Jamais sans doute une campagne présidentielle dans notre pays n’aura été autant soumise à la manipulation des médias majoritairement enclins à soutenir le faux-nez du système présenté comme le bousculant alors qu’il en est le représentant caricatural. Parmi les astuces utilisées, il y a ce poncif du « ni droite, ni gauche » qui séduit tous ceux que la polémique politique fatigue et qui fait rêver à un pays pacifié et uni. C’est évidemment une illusion qui demande beaucoup de naïveté chez celui qu’elle séduit et plus encore de cynisme chez celui qui s’en sert pour tromper les électeurs. Certes, la référence illustre au Général de Gaulle sert de caution à cette idée fausse. « Ce n’est la droite, ce n’est pas la gauche, la France » disait-il lors de la campagne de 1965. Mais cette phrase doit être replacée dans son contexte. D’abord, l’homme qui parle est exceptionnel. Il a vraiment incarné le pays entre 1940 et 1945, rejoint d’abord par des patriotes souvent d’extrême-droite, puis par des communistes jusqu’à ce qu’à la Libération la Résistance rassemble la quasi-totalité des sensibilités politiques qui n’avaient pas frayé avec la collaboration. Cette dimension historique donnait à de Gaulle la stature d’un monarque républicain soucieux de « l’intérêt supérieur de la patrie », au-delà de toute obédience idéologique ou d’allégeance partisane. Cela dit, son principal adversaire, François Mitterrand, lui, était bien le candidat des gauches. Quant à Jean Lecanuet qui l’avait mis en difficulté au premier tour et voulait, lui aussi, dépasser les clivages, il était l’initiateur de ces candidats du vide, chez qui la formule creuse est dominante. Ils prétendent s’opposer à un système et annoncent seulement le renoncement du pays. Lecanuet, c’était la fin du gaullisme et la dissolution de la France dans le mirage européen. On voit aujourd’hui où ces slogans aussi vagues que sympathiques ont mené. De Gaulle était, quoi qu’il en dise, à droite dans la mesure où ses adversaires étaient de gauche, et aussi d’extrême-droite, notamment en raison de sa politique algérienne. Il condamnait le régime des partis, et donc l’opposition stérile entre les partis de gauche et de droite, lorsque ceux-ci privilégient leurs intérêts partisans au détriment de l’intérêt général, mais se situait bel et bien à droite de la pensée politique, celle qui préfère le national à l’international, l’unité du pays à la lutte des classes et à la confrontation des intérêts catégoriels, le bien commun à la satisfaction des désirs individuels, la préservation de l’héritage culturel et de l’identité nationale au « métissage » destructeur, la famille et la vie, qui assurent la pérennité du pays, à l’individualisme suicidaire.
La tentative du candidat Macron de dépasser le clivage droite-gauche relève évidemment de l’arnaque. La gauche a été tellement nulle et funeste sur le plan économique qu’elle n’a plus de marge de manoeuvre sociale. Ses candidats idéologiques, Hamon ou Mélenchon, pratiquent à un tel point le déni du réel, le manque de bon sens, en paraissant ignorer les problèmes de la dépense publique, de l’endettement, et de la compétitivité qu’ils sont hors-jeu. Le Président Hollande a donc sorti de son chapeau un candidat qui allie une vision plus réaliste de l’économie aux priorités sociétales de gauche. Macron est le candidat du système. C’est celui du microcosme, des bobos et des communicants de gauche, dont le portefeuille est libéral et le cerveau libertaire. Il suffit de lire ses propositions dans les domaines où les valeurs de droite sont les plus affirmées pour s’en convaincre. Son insistance sur la préservation de la loi Taubira, sur l’adoption et la PMA au profit des homosexuels, sur la confirmation de la circulaire Taubira qui protège la GPA à l’étranger est éclairante. Rien d’étonnant à ce que Bergé le soutienne, celui qui n’aurait pas pleuré si une bombe avait éclaté au passage de la « Manif pour Tous ». Curieuse manière de dépasser les clivages que de mépriser à ce point les centaines de milliers de Français qui s’étaient mobilisés contre le mariage unisexe. Même chose pour l’immigration. Il s’agit pour lui de la conforter plutôt que de la réduire. D’abord, il la minimise, ensuite il envisage les moyens de la faciliter. Elle est bien sûr à ses yeux un bienfait plutôt qu’un danger. Même chose encore pour la sécurité, avec le retour illusoire de la police de proximité, dans un contexte où elle est devenue impossible dans de nombreux quartiers. Globalement, ce « Gribouille » ne perçoit pas le malaise général qui monte dans le peuple français et prétend le traiter avec plus d’Europe et de mondialisation quand c’est la perte de souveraineté et de protection qui angoisse la majorité des Français, ceux de la France périphérique, dont parle Christophe Guilluy.
Depuis trop longtemps, la France qui pense, qui enseigne, qui écrit, « qui grouille, grenouille et scribouille », a préféré avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron. C’est pourquoi la droite partisane a toujours eu du mal à se dire de droite. Elle a préféré affirmer n’être ni libérale, ni conservatrice. La vraie droite, la droite de pensée, est orpheline dans notre pays. Elle doit aujourd’hui choisir entre un Front National souverainiste mais démagogue et irréaliste sur le plan économique et François Fillon en qui elle place son espérance, mais qui, à peine lui a-t-elle manifesté son adhésion se voit obligé de se recentrer. C’est pourtant lui qu’elle doit soutenir car il est le seul à garantir le redressement du pays par sa solidité personnelle, son expérience et son programme. C’est lui qui incarne le renouveau d’un pays qui n’a d’avenir que s’il retrouve la puissance.