L’élection de Donald Trump est un séisme américain dont l’onde de choc se propage dans le monde entier. La division du peuple américain que Mme Clinton semble découvrir se projette sur une grande partie de la planète. Bien accueillie par les uns, la victoire inattendue d’une personnalité baroque fait manifestement s’étrangler les autres. La France, plus que l’Europe, vit une histoire politique marquée par de fréquentes victoires de la « droite », mais avec une domination idéologique constante de la gauche. Le nouveau Président américain est la caricature de tout ce qu’elle a appris à détester. Ce n’est pas un fonctionnaire, un professeur, un apparatchik, c’est un héritier qui a fait fructifier son héritage et qui est milliardaire. Il proclame sa cupidité en retournant l’argument puisqu’il promet d’être cupide pour l’Amérique en donnant l’exemple de sa réussite professionnelle dans le monde des affaires comme un gage de son futur succès à la tête du pays. Tous les stéréotypes français, comme dirait « notre » ministre de l’Education Nationale, sont brisés. Le milliardaire, qui est parvenu à échapper légalement à l’imposition, au lieu d’appeler la punition par l’ISF, a séduit les américains les plus modestes parce que, déçus par l’inefficacité des politiciens professionnels, ils voient en lui un homme habile qui a réussi et aura plus à donner qu’à prendre. Tous ceux qui savent que nos politiciens bâtissent leur fortune non sur le mérite mais sur leurs réseaux de copinage, qu’ils prennent plus qu’ils ne donnent, doivent réfléchir à cette aventure américaine improbable dans notre pays. Cet homme aime les outrances et le tape-à-l’oeil. Il ignore le politiquement correct. Le vote américain éclaire notre paysage politique, décalé sur la gauche. A l’extrême-gauche, on regrette Sanders , un social-démocrate, considéré comme un extrémiste aux USA. A gauche, et à la gauche de la droite, de Hollande à Sarkozy, on avait choisi l’évidente Hillary en dénonçant la vulgarité, la démagogie, le populisme du Président élu. Celui-ci est un révélateur : Sarkozy salue désormais sa liberté de parole tandis que Juppé continue à stigmatiser son amateurisme et son extrémisme. Donald Trump présentait récemment la France comme l’exemple à ne pas suivre du pays en déclin. Il est cocasse que les responsables de nos échecs le prennent de haut. Le champion du ridicule est une fois encore « notre » Président qui promet d’être vigilant sur les premiers pas d’un homme qu’il daignera néanmoins rencontrer, comme si ce dernier se souciait du politicien en sursis qui joue les spectres à l’Elysée. Marine Le Pen, la seule à avoir souhaité cette élection, est évidemment la première à se réjouir. Pour ceux qui prédisent la mise au au ban des nations de la France si les Français l’élisaient, une lueur de lucidité doit pointer : c’est elle qui entretiendrait a priori les relations les plus cordiales avec Moscou et Washington, qui a soutenu le Brexit des Anglais et qui sera en phase avec l’évolution politique de l’Europe signalée une fois encore par le dernier vote autrichien. La chancelière allemande a montré une fois encore ses limites en énonçant les valeurs communes sur lesquelles devaient se bâtir les relations entre son pays et l’Amérique. Il est frappant de constater que pour elle, dans les différences humaines à respecter, « l’orientation sexuelle » passe avant les convictions politiques. Une politique fondée sur le remords et le politiquement correct ne peut générer l’enthousiasme et le dynamisme. L’Allemagne est une économie, pas une politique. L’Europe doit sortir de l’ambiance germanique.
La politique nécessite des hommes exceptionnels. Les chefs ne représentent pas, ils dirigent. C’est toute la différence entre le législatif et l’exécutif. Qu’il y ait des femmes, des élus issus de minorités ou en tout cas de professions et de régions diverses au Parlement, est une bonne chose. La présence massive des fonctionnaires et des apparatchiks est, en revanche, un signe de notre déficit démocratique. Celui dont toute la vie s’est déroulée à l’ombre de la politique n’apporte rien et lorsqu’il se dit « normal », ce qui est faux, il ne peut qu’être médiocre. Le désastre de la présidence actuelle, que révèle avec une cruauté inouïe le livre de Davet et Lhomme, devrait nous apprendre qu’il est nécessaire de mettre à la tête du pays des hommes ou des femmes qui ont réussi en dehors du monde politique et apportent à celui-ci une compétence et une inventivité qu’il ignore. Un homme comme Philippe de Villiers, plus investi dans le Puy-du-fou que dans sa carrière politicienne, aurait pu être cet homme d’exception. Attention toutefois au risque spectaculaire couru par nos démocraties. Trump est un grand metteur en scène et un acteur doué. Après une nuit historique qui a rendu hystérique une bonne partie de l’Amérique entre pleurs et joie débordante, il faudra revenir au réel. Les démocrates ne voulaient pas d’un socialiste, mais ils pensaient qu’après le film du « Président Noir », ils connaîtraient le succès avec « La Présidente ». Les Américains ont préféré : « Un Milliardaire pour les pauvres ». Dans le fond, beaucoup ont élu leur rêve en chair et en os plutôt que leur remords comme en 2008. Le réveil sera sans doute difficile. Les ouvriers et les chômeurs de la périphérie ont fait gagner un richissime new-yorkais qui va devoir tenir ses promesses. Il aura une majorité républicaine au Congrès, mais il n’est pas sûr que celle-ci lui facilite la tâche. Il devra prioritairement clarifier ses relations avec le Mexique, ce malheureux pays, « si loin de Dieu, et si près des Etats-Unis », comme disait Porfirio Diaz. Les « Latinos » joueront en effet un rôle de plus en plus grand dans les futures élections. Il devra aussi préciser ses orientations par rapport à l’Otan et à la Russie dont le Président Poutine est d’un optimisme raisonnable après le vote américain. S’il échouait, beaucoup s’en réjouiraient, mais ce serait un malheur pour le monde.
1 Comment
Comments are closed.