Les « affaires » ont été mises en pâture : il n’est pas nécessaire d’y revenir. En attendant que la justice tranche, certains y verront une maladresse, d’autres des pratiques révolues d’un autre temps. Mais le débat est ailleurs. Rappelons cette vérité élémentaire : une affaire en est une parce qu’elle a tout simplement eu la grâce d’exister par le jeu des médias, puis par le relais du juge. À moins que ce soit l’inverse… Il n’existe pas d’affaire au sens naturel, mais des sujets complaisamment relayés par ceux qui jouissent d’une arme considérable. C’est précisément en raison de ces circonstances qu’il faut réfléchir sérieusement. L’indignation peut être un piège.
Primaire versus médias. Souvenez-vous : il y a quelques mois, les médias penchaient ostensiblement pour Alain Juppé, figure idéale face à un Sarkozy discrédité. Juppé avait l’avantage de rassurer et, surtout, de faire allégeance au système. Mais voilà. L’irruption de Fillon a créé une surprise. Cette candidature n’était ni prévue, ni appuyée par ceux qui font l’opinion (ou qui prétendent la créer). Pour le système, c’est un affront impardonnable. Malheureusement, le candidat élu en novembre 2016 avait une légitimité incontestable créée par le vote de millions de français. La victoire de Fillon est devenue un véritable casse-tête. Il n’y a alors qu’une seule solution possible : renverser la table en mettant en avant des turpitudes (réelles ou supposées) de Fillon. Quitte à faire mal et à s’ingérer dans une période intensément électorale. C’est ce qui a été fait par les deux numéros du Canard enchaîné. Il faut faire passer Fillon pour un menteur, pour un faussaire, pour un escroc.
Une affaire qui sort étrangement de l’oubli. On peut très bien affirmer que Fillon, a agi de façon choquante ou qu’il n’a guère fait preuve de prudence et de discernement dans des possibilités, a priori, légales. Laissons ces éléments à la conscience de l’intéressé et à la justice, même si nous ne pouvons être que circonspect sur sa soudaine et subite célérité dans le cas Fillon… Mais, encore une fois, répétons-le : ce n’est pas le véritable problème. Pourquoi ces affaires sortent à ce moment donné ? Pourquoi le déballage d’une certaine presse à trois mois du premier tour de la présidentielle ? Comme ça, juste après une désignation démocratique… S’il y avait eu des bruits sur ces emplois litigieux, pourquoi ne débouchent-ils sur une mobilisation de la justice qu’aujourd’hui ? En plein calendrier électoral. On se doute qu’il n’y a pas de hasard. La concomitance est tout, sauf fortuite. Hélas, elle a bien été calculée. L’onde de choc est clairement là pour le démontrer. On se doute aussi que de telles affaires ne peuvent que fragiliser une candidature aux présidentielles. Au passage, les médias n’ont guère eu la décence de s’interroger sur la concomitance de deux calendriers (politique et judiciaire/médiatique). La sagesse n’eût elle pas été de laisser au calendrier politique une provisoire préséance durant le temps de cette élection présidentielle ? La robe du procureur aurait dû s’effacer devant la toge du tribun politique. Hélas, cela n’a pas été le cas.
Le retrait de Fillon est la pire des solutions. Que répondre à ceux qui réclament le retrait de Fillon ? Non seulement cela ne lèvera aucun doute, mais ce serait donner aux médias et au juge judiciaire la charge de présélectionner les candidatures de la droite. Ce serait tout simplement créer un fâcheux précédent qui fragiliserait des personnalités libres et indépendantes. Il suffirait donc d’une affaire lâchée, tombant à un moment critique, pour déstabiliser un candidat. Ce qui a été le cas. Enfin, ce serait l’aveu d’une soumission médiatique à un système, dont on cherche en vain la légitimité politique. Les plans B – le pluriel est l’aveu d’une absence d’alternative cohérente unique – auraient volé en éclat, sans garantir au candidat de substitution la possibilité de gagner. La droite a perdu beaucoup de terrain en 40 ans. Elle en avait un peu retrouvé avec les primaires. Elle risquerait à nouveau d’en perdre avec cette génuflexion devant les médias. Je ne sais pas si la droite peut gagner: mais avec cette démarche visant à la démission de François Fillon, elle ne peut que perdre.
Pas de scénario idéal. Il y a des coups à prendre, des opprobres à assumer. Mais toute autre situation (retrait plus ou moins forcé de Fillon) aurait non seulement conduit à une catastrophe, mais à un échec certain. Il faut accepter la dureté du jeu politique : dans cette démarche de tenir coûte que coûte, il y n’y a que des coups à prendre. De amitiés seront brisées et beaucoup d’électeurs s’interrogeront. Mais le courage politique est d’aller jusqu’au bout en assumant ce contrat institué par les primaires. Et si la droite perd, ce sera au moins dans l’honneur. Sa force aura été de dire non à ces manipulations iniques de la vie moderne. Soutenir François Fillon, c’est aussi prendre ses distances avec la médiacratie qui nous gouverne et qui a même réussi à coloniser nos imaginaires.
Hubert Montmirail
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