Ainsi donc, Narcisse-Jupiter qui prétendait mener les français vers le Nouveau Monde, qui se voulait le champion du progressisme européen, se retrouve dans l’étroit champ du combat des partis, à fixer pour enjeu aux élections européennes, de ne pas offrir la première place au Rassemblement national. Il clame qu’il va y mettre toute son énergie. C’est pathétique et dérisoire sur tous les plans. Un Président de la République ne doit pas laisser choir sa fonction au niveau des guerres partisanes. C’est vrai que lui n’a jamais été que l’homme de son parti, une formation artificielle, dénuée de racines, mais disposant de moyens étonnants dès sa création en raison de dons généreux. Une formation narcissique, dont les initiales reprennent celle du « chef », sans que les courtisans médiatiques en soulignent le ridicule. Aurait-on imaginé en 1962 une Confédération pour la Défense du Gouvernement ? De Gaulle, et ses successeurs, souhaitaient évidemment la victoire de leur majorité, de moins en moins discrètement, certes, mais ils ne faisaient pas d’une légère déconvenue d’un parti de l’opposition, le but essentiel d’une élection. Cette disproportion est contraire à l’esprit de notre Constitution. Elle est indigne de la fonction présidentielle.
Pour ceux qui avaient confondu le brio superficiel et l’arrogance d’E.M., avec de l’intelligence, c’est une autre déception. Voilà des lustres que la gauche, et ce qu’on appelle « la droite », suiveuse selon son habitude, brandissent l’épouvantail du Front, devenu Rassemblement, National. Voilà des années que les Français sont appelés à voter contre lui plutôt que pour un homme ou des idées. Voilà pourtant qu’il progresse au point de devenir le parti qui, même isolé, récolte le plus de voix sans avoir un nombre de députés en proportion, ni s’être vu confier la présidence d’une Région. Le « génial conducteur » en est donc acculé à sortir le vieil anathème pour tenter de sauver un parti en perdition, tandis que celle qui conduit la liste « présidentielle », dont les espérances se situent à 1 Français sur 5 des 40% qui comptent voter, vole lourdement d’une gaffe à une autre, de blitzkrieg en D-day.
Mesure-t-on la chute de celui qui appelait l’Europe progressiste à se rallier à son panache, déjà quelque peu rabougri, et qui se trouve renvoyé dans ses buts pour éviter de se prendre une dérouillée à domicile ? Elle est sévère et même vertigineuse, tant les résultats ne sont pas au rendez-vous alors que la plupart des pays européens tirent un bénéfice plus évident, en matière de chômage, par exemple, d’un contexte mondial favorable. Qui plus est, la méthode est insoutenable. De quel droit ce jeune « haut fonctionnaire » passé par une banque d’affaires fait-il pleuvoir sur les Français une avalanche de mesures technocratiques, pleines de planchers et de plafonds, qui saucissonnent les Français en tranches, qui s’épient et s’envient les unes les autres pour savoir qui va être bénéficiaire et qui va être cocu ? Monseigneur distribue sa manne au bon peuple selon son bon vouloir. Mais les Français ne sont pas idiots. Ils ont compris que l’occupant de l’Elysée le croyait et parfois leur disait. Le technocrate joue avec les clefs de l’économie comme un enfant avec un jouet tout neuf. Mais ce jeu ne soulève pas la confiance et l’espoir qui sont les ressorts d’un redressement économique. Les Français savent que toutes les mises se font avec leur argent, celui de leurs impôts, et que, dans le meilleur des cas, on ne leur rend que ce qu’on leur a pris. La gesticulation sur l’argent des retraités est psychologiquement insupportable. Elle consiste à user, selon le bon plaisir d’un jeune homme, bien loin d’avoir fait ses preuves, de ce qui, dans l’esprit des pensionnés, est le juste retour d’une vie de travail, le respect d’un contrat moral qu’ils n’acceptent pas de voir déchirer. Quant à l’alibi écolo pour justifier l’augmentation des taxes, il y a longtemps que le bobard est éventé.
Les élections européennes sont proportionnelles. Elles envoient au « parlement » européen des députés qui auront à jouer un rôle pour briser ou maintenir l’engrenage mondialiste de destruction des souverainetés nationales, pour briser ou maintenir une mécanique de moins en moins démocratique parce qu’elle retire aux peuples le pouvoir de décider de leur avenir, pour confier celui-ci à une technocratie dominée par des lobbies, et insoucieuse de maintenir l’identité culturelle des peuples européens, une technocratie qui veut seulement des travailleurs au rabais. Ce débat-là est le seul qui vaille, et c’est ainsi qu’il faut le poser.