Alexandre Saint-Hermine a jugé dans les colonnes de Nouvelles de France que cette journée du 11 novembre avait été récupérée par la gauche (François Hollande et le gouvernement Ayrault) et la prétendue droite des bonnets rouges sur les Champs-Élysées, en regrettant l’absence d’union nationale. Ayant participé aux actions, j’ai décidé de répondre à sa tribune d’une manière constructive en analysant les implications de sa plainte et en montrant la légitimité du combat des bonnets rouges ce 11 novembre.
Il me semble tout d’abord que la désapprobation de la part des bonnets rouges ne se fit qu’avant et après la commémoration, lors du passage de François Hollande sur les Champs-Élysées, et nullement pendant la cérémonie en elle-même, ce qui invaliderait l’accusation, certes bien faiblement.
Ensuite et plus profondément, cette condamnation des bonnets rouges révèle à mon sens une déviance de la nature de la politique, ou plutôt du rapport que nous devons avoir à la politique. Alexandre Sainte-Hermine part vraisemblablement en guerre contre le gouvernement en sacralisant la commémoration du 11 novembre, occultant ainsi involontairement ce qui fit que tant de soldats moururent pour leur pays. D’autre part, il semble ne pas mesurer qu’il a en face de lui la religion-idéologie (l’idéologie républicaine est une gnose) du progrès et de la laïcité qu’est la République, et qui ne lui fera pas de cadeau (1), à part lui offrir quelques marges de manœuvre, marges de manœuvre qui lui permettront d’exprimer ce que Philippe Muray appellait le fait d’être rebellocrate.
I. Être politique plutôt que faire de la politique
Les libéraux dits de droite m’excuseront peut-être, car ils sont plus proches du réalisme que du libéralisme, et s’ils regardaient la politique d’un point de vue anthropologique , ils verraient combien le libéralisme a changé l’homme contre sa nature réelle, instituant en conséquence un mode de gouvernement adapté à cette vision mais de ce fait illégitime ; ces libéraux m’excuseront donc peut-être, mais toutes les formes modernes de gouvernement sont issues de ce que l’on pourrait appeler l’anthropologie libérale, à laquelle se greffe une société ordonnée par le droit positif, et un gouvernement (tout comme une économie) dés-encastré de la société : extérieur aux liens organiques et imposant des liens artificiels pour maintenir des libertés individuelles, qui sont plus des volontés déconnectées de la nature des personnes que de vraies libertés acquises par le travail. Il s’ensuit que la politique n’est plus supposée comme une affaire d’existence de tous les membres de la société selon leurs compétences, mais de l’action de quelques-uns, qui sont désignés comme politiciens professionnels (2). Autrement dit, la politique devient quelque chose de l’ordre de l’action ciblée sur la République ou une de ses parties par quelques-uns, alors qu’elle est réellement quelque chose de l’ordre de l’action de chacun au quotidien et d’une façon intégrale. La politique, ce n’est pas l’expression d’une opinion, c’est la gestion de la société, et cela concerne n’importe qui en fait partie, même ceux qui ne formulent pas d’opinions. Être politique c’est donc toujours travailler en vue du bien commun. Mais parfois, le bien commun risque d’être altéré et les biens particuliers également, et cela constitue une violence faite à ce que sont les choses. Contre cette violence, la résistance n’est pas une opinion, mais le simple effort de préserver son intégrité et celle du corps social.
II. Conséquences sur la nature du combat des soldats commémorés le 11 novembre et de notre action
Cela veut dire que ces personnes mortes pour la France auxquelles nous rendions hommage se battirent, au plus profond de leur cœur (parce qu’une idéologie qui les aurait motivés ne remplacera jamais intégralement la réalité charnelle), non pas parce qu’il fallait faire la guerre contre les Allemands, mais plutôt parce qu’il fallait, en tant que membre de la société, la préserver, quel qu’en soit l’ennemi. Il se trouvait que les ennemis étaient alors les pays de la Triplice et notamment l’Allemagne, et que ce genre de combat se faisait sur le champ de bataille, fusil au poing. Mais comment peut-on dés-encastrer ce combat particulier de la société française contre la société allemande en le sacralisant au rang d’une cérémonie rituelle qui serait devenue absolue, et condamner en même temps ces bonnets rouges qui, au fond, appliquent le même principe de préservation de l’intégrité du corps social ? Cela n’a aucun sens, car la démarche de ces hommes était la défense du bien commun et de l’intégrité de la société. Certes, le fanatisme républicain avait eu son rôle, mais il n’avait pu toucher le cœur de ces soldats qu’en récupérant leur amour patriote et en le sacralisant dans ce qu’on pourrait appeler le nationalisme républicain. En réalité, la véritable motivation de ces hommes, et ce qu’avait réussi à utiliser la République, c’était le besoin d’intégrité et de sauvegarde du corps social qui fonde l’être humain, ce qui est aussi la cause de notre présence agitée durant cette journée. Cette contestation des bonnets rouges, du Printemps français, de différents groupes comme l’Action française et, bientôt, du peuple entier est un combat pour la sauvegarde de l’intégrité de la société contre l’économie mondialiste, le poids scandaleux et irréaliste de l’impôt (3) et les idéologies délirantes qui sont en train de violer l’intégrité des familles et des personnes. Ainsi, l’expression de cette contestation est dans la plus grande fidélité au combat que menèrent nos soldats, même s’ils furent en l’occurrence instrumentalisés par des gouvernements et des puissances financières qui n’avaient cure des liens d’amitiés effectifs ou potentiels entre ces peuples voisins (4). Leur motivation à eux, simples soldats, était de se battre pour l’intégrité de la société et pour le bien de leur pays. Qu’avons-nous de différent ? Ce que nous avons de différent, c’est que nous ne nous battons pas contre un ennemi extérieur et incarné mais contre une religion de la laïcité et du progrès ; c’est aussi qu’il n’a pas encore été peint de tableau rêveur sur notre combat, et que notre envie n’est pas de mourir comme dans les films ou les histoires qui absolutisent et sacralisent la guerre et le combat en les déconnectant de leur finalité et de leur cause ; car tout combat pour être mené doit être enraciné dans la société afin que les personnes s’en sentent directement concernées. C’est bien une guerre que nous menons, comment l’appeler autrement ? Faut-il des fusils, des canons et des uniformes ? Non. Il s’agit donc de sortir du romantisme et d’arrêter de commémorer pour commémorer, car cela fait oublier les causes qui enflammèrent les cœurs des soldats qui se sont battus pour la France, ces causes qui n’étaient que le fait d’être politique : au service du bien commun en toute chose et partout. Il s’agit de commémorer pour redécouvrir ce que nous devons faire : nous battre, comme eux, pour le bien commun. C’est ce qu’ils firent ou crurent faire, et c’est ce que nous faisons et feront, jusqu’à la chute de l’idéologie républicaine et la reconstitution du corps social, pour une démocratie réelle et locale à travers un régime corporatif uni in fine par le corps d’un roi. C’est bien là leur rendre un bel hommage, loin de la liturgie pompeuse et hypocrite de ce ramassis d’opportunistes et de traîtres au pouvoir.
1. Anatole France disait : « La République gouverne mal mais se défend bien » .
2. Face à ce problème, les bons libéraux pensent qu’il faut revenir à plus de libertés contre l’étouffement du droit positif et de l’ingérence de l’État en toute chose, et ils ont raison, mais pour cela il faut retrouver une anthropologie réaliste et une véritable vision de la liberté, non pas innée (seul le libre-arbitre est inné) mais acquise par le travail. Le nourrisson ne naît pas libre, car il dépend de la société familiale.
3. Nous commençons à comprendre ce qu’a produit l’usure et l’abus de commerce : à la fin de la chaîne, c’est le fournisseur de matières premières qui paie le plus, à partir de ressources naturelles et limitées, pour combler un vide qui ne cesse de croître : la dette.
4. Sur les causes de la Grande Guerre, il est bon de consulter l’ouvrage de Eustace Mullins : Les secrets de la Réserve Fédérale.
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