Tribune libre de Christian Vanneste*
Les feux de la rampe sont allumés. Le spectacle est annoncé avec la surexposition médiatique dont il bénéficie depuis quelques années. Les trois coups seront frappés le 31 octobre, lorsque le projet de loi sur le « mariage » des personnes de même sexe sera présenté au conseil des ministres. Ce texte offre deux paradoxes : d’abord, il ne répond qu’à la demande d’une infime minorité alors que la grande majorité de la population est confrontée à des questions sociales autrement plus urgentes. Bien des personnes homosexuelles y sont d’ailleurs opposées. Ensuite, il remet en cause un aspect structurel fondamental de l’anthropologie et va être voté par une majorité de circonstance pas trop mécontente qu’un débat idéologique limité au Parlement vienne détourner l’attention de la situation économique la plus calamiteuse que la France ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le débat va être inégal. D’une part, le groupe de pression qui s’agite depuis des années pour faire reconnaître les « droits » des personnes dites homosexuelles a verrouillé juridiquement la liberté d’expression de ses opposants en inscrivant dans le langage du politiquement correct, de la pensée unique, et même du droit, des notions aussi peu fondées qu’orientation sexuelle ou qu’homophobie. D’autre part, il bénéficie de la triple alliance de ceux, qui depuis des siècles s’attachent à arracher de notre société le moindre vestige de ses traditions chrétiennes, de ceux pour qui le progrès, inévitable dans les mœurs (?), consiste en une libération continue par rapport à toutes les contraintes morales, sociales, et même naturelles, et enfin d’un parti majoritaire, naguère appuyé sur les ouvriers de province, puis sur les fonctionnaires, et maintenant lié aux « bobos », ces cadres urbains qui expliquent son implantation parisienne.
Les arguments avancés sont connus : il y a d’abord le sens de l’histoire qui conduit nécessairement à faire valoir de nouveaux droits, de nouvelles libertés, une plus grande égalité dont vont pouvoir bénéficier en particulier les minorités qui pendant longtemps ont subi le joug de la majorité dominante. Il y a ensuite la nécessaire adaptation des droits aux mœurs, qui amène à entériner juridiquement ce qui existe dans les faits, et, puisque nous vivons désormais dans une civilisation de l’amour, qui justifie que le mariage soit la reconnaissance d’un sentiment entre deux êtres humains adultes. Pourquoi s’y opposer d’ailleurs ? Le nombre des ménages qui vivent ainsi, qui élèvent des enfants sans conséquence négative pour ceux-ci devrait faire reculer des préjugés qui ne sont qu’une résistance ringarde des milieux catholiques les plus conservateurs à l’évolution « normale » d’une société laïque. Quelques images touchantes de témoignages d’affection à l’issue de la cérémonie ou de « mamans » pleines de sollicitude pour « leurs » enfants, tandis que les manifestations, voire les dérapages verbaux des « réacs » seront stigmatisés, et la partie sera gagnée.
Il convient donc de remettre cette question à son véritable niveau. Le mariage n’est pas la reconnaissance publique d’un sentiment plus ou moins durable. Les sentiments appartiennent au domaine privé, le mariage est l’institution qui tisse notre société, qui croise les nécessités de la nature et les besoins de la culture. La nature biologique de notre espèce exige que les deux sexes qui la constituent unissent leur altérité pour qu’elle se perpétue et le mariage est la trame qui donne à cette union sa dimension sociale. Le « mas » (mâle) , la racine étymologique de mariage, ou le « matrimonium » des latins qui dit clairement son rapport à la maternité ne laissent aucun doute sur le fait que cette institution concerne les deux sexes. Plus profondément, le secret de la réussite de l’humanité repose dans cette obligation de l’autre, dans la nécessité de l’autre sexe et dans l’impératif de l’autre groupe qui, lui, interdit l’inceste. De ce point de vue, l’union entre des « mêmes » ne peut être considérée que comme une régression considérable, un saut en arrière dans la confusion. De plus, la trame des sexes élabore la chaîne des générations, établit la filiation, consolide la cohésion sociale dans l’espace et dans le temps, et construit le socle de l’identité d’une personne. Lorsque le maire lit les articles du Code civil, il fait clairement référence à la solidarité entre les époux et, dans deux d’entre eux, à la famille et aux enfants : la trame et la chaîne. On pourra, tant qu’on veut, citer des exemples marginaux, les Berdaches amérindiens, ou les mariages entre personnes âgées, cela ne remet pas en cause l’essence même de l’échange matrimonial, et c’est elle qui est oubliée avec une incroyable désinvolture à travers cette proposition absurde qui consiste à traiter à égalité la confortation de situations exceptionnelles avec l’une des clefs de la vie humaine. Le mariage est à la fois constitutif de la société et à travers la famille de l’identité des enfants qui en sont issus. On pourra se réjouir de l’éclatement progressif de ce modèle, de la diminution des mariages, de l’augmentation des PaCS entre un homme et une femme, de la multiplication des divorces, de l’apparente santé psychologique des enfants élevés dans un autre cadre, une étude moins idéologique, et donc plus sérieuse des situations, comme celle qui a été faite par Mark Regnerus devrait nous inciter à respecter en écologie humaine le principe de précaution.
L’association que j’ai l’honneur de présider, Famille et Liberté rejoint les collectifs qui, aujourd’hui, se mobilisent contre ce projet absurde et dangereux (lettre et pétition qu’il vous est possible de signer ici). Auteur d’une proposition de loi visant à instaurer le référendum d’initiative populaire, comme 66% des Français le réclament, je demande qu’un débat national soit organisé sur cette question, et qu’après celui-ci, les Français se déterminent en connaissance de cause, en dehors des idéologies ou des intérêts des partis politiques et à l’abri du rouleau compresseur médiatique de la pensée unique. L’avenir de notre société et celui de nos enfants n’appartiennent pas dans ce qu’ils ont d’essentiel à une majorité de circonstance et aux modes auxquelles elle est soumise.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord et Président de l’association Famille et Liberté (site).
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