« Je suis Charlie », la formule a fait florès. La compassion, l’identification à la victime, la solidarité à bon compte et la bonne conscience en prime, avaient le mérite de dissoudre l »événement (c’est-à-dire une grave défaillance de la sécurité) dans une attitude de petite bravade, de petit défi sans grand danger. Je n’ai pas été Charlie parce que ce canard vole trop bas, même si sa vulgarité ne mérite pas pour autant le peloton. Je n’ai pas non plus été Paris, parce que ce n’était pas le gai Paris qui danse et qui chante que des salopards avaient touché, mais la France qui ne s’y attendait pas. Non, moi « je suis phobe », avec conviction, avec application, avec détermination, avec jubilation et aujourd’hui avec provocation. Comme ça fait du bien de dire à tous les moralistes pavloviens, à tous les empêcheurs de penser librement, à tous les directeurs de conscience dénués de cervelle, à tous les inquisiteurs et autres commissaires politiques du microcosme, à tous les enfileurs d’amalgames et obsédés des années noires, à tous ceux qui brandissent les interdits et poursuivent les hérétiques du politiquement correct ou les allergiques à la pensée unique : « phobe je suis, phobe je reste et j’en suis fier parce que ce suffixe qui meuble votre absence de pensée, qui ne veut rien dire ou en tout cas pas ce que vous prétendez, ce petit bout de mot trop petit pour marcher seul, je lui donne son autonomie, et ainsi une vraie grandeur, celle de la liberté. Être « phobe », c’est dire j’aime qui je veux et ce que je veux. C’est revendiquer le droit d’être libre d’exprimer sa pensée. C’est aussi affirmer sa liberté de ne pas aimer ce qui n’est pas aimable et de refuser ce qui n’est pas acceptable. Libre aux autres de ne pas penser comme moi. Mais ne marchez pas sur les plates-bandes de mes idées.
Et puis ce malheureux suffixe sans défense que vous exploitez sans vergogne, vous l’obligez à dire ce qu’il ne dit pas. La phobie, sa mère, ne lui a pas appris à détester, à mépriser, à rejeter, à agresser qui que ce soit, mais seulement à avoir peur, une peur panique, face au vide, à la foule, à la claustration. Elle parlait grec, sa mère, et en grec « phobos » ça veut dire frayeur. La haine c’est « misos ». Comme quoi le grec et le latin avaient du bon, ça empêchait les incultes à la sauce Valllaud-Belkacem de diriger notre pauvre monde. Si très calmement, vous dîtes je n’aime pas ceci ou cela, et avec des raisons sérieuses, ce n’est pas de la phobie. C’est une opinion. Alors faisons sortir ce mot de son esclavage, émancipons-le, soyons pleinement, lucidement, joyeusement phobes. Si on ne lui ajoute rien, il ne veut plus rien dire, c’est le carré blanc sur fond blanc de la pensée politique, un grand moment de libération créatrice. »
Pour le reste, je suis partisan de la préférence nationale, d’une solidarité prioritairement destinée à mes compatriotes. Je continue à penser que le mariage fonde la famille en préparant l’accueil des enfants et ne concerne donc qu’un couple constitué par un homme et une femme. Je crois aussi que l’islam est une religion de conquête et qu’elle est à nouveau conçue comme telle par des musulmans qui vivent en Europe, ce qui présente un risque réel. Je pense enfin qu’il y a des gens qui manifestent un curieux ressentiment à l’encontre de leur propre identité, nationale, religieuse, une attitude qu’on pourrait croire pathologique et qui consiste à se détester soi-même. Je le jure, je n’emploierai pas le mot de christianophobie. Je n’inventerai pas le mot d’héautonphobie ( héauton = soi-même). Je ne dirai même pas qu’ils doivent se soigner. Je leur dirai seulement de réfléchir un peu et de laisser penser les autres.
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