Il n’est pas nécessaire d’être un grand latiniste pour connaître cet adage fameux qui signifie proprement : « Celui qui l’a fait, c’est celui à qui cela profite ». Les auteurs de polars – beaucoup sans doute le savent bien – lui ont donné la forme d’une recommandation très utile et même fort précieuse pour tout zélé détective désireux de parvenir, au terme d’une enquête bien menée, à démasquer et confondre le coupable : « Cherche à qui le crime profite » !
A qui donc profite le récent gazage des habitants du village de Khan Cheikoun, lequel fit 87 victimes dont plusieurs enfants ? A Bachar al Assad, le vilain dictateur syrien, comme tout le monde aussitôt, sans pourtant apporter aucune preuve et au mépris de toute vraisemblance, s’empresse de le proclamer ?
Qu’on y réfléchisse cependant un tout petit instant. Pourquoi Assad qui, avec l’aide décisive des Russes et des Iraniens, triomphe aujourd’hui sur toute la ligne, Assad qui vient de libérer Alep deuxième ville de Syrie et est en train de reconquérir l’essentiel du territoire de son pays, aurait-il eu l’idée saugrenue de dresser l’opinion mondiale contre lui en allant gazer de malheureux enfants dans un village dépourvu de tout enjeu stratégique ?
Je ne dispose d’aucune information particulière sur place et je n’entends aucunement me porter garant de la bonne moralité du chef de l’état syrien que personnellement je n’ai jamais eu l’occasion de fréquenter, mais tout cela de sa part me parait hautement improbable, car dépourvu de toute espèce de mobile rationnel perceptible et apparaissant au contraire comme totalement contreproductif pour lui. Premier problème…
Deuxième problème. Dans ces conditions, quelle mouche a donc piqué le Président Trump pour qu’il décidât d’écraser la base de Shayrat d’une salve de missiles Tomahawk ? Celui-ci, afin de se faire élire, n’avait-il pas vigoureusement dénoncé l’interventionnisme de ses prédécesseurs, les Bush et les Clinton, ainsi que celui de sa concurrente Hillary ? Un interventionnisme calamiteux, et même criminel, qui, sous prétexte « d’armes de destruction massive » prétendument détenues par Sadam Hussein, armes qui se sont ensuite révélées totalement inexistantes, a déstabilisé le Proche-Orient et l’a plongé durablement dans l’anarchie et la guerre. Un interventionnisme occidental (celui des Américains flanqués de leurs dociles vassaux européens) que l’on peut même taxer de criminel, car il a été responsable non seulement de destructions, notamment artistiques, irréparables mais surtout de probablement plus d’un million de morts.
Alors aujourd’hui voici Trump qui semble se renier allégrement et qui endosse l’uniforme (uniforme traditionnel pour l’impérialisme yankee) de « gendarme du monde » ! S’agirait-il pour lui d’une simple gesticulation destinée à marquer des points, à la fois sur le plan intérieur (Regardez, contrairement à Obama, je suis un président qui agis !) et sur le plan extérieur (Que la Corée du Nord se le tienne pour dit : je n’hésiterai pas à la frapper si cela devient nécessaire !) ? Mais si ce n’était pas le cas, ce reniement inattendu et cette conversion subite à l’interventionnisme néo-conservateur qui viole la légalité internationale, serait très inquiétant pour la paix du monde.
Mystère ! En tout cas, l’intervention inattendue du président américain contre la Syrie aura eu au moins une retombée positive : Hollande et Ayrault qui n’avaient cessé depuis son élection de l’injurier grossièrement, le couvrent aujourd’hui de leurs louanges émues ! C’est déjà ça…
André Pouchet, le 7 avril 2017
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