Monsieur le Président de la République,
Dans quelques jours maintenant, le peuple français va participer au scrutin qui lui permettra de choisir le chef de l’Etat pour les 5 années à venir.
Dans cette perspective, et compte tenu de la déception et de la lassitude qui ont envahi une partie de l’opinion publique et annoncent une abstention importante, il nous paraît primordial de donner un signal démocratique fort et d’ouvrir la voie à cette politique éminemment gaulliste de la participation en intégrant à votre programme le référendum d’initiative populaire.
Les européens ressentent avec force le déclin que subit leur vieux continent. Ils ne sont plus dupes pour beaucoup de la sécurité illusoire que leur offre une dépense publique à crédit. Ils sont scandalisés par l’injustice des niveaux de revenu, de protection sociale et de conditions de vie qui les séparent les uns des autres. La défiance envers les dirigeants qui les ont conduits là où ils en sont se répand et la France, si elle n’est pas le plus mauvais élève de la classe, offre bien des aspects qui ne peuvent que soulever l’inquiétude : dépense publique, endettement, prélèvements obligatoires, poids du secteur public, déséquilibre du financement de la protection sociale, mille-feuilles des strates administratives, déficit du commerce extérieur, recul de notre industrie, constats à relier avec l’importance du chômage. A cela s’ajoutent pour beaucoup la subsistance d’un niveau d’insécurité inacceptable, l’insuffisance du contrôle des flux migratoires, les menaces qui pèsent sur la famille en voie d’éclatement et le grignotage de notre souveraineté.
Sur toutes ces questions subsistent des blocages. Les réformes que vous avez entamées avec courage et intelligence sont loin d’être suffisantes. La crise a été à cet égard autant un frein qu’un accélérateur. On réforme peu et mal sans le soutien populaire, sans cet assentiment de la population qui a manqué lors du dernier mandat, comme en témoigne la longue série d’échecs de la majorité lors des scrutins locaux. Pour obtenir ce soutien, il faut que le peuple participe aux décisions s’il le souhaite et qu’un débat le plus large et le plus approfondi possible soit organisé. Cette procédure a un nom : le referendum d’initiative populaire. Il a été utilisé avec succès chez notre sœur latine, l’Italie. Il est systématisé dans un pays comme la Suisse.
En Italie, des réformes importantes et délicates comme la suppression de l’indexation des salaires sur les prix, ont fait l’objet de référendums initiés par des pétitions populaires. Dans tous ces cas, le corps électoral a approuvé la réforme lui donnant une légitimité bien plus forte.
L’initiative populaire ne retire rien au parlement qui continue à légiférer mais le met en concurrence avec les citoyens. Concrètement, on sait que le détail des textes de loi est rédigé par les rédacteurs des ministères plus que par les parlementaires. Le référendum d’initiative populaire met ces juristes en concurrence avec les cabinets de conseils juridiques consultés par les citoyens initiateurs de référendums. La concurrence permet, là aussi, d’obtenir de meilleurs textes que le monopole.
Aux Etats-Unis, 26 Etats sur 50 ont des procédures de démocratie directe analogues à celles de la Suisse : on a ainsi mis aux voix populaires la reconnaissance de la langue anglaise comme seule langue officielle (protection de l’identité nationale et meilleure intégration des immigrés mexicains) en Californie.
En France, tant qu’on n’a pas tenté l’expérience, on ne peut pas dire que les résultats seraient différents. En fait, les citoyens ont plus de bon sens qu’on ne le croit dès lors qu’ils votent sur des sujets précis et concrets. Mais l’expérience est impossible pour l’instant à réaliser avec nos textes constitutionnels actuels.
Comme le titrait un grand quotidien du soir, le déclenchement d’un référendum d’initiative populaire (article 11 de la constitution) s’apparente dans notre pays à une course d’obstacles.
- Premier obstacle, celui de la compréhension : le prétendu référendum organisé par les syndicats sur les statuts de la Poste a tout simplement dévoyé cette procédure qui ne peut être mise en œuvre que dans le cadre des institutions républicaines.
- Deuxième obstacle : la résistance globale des pouvoirs politique et administratif installés à une évolution, qui écornerait leur puissance, s’est encore traduite par la réduction, voire l’inversion de l’idée introduite par 4 amendements dont le mien dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2008. Au lieu du référendum d’initiative populaire, on est arrivé à une procédure lourde et irréalisable tant les conditions en ont été accrues.
- Troisième obstacle : la tendance récurrente dans notre pays à ne mettre en œuvre que des demi-mesures. Le référendum d’initiative populaire ne doit pas être limité à certains sujets dont décideraient les autorités en place. Il ne doit pas non plus être limité par un nombre trop important de parlementaires ou de pétitionnaires qui le rendrait peu probable.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’aller au- delà de votre proposition actuelle et d’instaurer un véritable référendum d’initiative populaire semblable à celui qui existe dans notre voisine Suisse.
Il s’agirait comme dans ce pays de rendre possible trois moyens de l’expression directe de la volonté populaire :
- Le peuple pourrait exprimer son opposition à une loi dans les trois mois qui suivent le vote d’un texte par le Parlement à condition que 500 000 citoyens inscrits sur les listes électorales s’expriment en ce sens.
- Deuxièmement, un référendum portant sur un objet mentionné au 3èmealinéa de l’article de 11 de la constitution de la République Française du 4 octobre 1958 pourrait être organisé à l’initiative d’une pétition de 800 000 électeurs adressée au Président de la République. Elle devrait bien sûr être élargie aux questions dites de « société ». Cette initiative populaire prendrait la forme d’une proposition de loi portant sur un objet unique. Le gouvernement et le parlement donnent leur avis sur ce texte dans un délai fixé par une loi organique. Le parlement peut proposer dans son avis un contre-projet. Dans un délai de trois ans à compter du dépôt de cette proposition à la Présidence de la République, le Président de la République soumet au référendum cette proposition et l’éventuel contre-projet proposé par le parlement.
- Enfin troisièmement, si la pétition mentionnée au paragraphe précédant porte sur une révision de la constitution, la pétition doit comprendre un million de signatures de citoyens inscrits sur les listes électorales.
L’engagement à donner la parole au peuple français aurait une triple signification : d’abord ce serait la traduction concrète de la formule suivant laquelle vous voulez être le candidat du peuple. En second lieu, ce serait le meilleur moyen d’en finir avec les mesures sectorielles visant à satisfaire telle ou telle fraction de la population pour redonner tout son sens à l’expression de la volonté populaire et donc à l’affirmation de l’existence d’un peuple français soucieux de son avenir. Enfin, ce serait le meilleur levier pour en finir avec les blocages caractéristiques d’une société qui associe les fantasmes révolutionnaires de son passé aux conservatismes catégoriels les plus sclérosants.
Toutefois, compte tenu de la nouveauté des procédures de démocratie directe dans notre pays, on pourrait concevoir de limiter la réforme dans un premier temps au niveau communal, départemental et régional. Le référendum d’initiative populaire permettrait sûrement de limiter la hausse des dépenses locales qui préoccupent le gouvernement sans que celui-ci n’intervienne, les citoyens eux-mêmes assurant la régulation. Les études faites en Suisse et aux USA montrent que là où le référendum d’initiative populaire existe, les impôts et dépenses publiques sont 30% plus faibles et l’endettement 50% plus faible que si les assemblées élues conservent le monopole de la décision. Après un ou deux ans d’expérience, on pourrait étendre la procédure au niveau national.
Monsieur le Président, vous souhaitez redonner la parole au peuple et vous avez raison.
Ce serait là une manière de traduire les paroles en actes, et dans cet espoir, je vous prie de croire en l’expression de ma plus haute considération.
Christian VANNESTE, Président du RPF
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