Théorie du genre, un archaïsme qui se veut moderne

Tribune libre de René-Pierre Samary

On croyait le behaviourisme mort et enterré, le voici qui ressurgit sous les oripeaux de la « théorie du genre », ce qui provoque deux grandes questions : celle du comment, et celle du pourquoi.

La théorie du genre, ou du gender, cela fait plus chic, suppose que les deux genres, la femme et l’homme, ne sont pas des réalités naturelles (ayant leurs racines dans la nature) mais, en quelque sorte, une invention destinée à enfermer la femme dans un rôle figé, dont on comprend qu’il est réputé inférieur par les partisans de la phallocratie, cette bête immonde au ventre toujours fécond. En niant la réalité d’une différenciation inscrite dans nos gènes entre la femme et l’homme, les adeptes de la théorie du genre proposent que les rôles plus ou moins déterminés par la nature ne soient en fait, pour eux, que des options, choisies librement, options dans tout un éventail de choix où seule intervient une volonté. C’est nier délibérément l’existence d’un « mur » d’origine génétique qui s’interpose – arbitrairement, disent-ils – entre nos fondamentaux inscrits dans le génome comme dans celui de tout organisme vivant, et les infinies variations que revendiquent l’homme (à juste titre, d’ailleurs), un être « naturellement de culture », et qui voit d’un mauvais œil ses dispositions innées s’opposer à ses désirs.

Inné et acquis. Nous voici, avec les « gender », revenus aux bons vieux temps du behaviourisme, dont ils sont les héritiers, le plus souvent sans le savoir.

Pour l’école behaviouriste, avec Burrhus Frederic Skinner en tête de file, il n’existait pas de structure comportementale donnée avant tout apprentissage. Tout comportement était le résultat d’un conditionnement. Cette idéologie malfaisante – on verra pourquoi – a imprégné des générations entières, qu’il s’agisse du monde scientifique ou du grand public, via les médias. La démonstration de son caractère a-scientifique n’a rien enlevé de son pouvoir de séduction ; et nous verrons plus loin les raisons pour lesquelles une théorie manifestement fausse peut entraîner une adhésion moutonnière.

Ce serait caricaturer l’école behaviouriste que d’affirmer que les processus d’apprentissage, employés sur des colonies de rats ou de pigeons, et généralisés à l’homme, n’existent pas. Bien sûr, qu’ils existent ! Le chien de Pavlov se met réellement à saliver au bruit de la sonnette. Là où les behaviouristes ont fait fausse route (et ce n’était pas toujours de façon innocente), c’était de postuler que tout comportement n’était que le résultat d’enchaînements stimuli/réflexes. L’animal – et l’homme – n’était, selon cette idéologie, qu’une tabula rasa, une feuille de papier vierge, sur laquelle pouvait s’imprimer tout ce qu’on voudrait, puisqu’il n’y avait pas de structure innée préexistant à l’apprentissage – pris au sens le plus large. Structures innées dont l’éthologie comparée a démontré l’existence, et qui sont précisément les conditions mêmes pour qu’il puisse y avoir apprentissage.

Tout est acquis, rien n’est inné. Cette pétition de principe, qui à l’époque faisait pièce à la proposition inverse, tout aussi radicalement fausse (tout est inné), parcourt la réflexion psychologique et philosophique depuis un siècle. Il a heureusement été fait justice de l’une comme de l’autre, au profit d’une position largement argumentée : les parts d’inné et d’acquis cohabitent et interfèrent les unes sur les autres dans tout organisme, jusqu’à l’homme. Chercher à démontrer, comme le behaviourisme l’a laborieusement tenté, et vainement, que le vivant n’est rien d’autre qu’un ensemble de mécanismes, que l’homme n’est « rien d’autre » qu’un primate évolué, que la vie n’est « rien d’autre » qu’un processus physico-chimique, que nous ne sommes « rien d’autre » que des organismes vides (empty organisms) qui ne demandent qu’à être remplis, tout cela a fait justement accuser le behaviourisme d’être un réductionnisme et, s’appliquant à l’homme, d’être potentiellement déshumanisant.

Que l’école behaviouriste ait tant séduit, alors qu’elle pose en filigrane la négation de la part d’autonomie, et jusqu’à la liberté, cela peut s’explique par le goût (inné ?) de l’homme pour les idéologies simplificatrices, par la propension de certains savants à ne considérer sérieusement que ce qui peut être chiffré, quantifié, et, a contrario, par une répulsion « moderne » devant toute évocation d’un caractère héréditaire (vade retro, satanas !). Le fait n’est pas indifférent, que le débat entre l’inné et l’acquis soit devenu particulièrement virulent en France, pays de l’égalitarisme et de la méfiance devant tout ce qui s’apparente à un héritage, fût-il culturel. La séduction qu’a exercé la philosophie existentialiste (on ne naît pas femme, on le devient) est l’un des jalons qui illustrent cette passion négative pour l’inné, quand bien même cette part d’inné est minime – autant que fondamentale –, ainsi que nous l’apprend, depuis longtemps, la recherche génétique. La génétique, chez nous, ça sent le soufre !

“Les partisans du « tout acquis » ont été, depuis belle lurette, renvoyés à leurs dangereuses illusions, du moins dans le monde scientifique.”

Il serait long de défendre l’idée que, dans le débat qui oppose le « tout culturel » et la position intermédiaire (l’homme être de culture, mais sur un socle transmis de façon héréditaire, construit au fil de l’Évolution), il n’est pas seulement question de vérité ou d’erreur. Il s’agit également d’une question éthique. L’homme considéré comme uniquement le résultat de son environnement (naturel et/ou social), et donc malléable à merci, heurte profondément les convictions de tout humaniste, convictions liées à la beauté de la diversité en même temps qu’à la fascination qu’offre la profonde unité du monde du vivant. Postuler que l’animal, ou l’homme, est un « organisme vide », c’est admettre que l’ « ingénieur du social » peut le faire agir comme bon lui semble

Critiquer aujourd’hui le behaviourisme et ses satellites donne un peu l’impression de devoir batailler contre le géocentrisme, tant la messe est dite, depuis un bon moment. Les partisans du « tout acquis » ont été, depuis belle lurette, renvoyés à leurs dangereuses illusions, du moins dans le monde scientifique.

Pourtant, cette doctrine continue d’empoisonner les esprits, et parfois les meilleurs. Ce constat amène à la question du « pourquoi ». Pourquoi une doctrine manifestement fausse, pernicieuse, et dont l’aspect inhumain s’exprime à travers le développement rendu possible des techniques de manipulation, pourquoi une telle idéologie continue d’avoir des adeptes (conscients ou pas) ?

La réponse est la même que lorsqu’on s’intéresse aux processus de l’Évolution. Si une chose existe, c’est qu’elle sert à quelque chose.

Ce « quelque chose », Konrad Lorenz, le grand éthologue, la résume de façon lapidaire : c’est la volonté de puissance. « Pour des êtres dont l’unique désir est de pouvoir manipuler les masses, c’est une satisfaction inespérée que de s’entendre dire que l’homme est uniquement le produit des influences et de l’apprentissage que lui fait subir dès sa plus tendre enfance son environnement matériel et humain. » Quoi d’étonnant si les hommes politiques et plus généralement les communicateurs de toute espèce aient pour le « tout acquis » les yeux de Chimène, et cela (parfois) avec les meilleures intentions du monde, celles dont l’enfer est pavé.

La théorie du « gender » professe, et avec quelle énergie communicative, que l’on ne naît pas homme ou femme, mais qu’on le devient. On reconnaît là une réplique, au sens sismographique, des vieilles lunes de l’existentialisme et d’un féminisme batailleur que l’on espérait dépassé, pour le bien des femmes comme des hommes.

Aussi fausse que soient ses prémisses, la théorie du « gender » ne peut être que séduisante aux esprits à la fois faibles et dominateurs, ce que sont nos « Femen », pauvres dindes manipulées exhibant leur poitrine à défaut de raisonnements solides. On aurait donc d’instinct l’envie de traiter cette lubie par le mépris, comme un crétinisme à la mode parmi tant d’autres, récupérés par une médiacratie à l’affût de tout « débat de société » un peu vigoureux, médiacratie généralement aussi ignorante et formatée (justement !) que les participant(e)s qu’ils invitent.

Pour autant – et là, je vais me faire des ennemis à droite comme à gauche –, il n’est pas inexact d’affirmer qu’on « devient » une femme ou un homme, et pas seulement en raison de ce chromosome « Y » qui s’ajoute à l’ « X ». Que ce soit in utero ou après la naissance, et sous l’influence de secrétions hormonales (comme la testostérone), la prédisposition masculine chez un être physiologiquement féminin, ou une prédisposition féminine chez un être physiologiquement masculin, peut bel et bien se révéler. Ce sont ces hormones qui contrarient ou confirment l’appartenance au sexe biologique ; l’acquis se chargeant, ensuite, de renforcer la direction prise : femme, « typiquement » féminine, homme « typiquement » masculin, femmes et hommes aux comportements et appétences moins « typiques », cela jusqu’à la bisexualité et au trans-sexualisme. Dans ces derniers cas, l’enveloppe charnelle correspond peu ou pas au « ressenti » de l’individu, mais pas pour les raisons que revendiquent les partisans d’un archaïsme qui se veut moderne. Ce n’est pas la culture, mais la nature, qui parle le plus fort.
On « devient » homme ou femme, donc et il n’y a aucune raison de ne pas respecter ces particularités, que l’on doit considérer comme naturelles (on pourrait dire « normales » au sens où tout ce qui existe est « normal », puisque cela existe).

Reste la question de savoir si ces particularités doivent s’ériger en règle, et prendre force de loi, ceci est une tout autre affaire, et un autre débat. J’aimerais simplement, quant à ce débat, que le désir n’y prenne pas toute la place, au détriment de la responsabilité.

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35 Comments

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  • 0 / 10
  • Frédérique , 14 mars 2013 @ 13 h 44 min

    On ne leur interdit pas de vivre aux homosexuels, même pas de vivre à deux, (pas plus qu’on interdit aux personnes de petite taille (nouvelle appellation pour désigner les personnes atteinte de nanisme,- de 1,30m, de jouer au basket), on dit simplement qu ils n entrent pas dans la case “mariage”, union d un homme et d une femme, cette union qui depuis son existence a été créée pour fonder une famille. Même si la personne de petite taille peut jouer au basket, elle a fort peu de chance de devenir un champion (si vous faites une loi qui oblige les équipes a les faire jouer en compétition, vous ferez régresser les performances sportives), et même si une loi autorise le mariage homosexuel, vous ne ferez toujours pas d enfant avec deux personnes du même sexe, donc pas de famille naturelle, donc pas de justification au boulversement que cette loi va créer dans le code civil et les inconvénients qui en découleront. Entre autres, comme inconvénient, l adoption. Vous n êtes pas sans savoir que de nombreux pays refusent l adoption de leurs orphelins aux pays qui ont légalisé le mariage homosexuel, et donc que les couples hétérosexuels français vont voir leurs chances d adopter d autant diminuer, sans que cela apporte quoi que ce soit qui n aurait pu être réglé par voie administrative (pension de reversion, droits de succession, etc…) aux couples homosexuels, donc régression.

  • bernique , 14 mars 2013 @ 14 h 45 min

    Démonstration ?

    Jusqu’à présent, les homos FONT faire des enfants qu’ils prétendent adopter pour leur bien (de qui ? d’eux ou de l’enfant ?) car un spermato et un ovule proviennent bien de deux natures différentes que personne ne peut réduire en une seule ! ! !

  • Yaki , 14 mars 2013 @ 17 h 59 min

    Il suffit de dire que le mariage peut être celui de deux personnes de même sexe pour que celles-ci rentrent dans la case.
    D’autant que le mariage homo a existé depuis fort longtemps et jusqu’à très récemment :

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/631451-mariage-gay-les-unions-homosexuelles-ont-toujours-existe.html

    et

    http://savetpol.frenchboard.com/t133-quand-le-mariage-gay-etait-un-rite-chretien

    Concernant l’adoption internationale, des pays ne veulent pas que les enfants soient adoptés par les couples homos. Mais cela ne touche pas les couples hétéros (cf cet article du Figaro : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/09/11/01016-20120911ARTFIG00448-les-adoptions-internationales-fermees-aux-homosexuels.php).

    De plus, vous parlez de régression si cela était. Mais depuis quand la France doit elle se laisser dicter sa politique intérieure parce que des états sont contre le mariage homo ? De plus, pour que des hétéros aient le bonheur d’adopter à l’international, il faudrait que la France continue à discriminer les homos sur sont propre territoire ? Et après on nous parlera de la grandeur de la France.

    Des homo font des enfants par l’intermédiaire de tierce personnes. Mais les hétéros aussi. Si cela vous gène, ce n’est pas cette loi qu’il faut combattre, mais la suivante, qui va mettre à plat la PMA et la GPA (qui devrait rester interdite) pour tous les couples homos, comme hétéros.

  • Frédérique , 14 mars 2013 @ 23 h 29 min

    @Yaki
    Ah ben ouais, alors, il suffit de dire…., c’est pas compliqué, sûrement trop simple d ailleurs, pour que j ai pu y penser. Et puis bonjour les références, le nouvel obs, le figaro, que du beau monde, rien que des journalistes indépendants ne souffrant pas de diffuser la pensée unique et qui le plus sérieusement au monde vous font un article pour vous prouver que le mariage gay existait déjà, il y a, tenez vous bien, 10 000 ans. Ca, nom de dieu! (excusez moi seigneur!) c est du progressisme ou je ne m y connais pas. Bon, je vous rajoute à ma liste de troll, franchement je déteste perdre mon temps avec des gens payés par des associations juste pour venir polluer les sites indépendants.

  • PAD , 15 mars 2013 @ 20 h 09 min

    Ce raisonnement n’est pas établi par un catholique mais par un païen qui respecte les catholiques patriotes ce qui est une nuance de taille. Un païen croit à la différence des catholiques que c’est non pas en tendant l’autre joue mais en mettant une grosse baffe à celui qui nous frappe qui nous permet de nous unir à Dieu. La Force ( à l’instar de la puissance, la gloire, la grandeur et aussi toute autre forme de plaisirs et de jouissances notamment sexuelles) est un don de Dieu du moment qu’on l’utilise à bon escient. Les autres nous aiment ( et Dieu aussi) si nous savons nous faire respecter, en tant qu’individu mais aussi en tant que peuple.Pour les païens, Dieu vomit la repentance et la faiblesse, ce qui n’exclut pas de temps à autre l’introspection. Bien à vous.

  • bernique , 16 mars 2013 @ 0 h 18 min

    … pas grave : le païen est aussi une créature du Bon Dieu et il sera jugé comme les autres, à l’aune de ce qu’il aura reçu et de la sincérité de sa conscience envers le Bien !

  • itou , 18 mars 2013 @ 11 h 05 min

    le gender est typiquement une idéologie de révolte contre l’ordre naturel, un refus du don que la Nature nous fait, C’est un refus de Dieu. Il est normal qu’elle apparaissent dans une société post chrétienne. Quand on renie Dieu on se coupe volontairement de sa grâce et l’intelligence moins fertilisée par la grâce se met à vagabonder dans des folies mortifère car il en est du gender comme des plus odieuses démences génocydaires du XXè siècle.

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