Lettre ouverte à François Hollande

En qualité de citoyen libre, je souhaite vous adresser quelques remarques sur le projet de loi qui envisage l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Plus précisément, je compte vous soumettre les raisons qui me poussent à défendre le retrait dudit projet de loi et à proposer l’organisation d’un référendum, ou a minima, la tenue de débats équitables sur la question.

*

Comme beaucoup de Français, j’ai participé à la manifestation du dimanche 13 janvier afin d’exprimer mon désaccord avec le projet de loi Taubira.

Comme beaucoup de Français, j’ai vécu l’immense succès de la journée bleu-blanc-rose.

Le lendemain, hélas, a été un désenchantement terrible. À l’annonce des chiffres officiels, c’était la gueule de bois pour tous, la frustration d’une défaite sans combat. Alors qu’un million de Français étaient passés devant les bornes de comptage entre 12h et 20h, la Préfecture de Police avait arrêté et communiqué le chiffre de 340 000… à 15h ! La belle affaire ! La taxe à 75% avant l’heure ! 700 000 gêneurs tombés sous le couperet du nouveau comité de salut public ! Il faut bien le dire : dans un Etat qui prône la non-discrimination, la manœuvre est prodigieusement tyrannique !

Je ne doute pourtant pas que vous connaissiez les vrais chiffres. Les renseignements généraux ont certainement bien fait leur travail. Qu’ils vous aient présenté les photos satellites du Champ de Mars au milieu de l’après-midi ou qu’ils aient calculé le débit moyen de chaque cortège, ils n’ont pu conclure qu’à un nombre de manifestants compris entre 800 000 et 1,3 million.

Pourquoi dès lors ne vous êtes-vous pas insurgé contre cet odieux mensonge ?

Pourquoi n’avez-vous pas publiquement reconnu l’extraordinaire mobilisation citoyenne ?

Pensiez-vous que les «anti», probablement suspects de sclérose intellectuelle et morale, n’avaient rien d’intéressant à dire et ne méritaient pas de reportage « normal » ? Croyiez-vous que ces manifestants du dimanche étaient d’un autre monde, tous si privilégiés qu’ils ne pouvaient prétendre à défendre la justice ?

Non. Ils étaient des citoyens comme les autres ! Ils se sont tous fait violence pour se sortir du lit le dimanche matin, enfiler des chaussures de randonnée et s’envelopper de vêtements chauds ! Personne ne s’est levé pour parader, croyez-le ! À défaut de faire un décompte exact des manifestants, il faudrait au moins en saluer le civisme exemplaire. Les policiers et CRS, présents tout au long des parcours, pourraient bien en témoigner ! Tout le monde le sait pourtant : les trois cortèges se sont déplacés paisiblement, sans heurt ni accroc d’aucune sorte, sans le moindre slogan « incitant à la haine ». Les manifestants étaient emmenés par les chars dans une ambiance bon-enfant, chaleureuse et sereine. Ce n’était pas une démonstration de gang, ce n’était pas une marche forcée ; c’était l’allure du cœur, tout simplement.

Beaucoup étaient venus de loin, seuls ou en famille, petits et grands, bien portants comme invalides. Ils étaient venus des quatre coins de la France, de toutes origines, de toutes conditions ; tous, ils ont affrontés l’air glacial du jour. Ce million de Français, vous pouvez en être fier, Monsieur le Président, car ils portent la France, ne vous en déplaise ! Il montre que la France compte des Justes, qui se battent pour une cause qui n’est pas d’abord la leur, pour une cause qui engage l’avenir de la société toute entière. Cette France-là, c’est la France qui ne pose pas de problème, c’est la France qui n’a pas de casier judiciaire si ce n’est peut-être une ou deux contraventions pour un malheureux excès de vitesse. C’est la France qui combat les difficultés de la vie avec courage, c’est la France responsable qui n’attend pas que l’Etat légifère à tout-va ou appose son blanc-seing à la moindre revendication sociale.

Mais on n’aime pas les bons élèves, c’est bien connu…

En conclusion de cette première partie, je soutiens que la désinformation politique volontaire qui a entouré la « manifestation pour tous » devrait suffire à vous faire rebrousser chemin. Comme les docteurs en droit vous l’apprendraient, une cour ne peut statuer sur le fond d’une affaire, si elle y reconnaît d’entrée un vice de forme.

**

Admettons toutefois que le vice de forme n’est pas qualifié, et qu’il ne peut, de toute façon, être comparé à l’immense vice de fond qui mite – selon vous – le droit au mariage. Voyons ce qu’il en est.

Vous réclamez ainsi le mariage pour tous au nom de l’Égalité, défendant la vision que deux hommes ou deux femmes doivent pouvoir s’unir civilement, générer une filiation ou recourir à l’adoption, dans les mêmes conditions que les autres couples.

En réalité, vous vous servez du terme d’Égalité comme un paravent facile pour esquiver tout débat. Vous avez déformé la portée symbolique et juridique de cette magnifique valeur de 1789 pour en faire une barrière spirituelle destinée à discréditer toute personne qui ne se battrait pas pour Elle. Face à la Sacro-Sainte Égalité, il n’est donc pas d’adversaire possible. Tout combat est perdu d’avance. Rien ne peut être débattu qui aurait un sens a priori contraire. Malheureusement, une telle posture ruine tout travail scientifique et rationnel et empêche l’analyse rigoureuse de tout sujet dont il serait légitime de débattre.

Votre beau discours sur l’Égalité est par ailleurs partiel puisqu’il n’inclut pas l’ensemble des intéressés à l’affaire. Les thuriféraires du mariage pour tous omettent ainsi étrangement un paramètre fondamental de l’équation: l’enfant. Qu’aurait-t-il à dire du projet de loi et de ses implications ? Pourquoi en faire insidieusement un objet de droit, alors qu’il est un sujet de droit à part entière ?

Enfin, votre projet de loi est hypocrite parce qu’il ne décrit pas les nouvelles inégalités auxquelles il va inévitablement conduire. Ne croyez-vous pas en effet qu’une certaine forme d’inégalité naîtrait entre les enfants, entre ceux qui auront un père et une mère (aux aléas de la vie près), et ceux auxquels on aura expliqué qu’ils ont deux papas ou deux mamans ? Souhaitez-vous délibérément priver des enfants de la complémentarité d’un père et d’une mère ?

L’hypocrisie touche également les techniques de procréation assistée. D’une part, la PMA ne met pas sur un pied d’égalité les couples homos femmes et les couples homos hommes, ces derniers ne pouvant par définition pas y recourir à moins de se faire implanter un utérus (et là, bon courage!). D’autre part, la GPA constitue le summum de l’injustice sociale, puisque seules les femmes pauvres se résoudraient à un tel trafic sur leur propre corps. Vous me répondrez sans doute que ces deux derniers éléments ne font pas (plus) partie du projet de loi actuel et qu’il convient de distinguer la question du mariage gay et des techniques d’assistance à la procréation, etc. Je vous rétorquerai qu’ils ont été retirés du texte à des fins tactiques, comme le PaCS en 1998 avait exclu la question du mariage gay et de l’adoption. On en voit aujourd’hui le résultat : comprenne qui pourra !

Non seulement vous phagocytez le principe d’Égalité mais vous vous permettez aussi de redéfinir certains mots de notre langue.

Le mariage est l’alliance d’un homme et d’une femme depuis tous les siècles de notre civilisation et de bien d’autres. Il ne vous est pas donné de remettre cela en question d’un trait de plume. Parler de « couple homosexuel » est aussi un abus de langage, de la même manière qu’il est absurde de parler de « deux mamans » ou « de deux papas », chacun de ces deux termes étant définis l’un par rapport à l’autre.

Monsieur le Président, les mots ont un sens lorsqu’ils s’attachent à une réalité, éprouvée et entretenue à travers l’histoire. Encourager la confusion des mots, des genres, c’est brouiller les consciences, c’est enlever à l’homme sa puissance de réflexion, son bon sens et sa lucidité ; c’est tendre vers l’obscurantisme et dire que 2 et 2 font 5. C’est nier un quelconque sens à la réalité des hommes et à l’histoire de la pensée.

Faites donc attention à ce que ce « novlangue » ne tende pas au nihilisme.

Un autre argument avancé par les « pro-mariage gay » est d’affirmer – ou de laisser entendre – que les «anti» sont par nature homophobes. Il est faux pour trois raisons.

En premier lieu, il est absurde de réduire une catégorie de personnes à une seule de ses motivations présupposées, alors même que le sentiment d’homophobie ne concerne réellement qu’une minorité.

En deuxième lieu, les pros ne regroupent pas l’intégralité de la communauté homosexuelle, puisque de nombreux homosexuels ont pris parti contre le projet de loi.

Enfin, brandir l’homophobie comme étendard cache la vraie nature du combat qui est en jeu. Le sujet n’est pas en effet la sexualité, la morale sexuelle ou l’union civile de deux êtres de même sexe. Le sujet – problématique – est que le projet de loi est défendu par un lobby minoritaire qui cherche subversivement à sabrer les fondements du mariage dont il n’a en réalité rien à faire.

Les défenseurs du mariage pour tous demandent également aux « antis » de prouver scientifiquement que les couples homosexuels sont moins aptes à éduquer des enfants que des couples hétérosexuels. Quelle démarche étonnante ! Je dirais plutôt que la charge de la preuve incombe à celui qui veut changer une structure millénaire éprouvée. À défaut d’argument, il est en effet toujours plus facile de renvoyer la balle à l’autre camp !

J’en conviens néanmoins: il existerait peut-être des cas très spécifiques où des enfants s’en sortiraient mieux avec des parents homos qu’avec des parents hétéros.

Mais la loi a une vocation universelle et ne juge pas les cas particuliers…

Quoi qu’il en soit, tous les enjeux du projet de loi, qu’ils touchent à la famille, à l’anthropologie ou à la protection des droits civiques – sans parler des aspects purement juridiques qui sont un véritable casse tête-, mériteraient d’être discutés entre experts au lieu d’être laissées à l’appréciation tronquée d’une faction idéologique sectaire.

***

Monsieur le Président, votre première vocation est de préserver l’unité nationale. N’engagez donc pas la France dans la fracture sociale ! Comme l’expliquent les lois de la biologie ou de la physique, toute tension provoque un point de rupture, une masse critique à partir de laquelle un ajustement devient nécessaire pour rétablir l’équilibre. On y vient…

La question qui demeure et que vous pouvez entendre est la suivante : comment assurer la transition : pacifiquement et démocratiquement, ou violemment ?

Vous avez le pouvoir. Qu’en ferez-vous ?

Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de mes sentiments civiques les meilleurs et de mes convictions familiales les plus fortes.

Vive la Liberté ! Vive la France !

Édouard M.-D., fiancé

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41 Comments

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  • 0 / 10
  • Janot , 14 février 2013 @ 12 h 06 min

    on ne dit pas “arriéré” c’est politiquement incorrect. On dit “en voie de développement”, ça fait plus sérieux et ça ne stigmatise pas. Car la stigmatisation est un des grands maux de notre époque, vous le savez. On ne doit plus stigmatiser. Comme on aurait dit en 1968 : “Stigmatisons les stigmatiseurs !!!” Pareil pour la discrimination. Dire “arriéré” c’est discriminer entre ceux ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas. C’est pas correct.

  • sainte lance , 14 février 2013 @ 12 h 11 min

    Merci pour cette belle lettre.

    Non, il ne faut pas déchanter, et baisser les bras.

    Aprés la manif du 13 janvier, il y a les pétitions remises au CESE (+ 650000 ce jour, en attendant le million d’ici le 28 février),
    et on se retrouve le 24 mars : 1, 2, 3 millions ?

    Ce que révèle ce mouvement quasi inconnu en France, c’est que des personnes de tout bord, pensée, religion ou sans,… réagissent à ce niveau.

    Quel parti (politique) peut prétendre aujourd’hui atteindre plus d’un millon d’adhérents ou sympathisants ? aucun.

    Donc il faut continuer jusqu’en 2014 (élections municipales) non seulement à maintenir la pression, mais même à préparer la relève pour démontrer aux futures générations d’électeurs que le sens civique n’est pas mort en France.

    Finalement, si j’osai, je dirai MERCI à M. Hollande, car grâce à vous (ou malgrè vous) les français se “réveillent”.

  • isidore , 14 février 2013 @ 12 h 26 min

    L’Eglise,en condamnant l’homosexualité,ne s’adresse qu’à la conscience des individus,non à une condamnation venant de la collectivité qui n’est pas son sujet.
    “Dieu ne veut pas la mort du pécheur”,seulement sa conversion,et le principe religieux chrétien est le pardon des péchés.Tu ne jugeras pas !
    A part votre définition de la normalité,il est évident qu’on appelle pas chacun à juger autrui,et que ce n’est qu’à Dieu de juger.D’ailleurs,à part la sottise nazi,on n’a jamais parler d’exterminer les pécheurs devant Dieu.
    Sans exagérer,on avait juste un peu le droit quand même d’en rigoler,sinon on approche du fascisme.
    Mais,d’accord avec vous,de là à leur reconnaitre un statut officiel, à leur faire jouer un comédie de mariage comme pour le Mamamouchi Jourdain,il y a un “gap” que l’intelligence normale se refusera toujours à tenter de franchir.
    Et surtout un “droit” à possèder des enfants que leur pratique ne leur permettra jamais pour satisfaire un désir trouble,et non même pour le salut en ce monde d’enfants qui ne seraient pour eux qu’une possession.
    Ne pas comparer avec les adoptions d’enfants faites dans le but de recueillir des enfants existants en danger de solitude et de misère,et non de les faire fabriquer à l’usage des adoptants et pour leur seul plaisir !(Voire en vue d’uen reconnaissance culturelle sociétale et assortie de tous les avantages de l’Assistanat d’Etat etc..)

  • isidore , 14 février 2013 @ 12 h 38 min

    @ Janot
    Mais alors,il ne faut pas dire non plus les riches et les pauvres,c’est discriminant !
    Voir du mal dans le terme en question,c,est porter un jugement moral sur les pays arriérés,et c,est donc délictueux en soi.
    Alors qu il n,y a aucun jugement moral à constater qu,une population vit plus mal qu,une autre, dnas des conditions matérielles plus précaires.
    Je dis seulement que,d,après l,idée de MarS,il serait contradictoire que ce sont justement ceux-là qui font le plus d,enfants,alors qu,ils ont le moins de chance de les faire vivre humainement et confortablement.
    Analyse purement matérielle.

  • isidore , 14 février 2013 @ 12 h 43 min

    C’était @ destination des posts de Gisèle et en réponse.

  • Janot , 14 février 2013 @ 13 h 42 min

    @isidore
    l’humour, apparemment, vous ne connaissez pas ? Il y a des inventions tellement pitoyables aujourd’hui – dont la langue de bois – qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer.
    Donc pour vous rassurer : je préfère appeler un chat, un chat, “arriéré” quelque chose d’arriéré plutôt que d’utiliser une circonlocution telle qu’on entend nous les imposer aujourd’hui.

    Et je préférérais appeler (…) les homosexuels, mais il paraît que maintenant ça ne se fait plus et que c’est même un délit – ce qu’on ne comprend d’ailleurs pas, puisqu’ils en sont fiers !!!!

  • Edouard MD , 14 février 2013 @ 15 h 21 min

    Je vous remercie tous pour le débat que suscite ma lettre.

    Que nous soyons sympathisants pros ou contre, révoltés, frustrés ou dubitatifs, notre seul exutoire est de consentir à de grands débats contradictoires afin de peser toutes les implications du projet de loi
    Seule les formes démocratiques permettront une issue sereine et la continuité de l’harmonie sociale.

    Chacun à son niveau exprime ce qu’il ressent : c’est une manière humble de partager la vie publique. Et il est normal, voire souhaitable, que tous ne partagent pas le même avis.

    Beaucoup de ceux qui s’opposent au projet Taubira pensent que le combat est perdu d’avance. Peut-être. Mais, je pense profondément que l’important c’est de se battre, (quand bien même ce fût en vain), c’est d’être présent et de ne rien lâcher à une fraction qui refuse l’opinion lucide d’une majorité paisible.

    L’indifférence est humaine, mais elle est l’antichambre de la tyrannie…

    Nous verrons bien

    Bien sincèrement

    Edouard

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