en toutes directions, proclamant leur opposition à la loi de la sorcière Taubira, il est clair qu’ils s’accrochent au pouvoir qu’ils sentent leur échapper, uniquement pour des raisons de caste.

  • Eric Martin , 13 mai 2013 @ 12 h 25 min

    Il tient ce discours depuis des années… C’est même pour ça que l’UMP ne lui a pas redonné l’investiture.

  • monhugo , 13 mai 2013 @ 13 h 24 min

    C’est surtout une histoire de triangle rose qui lui a porté tort ! On ne touche pas aux martyrs de l’homosexualisme, même si fantasmés, et même si la justice vous donne raison.

  • Eric Martin , 13 mai 2013 @ 13 h 35 min

    Il avait commencé à creuser sa tombe (politique) avec le reste mais, en effet, cette histoire a été, pour le système, celle de trop.

  • hector galb. , 13 mai 2013 @ 14 h 41 min

    Poser les bases, mettre au clair, est ce dont nous avons besoin.Vous vous améliorez d’article en article, M Vanneste.

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