Pâques est la plus importante des fêtes chrétiennes parce qu’elle révèle le message essentiel du christianisme. C’est la commémoration de la mort et de la résurrection du Christ. Dans cet événement se condense l’identité de la religion chrétienne. Celle-ci ne réside pas en la croyance en un au-delà, ni même dans la foi en un Dieu unique, ni dans un dieu qui meurt et renaît. Bien d’autres religions dans l’Histoire ont professé des dogmes semblables ou les véhiculent encore. Il est parfois tentant de les réunir ou de les rapprocher. Les Musulmans évoquent les religions du Livre pour apparenter celles qui se réfèrent à la Bible, le judaïsme, le christianisme et l’islam afin de prétendre que la dernière arrivée, la leur, possède la vérité définitive. Mais la référence biblique et l’unicité de Dieu sont-ils l’essentiel ? Pour les Musulmans, le monothéisme est tellement fondamental qu’ils vouent aux pires châtiments les « associateurs », ceux qui associent plusieurs dieux… ou ceux qui, comme les Chrétiens, croient en la Trinité. En revanche, l’idée d’un Dieu qui se fait homme, non pour passer un bon moment sur terre, comme dans la mythologie grecque, mais pour être lui-même le « bouc-émissaire » qui par sa souffrance et son sacrifice va racheter les péchés des hommes, et transcender leur violence, c’est l’originalité absolue du message chrétien : un Dieu qui au lieu de recevoir des sacrifices est lui-même offert en sacrifice parce qu’il est Amour plus que pouvoir terrible, un Dieu qui « désire la miséricorde, non le sacrifice ».
La fidélité de Dieu à son amour pour l’humanité s’exprime dans la Passion du Christ. A la miséricorde de Dieu n’a pas répondu celle des hommes, mais la résurrection du Christ est aussi un appel à la rédemption, à une nouvelle vie où l’homme se montrera plus digne de l’amour de Dieu, où il fera du commandement d’amour sa « Loi et ses prophètes ». La laïcité qui est souvent l’autre visage du paganisme veut confondre toutes les religions en faisant oublier l’extraordinaire modernité du christianisme, ou plutôt son exceptionnelle permanence : une religion qui préfère l’esprit à la lettre, une religion humaniste qui instaure entre Dieu et l’homme un dialogue, où Dieu n’écrase pas l’homme mais lui donne une mesure et un sens, une religion qui, en séparant le spirituel du temporel, ouvre la voie à la démocratie et à une laïcité bien comprise.
Que le christianisme ait offert d’autres visages dans son Histoire est secondaire. Qu’elles soient le fruit de la nature ou du péché originel, les tendances égoïstes et agressives de l’homme sont constantes. Les religions les tolèrent ou les encouragent parfois dans les faits. Leur message peut les favoriser ou les repousser. Manifestement, les Evangiles les condamnent avec vigueur. Les croisades n’ont pas été entreprises pour convertir les musulmans par la force mais pour libérer Jérusalem et permettre aux pèlerins de s’y rendre en paix. C’est la raison pour laquelle on ne peut être indifférent à la souffrance des Chrétiens qui ont été ou sont persécutés dans le monde, les Arméniens de Turquie, les Coptes d’Egypte, les Assyriens d’Irak, les Melkites de Syrie, ceux du Nigéria, du Kenya, du Pakistan, ou du sud des Philippines, victimes d’assassinats, de tortures, de viols, d’enlèvements, ou d’attentats. Que les malheurs du temps présent, le repli sur soi du confinement, la peur égoïste de la mort, l’impossibilité physique de participer au culte pour la Fête capitale du christianisme qui consacre la victoire de la vie sur la mort, n’assèchent ni la ferveur ni la générosité du christianisme.
Il y a un an, quelques jours avant Pâques, la cathédrale Notre-Dame de Paris, symbole de l’union profonde de la France et du catholicisme, brûlait. Peut-être était-ce là le signe d’un pays qui abandonne une identité avant tout spirituelle ? Dans le malheur très charnel qui nous frappe à travers l’épidémie, et qui se prolongera dans une crise économique que tout annonce, l’idée de « rebâtir » devient primordiale : la cathédrale, certes, mais notre société plus encore ! Leurs fondations ne peuvent être le sable du consumérisme hédoniste de l’individu, mais le roc d’une foi et d’une espérance collectives. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur elles que l’individu devient une personne libre et responsable, capable de choisir et d’entreprendre pour le bien de ceux qu’il aime.
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