Le suspens a été long et la surprise de taille ce matin du 9 novembre. Le “candidat mal-aimé” s’est montré plus apprécié du plus grand nombre que celle que tout le monde donnait vainqueur. Lorsqu’il est amené à s’exprimer, l’électorat n’a pas toujours besoin de le crier haut et fort ; son choix suffit. Les médias mainstream et l’establishment l’ont appris à leurs dépens.
Comme le temps passe !
Voici encore un an, le monde entier se pliait à l’idée d’un milliardaire star du showbiz annonçant sa candidature à l’élection présidentielle. Ce même milliardaire est devenu en ce 9 novembre le 45e président des USA.
À la suite de cette campagne coûteuse pour M. Trump, et coûteuse pour les supporteurs de Mme Clinton, ce furent surtout les scandales des mails de Mme Clinton qui ont terni l’image de la candidate et de cette élection, riche en coups bas.
C’est de mauvais foi dont il est justement question. Les propos souvent rudes de M. Trump, qui reflètent surtout le langage de tous les jours (le “slang”) de l’Américain lambda, tant méprisé par l’élite politique issue de la contre-culture des années 60.
Le langage cru a paru moins choquant auprès du peuple américain qu’un comportement aussi condescendant pour la base électorale du Parti démocrate, qui était jusqu’ici pourtant populaire.
Les différents sondages d’intentions de vote qui nous furent présentés en France, durant toute la nuit du 8 au 9 novembre, montraient systématiquement Mme Clinton en tête, avec un faible écart par rapport à son adversaire. Les analyses et les questions posées durant cette soirée spéciale d’élections portaient principalement sur la politique qu’elle “mènera” (au futur!), et sur les erreurs de campagne (ou du passé) de M. Trump.
La douche fut froide pour ceux qui ont soutenu Mme Clinton. Il est hors de question ici de blâmer cet électorat. Mais une question ressort: comment une “gagnante d’avance” pouvait-elle perdre? Comment un faible écart s’est transformé en raz-de-marée ?
“Une nouvelle époque s’est ouverte à tous. Une époque où la voix du peuple est entendue et compte.”
La réalité est à la fois plus simple et plus absurde qu’on peut le penser: ceux qui avaient peur de s’exprimer et d’être taxés de racistes (1) ne se sont pas laissé intimider. Ils furent la part de l’électorat qui manquait à M. Trump, et qu’il a obtenu. Ce fut la “majorité silencieuse”, minoritaire en fait, qui ne s’exprime pas devant les caméras, mais qui porte, tel Atlas, le poids du monde sur son dos. Ceux qui ne se tiennent pas debout la nuit car ils doivent se lever le lendemain matin.
Cette même minorité silencieuse, qui crée les majorités, s’était aussi exprimée silencieusement, et loin des caméras (car éloignée de l’establishment), lors du référendum sur le Brexit, mais aussi durant les votations populaires en Suisse (l’initiative contre l’immigration de masse de février 2014, ou celle portant sur l’interdiction de construction de nouveaux minarets de novembre 2009). Pourrait-on y voir un signe pour le Front National et la présidentielle de 2017 ?
On pourrait y croire, sauf que 6 mois nous séparent de l’échéance électorale. Et deux mois de l’investiture de M. Trump. Le temps coule et beaucoup peut se produire d’ici-là. En efet, ce sont encore 2 mois du précédent establishment qui sont en cours, et il peu probable que le pouvoir en place ne soit pas tenté de laisser quelques casserole au successeur de M. Obama.
Cela ne serait pas vraiment une surprise. Après tout que peut-on encore attendre d’une ex-secrétaire d’état qui a ruiné et détruit des nations, à défaut de leur apporter la démocratie? Qu’attendre d’une candidate à une élection qui ne félicite son rival que par téléphone, au lieu de s’exprimer dans l’immédiat auprès de ceux qui l’ont soutenue depuis le début de sa campagne jusqu’à l’annonce de sa défaite ? Mme Clinton a daigné s’exprimer en fin d’après-midi à ses fidèles, mais en des termes qui dénotent surtout et avant tout une fuite en avant, sans conviction, en proposant un statut quo. Clinton, Hollande, même combat.
Toujours est-il que l’année 2017 commence ce 9 novembre, et non pas le 1er janvier.
Que ceux qui avaient peur de l’apocalypse se rassurent : la troisième guerre mondiale n’aura pas lieu. Mais une nouvelle époque s’est ouverte à tous. Une époque où la voix du peuple est entendue et compte.
“Vox Populi” me dit-on ? Populisme, carrément ? Sauf erreur, le peuple vote et détermine qui est le chef de l’état. C’est la définition-même de la politique: les affaires de la cité, n’en déplaise à celles et ceux qui veulent en faire une cité d’affaires.
Marco Rumignani
1. Voir à ce titre les commentaires de Kellyanne Conway, manager de campagne de Donald Trump, sur la victoire du candidat républicain; Fox News, 9 novembre 2016: https://www.youtube.com/watch?v=bgfLr9p-cyo
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