La France est en pleine régression. On pensait que les résultats économiques piteux et l’impuissance réformatrice la condamnaient au déclin, que l’effondrement du niveau de ses dirigeants, leur inculture, leur lâcheté précipitaient le pays dans une décadence où la disparition des valeurs morales, familiales, nationales, et même esthétiques est présentée comme un progrès. S’y ajoute aujourd’hui un diagnostic qui vise la psychologie d’une nation en pleine régression. Bien sûr, comme le poisson pourrit toujours par la tête, ce processus touche essentiellement le microcosme politico-médiatique, et ses excroissances dans certains milieux syndicaux, universitaires ou lycéens. Quelques milliers de manifestants et quelques centaines de casseurs se mobilisent contre une réforme du code du travail. La majorité des Français excédée par un gouvernement désespérant de maladresse, est hostile à la loi El-Khomri. Mais le mécontentement des Français et l’agitation de l’extrême-gauche doivent être distingués.
Beaucoup de nos compatriotes « de droite » éprouvent du plaisir à voir les deux moignons de la gauche, celui d’hier, communiste, et celui d’aujourd’hui, socialiste, se battre en duel. La chute spectaculaire dans les sondages des deux têtes de l’exécutif annonce une fin de règne avant une longue éclipse. Le seul problème est de savoir ce qui va les remplacer : la troisième voie faussement rassurante pour le bon peuple et vraiment salvatrice pour le personnel politique de Juppé à Macron, en passant par l’ineffable Raffarin ? Ou la rupture, celle que Sarkozy avait manquée en 2007 ? Elle a trois visages : celui bien flou du candidat « républicain » qui émergerait des primaires avec un vrai programme de redressement national, conservateur et libéral ; celui de la présidente du Front National, l’adversaire idéal du second tour, faute d’avoir acquis, en cohérence et en crédibilité, le moyen de percer le plafond de verre ; enfin, le visage de la régression gauchiste sur lequel les médias braquent les projecteurs.
Cette agitation spectaculaire, mais marginale est une maladie où certains veulent voir un remède. Elle procède du retour des fantasmes qui ont troublé notre Histoire. Les deux aspects de la lutte contre la loi, les manifs violentes et les assemblées jusqu’au bout de la nuit, dénuées de tout réalisme, se parent des couleurs d’un passé que l’on idéalise. La révolte contre l’ordre établi, célébrée par le mythe de la « Révolution », a engendré une longue série de coups d’Etat, de révolutions et de guerres perdues ou mal gagnées. Si les agités du moment s’en réclament, c’est évidemment disproportionné, mais néanmoins significatif. L’enseignement qui a voulu effacer les stéréotypes culturels chez les enfants s’est empressé d’inscrire sur la feuille blanche ses dogmes idéologiques. Des « journalistes » évoquent, les yeux brillants, Mai 68, ce prurit révolutionnaire qui a cassé notre redressement national. Difficile de relever un pays qui fait de ses défaillances ses meilleurs souvenirs ! La régression dans un passé illusoire s’accompagne d’un repli sur soi tout aussi pathologique. Les manifestants pensent que la France est une île, et qu’elle peut indéfiniment sauvegarder son niveau de vie, ses dépenses publiques, son assistance sociale, ses déficits et son endettement dans un monde avec lequel elle est obligée d’avoir des échanges compétitifs. Ceux qui manifestent contre la loi « travail », comme ce « prof » interrogé par I-Télé, dont l’emploi à vie est assuré, se soucient peu du chômage des autres. La réalité est que la France doit muscler son économie pour produire des richesses si elle veut en distribuer. Euro ou pas, Europe ou pas, elle doit se réformer, pour elle et non pour obéir à des pressions internationales, européennes en particulier, qui révulsent les populations. D’où le succès de l’indignation, de Siryza à Podemos et à Nuit debout. Ces mouvements infantiles cultivent les utopies. Soit ils se rallieront au système, comme en Grèce, soit ils conduiront à penser que tout changement est voué à l’échec. Nuit debout finira par aller se coucher.
En attendant, notre pays offre à nouveau un triste spectacle. A force de faire respecter l’Etat d’urgence, de circonvenir les attentats et d’encadrer les manifestations, les forces de l’ordre sont à bout de souffle. Or par une inversion, devenue habituelle, une brutalité policière isolée est davantage stigmatisée que les violences commises à l’encontre des policiers ou des gendarmes. La terreur qu’inspire aux gouvernants le risque de la mort d’un manifestant anéantit le principe de Max Weber selon lequel l’Etat détient le monopole de la violence légitime. Il est scandaleux de voir des policiers bombardés de projectiles divers reculer, sans employer les moyens dont ils disposent et laisser les casseurs s’en prendre aux magasins et aux installations publiques. Ces images ne peuvent guère attirer les touristes. Les insultes envers les patrons ne peuvent que faire fuir les investissements. C’est débile ! A moins, bien sûr, que les débordements n’aient rien de spontané, ce qui serait encore plus grave.
Hollande prétendait réenchanter le rêve français. Les indignés d’aujourd’hui dorment debout. Les mensonges de 2012 ne doivent pas justifier les rêveurs de 2016. Au pays de Descartes, le bon sens, la lucidité, la méthode et la volonté doivent restaurer l’age adulte et responsable. Celui ou celle qui aura cette ambition sera légitime pour conduire la Nation.
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